The Kids aren't alright

  « Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? »

Cette question était un peu leur leitmotiv. Chacun, tour à tour, à un moment ou à un autre, finissait toujours par la poser, et pour des gosses comme eux, qui n'avaient aucune contrainte horaire imposée par des parents soucieux et constamment sur leur dos, ils n'étaient jamais à court d'idées pour s'amuser d'un rien et faire de la rue un immense et inépuisable terrain de jeu.
Lorsqu'il était seul avec son frère ou avec toute la bande de ce dernier, Tyler laissait son ainé choisir du programme de la journée et il suivait sans poser de question, mais lorsqu'il se retrouvait juste en compagnie d'Elias et Tallin, les propositions et les suggestions fusaient à tout va. Les trois amis étaient inséparables et n'étaient jamais plus heureux et satisfaits de leur sort que lorsqu'ils se retrouvaient à être les maîtres des rues de la capitale des Partisans du Nouveau-Monde : l'imposante et indomptable New-Phoenix
Tyler et Tallin avaient en commun d'avoir grandit dans les quartiers défavorisés de New-Phoenix, ces quartiers mêmes ou la violence quotidienne régnait aussi bien dans les foyers que dans la rue, où les hommes et les femmes s'endettaient auprès de bookmakers en pariant leurs derniers deniers, buvaient, se trompaient l'un l'autre mais où, curieusement, le divorce n'avait presque jamais court. Pourtant, à y regarder de plus près, cela n'avait strictement d'étonnant et encore moins à voir avec une profonde foi religieuse c'était tout simplement du au fait que cette partie de la population vivait dans une telle misère qu'ils préféraient être malheureux et mal accompagné que seul et à la rue. Malgré la dureté de la vie qui régnait dans ces quartiers, dès l'instant où les trois amis se retrouvaient, ils se sentaient invincibles, comme prêt à affronter n'importe quelle épreuve, dès lors qu'ils étaient ensemble. Leurs journées étaient composés d'une interminables série de jeu et d'aventures qui n'avait que pour seul limite leur imagination et leur endurance physique passant ainsi du vol de friandises, ou de comics dans les épiceries, au hockey sur bitume ou au basket ball, parfois même leur insouciance les incitait à prendre des risques inconsidérés en grimpant dans les toits des immeubles pour chercher à imiter des acrobates urbains qui avaient toute leur admiration. Le soir venu, habillés d'un short et d'un t-shirt aux manches découpées, ils se lavaient de la transpiration que leur avait procuré leurs jeux sous le jet froid d'une bouche d'incendie, puis ils laissaient le temps à leurs vêtements et à leurs cheveux de sécher avant de se séparer et de rentrer chez eux. Plus reposant, sauf quand on ne les repérait pas et qu'on ne les prenait pas en chasse, il leur arrivait de s'introduire dans les salles obscures en douce pour profiter de la diffusion de certains films, ou d'entrer dans des stades bondés de monde, toujours sans payer, pour assister à des match de football américain, de base-ball, ou de boxe. Généralement, lorsqu'ils se séparaient, Tyler trainait encore un peu seul dans les rues pour observer de talentueux artistes munis de leurs bombes d'aérosol, décorant de manière éphémère, les murs de la ville. Tyler ne se lassait jamais de les observer vaporiser leurs petites bombes de couleurs à un rythme impressionnant qui une fois mélangé ensemble laissait apparaître une oeuvre que tous pouvait admirer. Plus que le résultat, c'était de les voir s'exécuter, les observer créer, qui lui plaisait le plus et dont il ne se alssait pas.
Dès qu'ils se retrouvaient ensemble, dès qu'ils étaient hors des murs de leurs prisons respectives qu'étaient leurs foyers les trois amis éprouvaient un sentiment de liberté enivrant. Et si ce constat était particulièrement valable pour Tallin et lui, il l'était tout autant pour Elias. La rue était devenue leur territoire, livrés à eux-mêmes, ils y évoluaient et grandissaient sans crainte. Une fois à l'extérieur de leurs murs, ils parvenaient à s'échapper durant quelques heures éphémères, qu'ils essayaient de prolonger un maximum, de leur quotidien. Tous n'attendaient qu'une chose : être enfin en âge de se tirer de chez leurs vieux pour pouvoir mener leur propre existence, et c'était particulièrement vrai pour Tyler qui ne rêvait que de pouvoir zoner dans le lotissement abandonné qui servait de lieu de squattage à son frère

Depuis que son père s'était fait tabasser par les hommes de Silas, Tyler s'était mis au service du truand pour éponger les dettes de son vieux, et contre toute attente, il fut surpris de découvrir que malgré ce que pouvait en dire Tallin, il aimait ce qu'il faisait. Il avait l'impression que travailler pour Silas lui conférait une certaine importance. Il se sentait valorisé et intouchable, de plus le boulot était facile et pas contraignant, sans compter que gagner de l'argent aussi facilement était loin de lui déplaire même s'il n'était pas prêt d'en voir la couleur. Son père quand à lui se rétablissait très lentement. N'ayant pas de couverture sociale, les soins médicaux étaient limités et c'était son fils qui avait pour charge de s'occuper de lui. Durant sa convalescence, Tyler avait réalisé qu'il détenait un certain pouvoir sur son père et que l'occasion de le faire souffrir à son tour lui était donné, ce qu'il ne s'était pas gêné de faire tout en lui prodiguant les soins dont il avait besoin. L'entendre hurler de douleur fut la plus grande des satisfactions qu'il n'avait jamais connu jusqu'alors. Il n'ignorait pas ce qui l'attendait lorsque son père serait à nouveau rétablit mais de toute manière que pouvait-il lui faire de plus que ce qu'il lui faisait déjà ? Il ne faisait de toute manière aucune illusion, jamais son père ne le remercierait de s'être occupé de lui correctement alors autant lui donner une bonne raison de le battre.

L'année scolaire touchait à sa fin et les vacances d'été tant attendues par la plupart des élèves se rapprochaient à vive allure, les journées bien occupées entre les cours, son boulot pour Silas et trainer avec ses amis ou la bande de son frère, passaient à un rythme infernale. Son père ayant retrouvé une certaine autonomie, il pouvait se débrouiller seul et n'avait plus réellement besoin de lui. Tyler évitait tant que possible de se retrouver dans leur taudis, ne rentrant que pour dormir, se doucher et parfois grignoter un morceau. Cela faisait des semaines qu'il n'avait plus recroisé Thomas Pea. Depuis l'altercation avec Mace, ce dernier avait quasiment disparu du paysage et à vrai dire il ne s'en préoccupait pas réellement. Comme il était obligé de cuisiner et que son père n'avait pas encore récupéré suffisamment de force pour l'empêcher de s'approcher du frigo, il se préparait des sandwich pour le midi, et mangeait relativement à sa faim. Raison pour laquelle il n'avait plus volé le gouté de Pea depuis plusieurs semaines à présent. Parfois, le soir en rentrant, il lui arrivait de s'arrêter devant leur pallier et de se demander ce que faisait les Pea. Il avait eut un aperçu de leur tranquille petite vie, de Thomas avec ses jeux vidéo, de Mme Pea toujours à préparer le repas, de leur appartement si beau et bien rangé, de la petite Khloe qui courait partout avec ses crayons de couleurs et de Mr Pea avec son sourire niais.... Songer à leur petite vie facile le mettait en colère et si des chaussures se trouvaient devant le paillasson à ces moments-là, il ne se gênait pas pour leur donner un bon coup de pied dedans afin que ces dernières dévalent le premier étage. Généralement satisfait de son acte de méchanceté gratuite, il remontait les derniers escaliers qui menait jusque chez lui sans un regard en arrière et sans se presser, et ce, même si quelqu'un ouvrait la porte, après tout ce n'était pas les Pea qui oseraient lui dire quoi que ce soit, il avait fini par le comprendre et ça lui insufflait un nouveau sentiment de supériorité sur eux.

Ce jour-là, Tallin avait décidé de rester à la bibliothèque avec Timmy après les cours alors que de leurs cotés Elias et lui s'étaient empressés de quitter le périmètre scolaire. Tyler avait d'ailleurs un peu rembarré la jeune fille qui avait préféré faire dieu sait quoi à la bibliothèque plutôt que de venir avec eux. Elle avait promis de venir les rejoindre un peu plus tard mais ça n'avait pas suffit à calmer Tyler qui était parti en restant sourd à ses appels. Il détestait se disputer avec Tallin, mais son coté étudiante sérieuse avait le don de l'agacer surtout en cette période de l'année ou de toute manière avoir de bonnes notes ne changeraient plus grand chose pour le passage en classe supérieur.

- C'est la fin de l'année, merde !! Râla-t-il auprès d'Elias. Qu'est-ce qu'elle a besoin de s'enfermer dans une bibliothèque par un temps pareil ?! Tout ça c'est la faute de Timmy ! Oh et puis j'm'en fous, tant pis pour elle ! Elle a qu'à y rester dans sa bibliothèque

Tyler éprouvait une pointe de jalousie à l'égard de Timmy depuis quelques temps. Tallin semblait n'avoir plus d'yeux que pour lui, ils étaient constamment ensemble et Tyler avait la sensation que cela se faisait à leur détriment, et s'il y avait bien une chose qu'il détestait c'était de se sentir abandonner par ceux qu'il aimait et c'était exactement ce qu'il éprouvait à son égard depuis quelques temps. Préférant changer de sujet et laisser la cause de ses contrariété derrière lui, il avança droit devant lui tout en posant une question à Elias d'un ton qui se voulait indifférent mais qui dans le fond était loin de l'être.

- Tu pars pendant les vacances ?

Les vacances... Si Tyler appréciait de ne plus avoir de contrainte comme de devoir se lever tôt le matin, de ne pas avoir de devoir à faire ou de se rendre à l'école pour affronter profs et élèves, il savait que très souvent "vacances" rimait avec "départ". Lui ne partait jamais, il n'avait même jamais quitté New-Phoenix, mais Elias lui partait de temps en temps avec sa famille et même si ce n'était que provisoire, il savait déjà que le temps allait lui paraître incroyablement long sans son meilleur ami, d'autant plus qu'il ne pouvait plus se pointer et squatter chez son frère comme il le faisait auparavant depuis qu'il avait surpris ce dernier en plein ébat avec deux putes qu'il avait ramené chez lui. Ce n'était pas la première fois qu'il surprenait ce genre de divertissements, ses parents n'avaient jamais été très discret, et en grandissant il soupçonnait son père d'y prendre un malin plaisir à faire le maximum de bruit dans le seul but de le gêner et de se moquer de lui. Il subissait déjà ça à la maison il n'avait aucune envie de vivre ce genre de situation chez son frangin qui ne se gênait pas pour en rajouter une couche. Bien sur la moquerie de Brad était différente de celle de son père. Celle de son père était cruelle et vicieuse, il se faisait un malin plaisir de lui rappeler que personne ne voudrait jamais de lui tant il était stupide et repoussant, alors que Brad cherchait à tout faire pour l'initier au plaisir de la chair, ce qui lui faisait prendre directement ses jambes à son cou
Quand il n'avait vraiment rien d'autre à faire et qu'il était seul, Tyler patientait en bas du bâtiment sur les marches d'escaliers que son frère ait fini son affaire mais la perspective de passer toutes ses vacances sur les marches d'escaliers du bâtiment abandonné n'était vraiment pas pour l'emballer.

Alors qu'ils coupaient par le parc, ils aperçurent Mace entrainer de force le petit Thomas Pea dans un coin du parc pour le malmener avec sa même stupide bande. Tyler n'était pas du genre à intervenir pour aider les personnes qui se faisait agresser, après tout personne ne venait le secourir lui, quand il avait besoin d'aide, on se fichait de ce qui pouvait lui arriver, mais cette fois les choses était différentes. D'une part, il détestait qu'on s'en prenne à son souffre-douleur, et encore moins si c'était Mace. Thomas Pea était son jouet, pas celui de Mace. De plus, tout le monde savait que Mace et Tyler se détestaient cordialement et se disputaient l'autorité du quartier c'était à qui soumettrait l'autre, et enfin, Tyler avait besoin de se défouler et s'il pouvait arranger le portrait de Mace au passage, il n'allait certainement pas se gêner.

- Mmmhh y a une sale odeur dans les environs, fit Mace en reniflant alors qu’ils s’approchaient d’un pas décidé. Ah ben oui j’comprends mieux, regardez qui voila, le pouilleux et son pote le ritale ! Alors, tu t’es pas douché depuis quand Lennox ?  

Sans la moindre délicatesse, Tyler attrapa Thomas par le col de sa veste et le tira en avant avant de le pousser sans ménagement derrière lui-même

- Oooh on veut pas qu’on touche à son p’ti cop….

Mace n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Tyler le frappa en plein visage. Pour une fois, Tyler était au meilleur de sa forme, cela fait plusieurs semaines que son père avait été dans l’incapacité de le battre ou de l’affamer et la force de ses coups s’en ressentait davantage, d’ailleurs au vu de l’expression de surprise qu’affichait Mace, ce dernier avait du le sentir aussi.

- Traites-moi encore une fois de pédale, touche-le encore ou manque moi à nouveau de respect et j’te jure que tu l’regretteras !


Si après cette correction Mace s’était désormais tenu à distance de lui ou de Thomas Pea, les vacances avaient fini par revenir et avec elle, le rétablissement de son vieux qui avait eut à loisir le temps de fomenter sa vengeance pendant qu’il était alité à sa merci. Tyler pensait qu’il ne pouvait rien inventer pour le torturer davantage qu’il ne le faisait déjà mais il avait vite fini par découvrir à quel point il se trompait. Ce monstre n’avait absolument aucune limite pour laisser libre cours à sa cruauté. Pour fêter le retour aux bonnes vieilles habitudes, l’homme avait choisi de changer les règles du jeu et de troquer sa ceinture de cuir pour une baguette en chêne qui ne résista pas bien longtemps à la force de ses assauts mais qui eu cependant suffisamment le temps de lui laisser à vie les marques de son passage sur son corps. Ses blessures à vif étaient si douloureuses que même sentir l’eau couler sur sa peau était un véritable supplice si bien qu’il avait été incapable de prendre une douche pendant quelques jours. Se déplacer le lendemain de sa correction avait été une véritable gageur et descendre ou monter les escaliers, une véritable épreuve mais il ne pouvait pas rester dans ce taudis avec leur vieux de crainte de ce qu’il pourrait encore lui faire s’il lui en donnait l’occasion et bien sur, maudit qu’il était, il avait fallut que Pea ouvre la porte pile au moment où il pleurnichait comme un bébé. Honteux d’être à nouveau vu en position de faiblesse par son petit voisin qui devait secrètement se réjouir de ce qui lui arrivait, Tyler avait eut recours à la seule option qui lui restait, lui aboyer dessus en proférant des menaces.

- J’chiale pas ! Se défendit-il et si tu dis quoique ce soit je l’saurais et alors là je dirais à Mace de te buter la gueule et ensuite je m’occuperais d’toi, pigé !!!

Il avait passé la journée dans sa cachette secrète, qui était située sur les toits de son immeuble, dans un coin, à l’abri du vent, à observer la tentaculaire ville de New-Phoenix et le monde qui y grouillait sans prêter attention à lui. Ce n’était qu’une fois que la nuit était tombée depuis fort longtemps, qu’il s’était décidé à rentrer chez lui. Complètement ankylosé il avait eu encore plus de mal à emprunter la cage d’escalier pour regagner son appartement. En retirant avec difficulté son tshirt, il constata que ses blessures s’étaient réouvertes, taché comme il l’était son t-shirt était juste bon à jeter à la poubelle. Ce soir-là, il s’allongea torse nu sur sa couverture pour laisser ses blessures à l'air. Lui qui avait l’habitude de dormir en boule, enveloppé dans sa couette, fut contraint de dormir sur le ventre pendant plusieurs nuits. Incapable de dormir dans cette position, il restait éveillé la plupart du temps, immobile dans son lit, les yeux humides mais le regard haineux, rivé sur la lune qu’il pouvait voir apparaître derrière sa fenêtre. Enveloppé d’un halo lumineux il la voyait se faire engloutir par un nuage ténébreux. Si Tyler avait toujours vu la mort comme une délivrance et qu’il avait plus d’une fois espéré ne jamais plus se réveiller, pour la première fois de sa vie, ce n’était plus sa mort qu’il espérait, mais celle de son tortionnaire...


Mars 2008

Les jours, les semaines, les mois, les années se suivent et se ressemblent et si c’était particulièrement vrai pour lui, les choses évoluaient différemment pour son frère qui avait trouvé un boulot de garagiste chez le vieil Owen, un vieux du quartier qui semblait avoir toujours été là. A la base Tyler avait été surpris que son frère prenne un boulot dans le garage de ce vieux grincheux qui avait osé le remettre à sa place, quand il avait essayer de jouer au petit dur avec lui. En temps normal, il aurait cherché la bagarre vieux ou pas il s'en fichait, mais étrangement pour une raison que Tyler ne comprenait pas, Bradley respectait ce type et avait oser le rappeler à l'ordre. Tyler en avait été affreusement vexé mais cela avait eut le mérite de le mettre au pas et d'observer d'un oeil neuf et intrigué cet homme qui employait son frère. A force de le voir traîner dans le coin, le vieil homme n'hésitait pas à le houspiller pour qu'il file lorsqu'il était censé être en cours ou à lui faire nettoyer des voitures lorsqu'il n'avait rien à faire. Rechignant d'abord à la tâche il avait fini par se montrer plus intéressé lorsque le vieil homme, qui malgré les apparences avait fini par se prendre d'affection pour lui, avait commencé à lui dispenser un peu de son savoir. Alors que les conseillers d'orientation harcelaient chaque élève de sa classe afin de les pousser à réfléchir à leur avenir, lui était entrain de se dire qu'au final, garagiste c'était pas si mal et qu'il apprécierait de faire un stage chez le vieux Owen aux cotés de son frère. Lui qui n'avait jamais eut de projet d'avenir, se laissait séduire par cette perspective et pour une fois, il était assez impatient d'être convoqué par le conseiller d'orientation pour connaître son opinion à ce sujet. Malheureusement dans une école et un quartier ou tout le monde connaissait tout le monde, personne n'attendait quoique ce soit du rejeton de la famille Lennox. Le père était un alcoolique violent et chômeur qui se la coulait douce avachis devant la télé à siroter des bières tandis que le fils ainé, n'était qu'un paumé qui aimait boire, voler et se battre. Dans ces conditions, il ne faisait aucun doute que le cadet, qui déjà à son âge, traînait dans les rues le soir jusqu'à pas d'heures, qui n’avait aucun respect pour ses professeurs ou ses camarades de classes, qui n’en fichait pas une et qui chapardait, était entrain de suivre la même pente que son père et son frère. Pour les enseignants Tyler Lennox n'était qu'un gamin hargneux, insolent et agressif dont les absences à répétition et les nombreuses bagarres qu'il provoquaient ne servaient qu'à renforcer l'opinion négative qu'ils avaient à son encontre. Ils se désintéressaient de lui, estimant qu'il n'était qu'une cause perdue qui n'avait aucun avenir, si ce n'était celui de finir comme son père ou son frère, au lieu de voir un gamin en détresse qui avait besoin d'aide et de conseils.

Si Bradley avait trouvé un travail respectable, il n’en n’allait pas pour autant de ses fréquentations qui étaient toujours les mêmes. Bradley aimait se sentir invincible, il aimait se battre et s’affranchir de toutes les règles et pour Tyler son frère était un exemple qu’il voulait suivre. Lui aussi désirait mener sa vie comme il l’entendait en ayant peur de rien ni de personne et en inspirant la crainte, mais il était encore loin d’atteindre cet idéale lui qui tremblait à chaque fois comme une feuille devant son vieux. Et lorsqu’il se faisait la promesse de ne plus jamais se laisser faire par son père, toute son assurance fondait comme neige au soleil dès lors qu’il se retrouvait face au monstre. Décidément, il était pathétique alors qu'entouré de la bande de son frère il se sentait beaucoup plus courageux, prêt à commettre n’importe quelle folie pour se sentir vivant, pour avoir l’impression d’exister. Mais ce jour-là, cette folie qu’ils allaient commettre avait été beaucoup trop loin. Tyler le savait pourtant, il l’avait vu, il savait que John un junkie de l’âge de son frère, avait une arme sur lui mais il n’avait rien dit, il avait même trouvé ça tout à fait normal pour faire ce qu’ils avaient prévu et ce, bien qu’il y avait une instabilité affichée et inquiétante chez John. Aujourd’hui avec le recul il se disait qu’il aurait du le voir venir, mais sur le moment rien ne laissait supposer le drame qui allait se dérouler sous leurs yeux et entraîner la mort d’un homme.

L'été était arrivé et, pour Thomas qui aimait beaucoup les cours, c'était pourtant un véritable soulagement. Si Tyler ne l'avait plus trop embêté, Mace avait pris le relais avec un plaisir évident. Son voisin l'avait d'ailleurs sorti d'un mauvais pas et son intervention avait rendu le futur éditeur encore plus mal à l'aise face à lui. Car Tom connaissait son quotidien si différent du sien avec cet homme tellement terrifiant qui était son père.
Les Pea partirent deux semaines en vacances, dans un grand hôtel où Tom s'ennuya un peu mais où Khloé s'amusa comme une folle. La petite fille, quand elle avait fini d'explorer le complexe, dessinait. Tom lui, n'avait pas été autorisé à prendre plus de deux livres et il les avait déjà fini.
Le dernier jour, sa mère l'emmena en ville et il pu choisir un nouveau bouquin pour le trajet du retour. Il en était tout heureux mais il ne parvint pas à lui dire autre chose qu'un petit "merci", presque hautain, comme s'il lui en voulait, alors que ce n'était pas le cas. Sa mère, ne sachant pas elle-même se comporter avec lui, ne dit rien pour détendre l'atmosphère.
Des années après, Thomas pourra se souvenir en détail du tapis de ce centre commercial dans cette ville balnéaire. Le nom lui avait échappé mais il revoyait avec une netteté incroyable la caissière au visage doux et fatiguée. Ses mains ridées ne semblaient pas raccord avec son âge. Il y avait un tâche jaunâtre sur ce tapis noire qui avançait par à coup. Le jeune couple devant eux avaient pris des chips et des bouteilles d'alcool forts, genre vodka. Sa mère, très droite, à côté de lui, tortillait ses mains sur les lanières de son sac. Elle ne le regardait pas et affichait un sourire crispé sur ses lèvres, comme si venir ici seul avec son fils était un véritable supplice.
Par après, Tom comprit qu'il avait hérité de ce malaise là : ne pas savoir comment se comporter en public.
Peut-être était-ce la première fois qu'il avait compris ce que sa mère endurait. Ce jour d'été, dans un centre commercial où elle lui avait acheté "Le silence du couvent" de James R. Murdoch.

Dans la voiture, Coco dormait contre lui tandis qu'il lisait, concentré de ne surtout pas regarder par la fenêtre pour ne pas être malade. C'était plutôt faisable vu l'intrigue rocambolesque du livre qui le tenait en haleine.
Heureusement d'ailleurs, sinon le silence étrange dans l'habitacle l'aurait terriblement mis mal à l'aise.
C'est ce genre de souvenir, sûrement modifié avec le temps, qui l'empêchait d'aller voir régulièrement ses parents plus tard, une fois adulte et indépendant.

La chaleur du mois d’août cette année là était suffocante. Tom ne sortait presque pas de l'appartement bien frais. Il passait son temps à babysitter sa soeur mais ça ne l'embêtait pas, bien au contraire.
Il avait croisé Tyler dans l'escalier un jour, tellement affaibli par les coups de son père qu'il en pleurait, seul et recroquevillé. Mais en le voyant, il lui avait aboyé dessus, lui proférant des menaces qu'il aurait préféré ne pas entendre.
Terrifié, Tom hocha prestement la tête et déguerpis.

La honte, cuisante, de ne rien pouvoir faire pour lui resta au travers de la gorge toute la fin de l'été. Il était tellement lâche et il avait presque hâte de se refaire brutaliser par son voisin. Il le méritait. Il ne méritait que ça.
Il se répétait ça toute la journée et ne pouvait s'empêcher  d'y penser. Et il avait l'impression de devenir dingue. Plus les jours passaient, plus il était terrifié de le recroiser. Mais il était peut-être encore plus terrifié de ne plus le revoir et de ne pas savoir ce qu'il devenait.

La rentrée arriva doucement. Tom débutait sa deuxième année dans cette école et il espérait que ça irait mieux pour lui. Peut-être même qu'il parviendrait à se faire des amis. On peut rêver quand on vit dans le monde illusoire des bouquins.
Mais les journées défilèrent exactement pareil à l'année dernière. Il mangeait toujours seul, le nez dans un livre, effrayé de croiser le regard qui juge des autres. Mais les mots sur les pages commençaient à former un semblant de bouclier autour de lui.
Les cours de littérature le passionnaient et il écoutait avec attention leur petit prof chauve qui paraissait toujours épuisé. Il prenait tous ses élèves pour des cons, lui y compris mais ce n'était pas grave. Il aimait parler des personnages de romans et c'était tout ce qui comptait.

Un matin comme un autre, Tom croisa Tyler dans l'escalier de l'immeuble. Il ne pleurait pas - heureusement ! - mais grimaçait de douleur en tentant de descendre l'escalier.
Que faire ? Il ne l'avait pas encore vu, le petit garçon pourrait très bien retourner dans l'appartement en faisant mine d'avoir oublié quelque chose.
Horrifié, il réalisa que ses pieds avaient décidé pour lui alors qu'ils les emmenaient à sa hauteur.
L'observant avec attention, il comprit que cette fois ci, son père avait dû lui briser quelques os. Son bras gauche soutenait son bras droit qui pendait lamentablement, incapable de se soutenir par lui-même. Il boitait. Peut-être avait-il également la jambe cassée. Thomas devait agir.

-Salut...marmonna-t-il, une sueur froide coulant dans son dos.

Déglutissant, ne sachant que faire, il hésita à appeler ses parents. Mais Tyler lui en aurait voulu, il le savait et il aurait ramassé la raclée de sa vie.
Réfléchissant à toute allure, une idée de génie lui parcouru l'esprit alors que les deux garçons franchissaient le seuil de l'immeuble.
Il n'avait rien à dire, alors il ne dit rien, se contentant de marcher à sa hauteur, sourd à tout ce qu'il pouvait lui raconter.
Quand enfin ils arrivèrent à une des rue principale, Tom leva brusquement le bras et en fut lui-même surpris. Lui d'habitude si raide, faire un mouvement si ample ne semblait pas naturel. Dans ses poches, se trouvait vingt dollars et c'était plus qu'assez pour soulager si pas les douleurs de son voisins, sa conscience.
Un taxi s'arrêta net devant eux et Tom poussa doucement Tyler dedans, tremblant de devoir le toucher.
Déséquilibré Tyler tomba sur la banquette, à son plus grand soulagement. Thomas donna alors l'argent au conducteur et lui donna l'adresse de l'hôpital le plus proche.
Sans même un regard pour Tyler. Trop terrifié de croiser ses yeux furieux.
Heureux de sa bonne action, il passa la meilleure journée de sa vie, sans même savoir si son voisin ne s'était pas barré du taxi avant d'être arrivé à destination.
Il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour l'aider. Et ce fut peut-être la première fois (et sans doute la dernière) qu'il ressentit une certaine fierté.


 

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The Kids aren't alright

Tyler détestait sa vie, ce n'était pas nouveau, mais il détestait également les autres. Pas uniquement ceux qui le chahutaient parce qu'ils se savaient au-dessus de lui, mais également la plupart des personnes qu'il croisait sans raison apparentes si ce n'était qu'ils n'appartenaient tout simplement pas à sa bande ou celle de son frère, parce qu'ils avaient les derniers vêtements à la mode ou les derniers gadgets qui faisaient fureur, ou tout simplement parce qu'ils étaient heureux et qu'aucun d'entre eux, avec leur petite vie bien rangée ne pouvait imaginer une seule seconde tout ce qu'il subissait et plus le temps passait, plus il se sentait devenir hargneux et mauvais.
Pendant longtemps, il s'était imaginé que le Dieu d'Elias l'avait maudit et qu'il devait vraiment le détester pour lui infliger tout ce qu'il subissait. Il avait beau demander pardon, prier de toutes ses forces pour qu'Il le délivre d'une manière ou d'une autre, rien n'y faisait, alors il avait fini par croire qu'il n'avait que ce qu'il méritait et que tout cela était finalement normal, c'était son quotidien et il fairait avec tant qu'il avait son frère, Tallin et Elias à ses côtés. Pourtant, ce qu'il croyait immuable et éternel allait également finir par s'effriter, lui retirant les seuls sources de joie qu'il connaissait.

Tout avait basculé en ce mois de mars 2008 après le drame qui s'en était suivi. Jamais cela n'aurait du se passer ainsi, et pourtant cette fois cela avait été beaucoup trop loin. C'était la connerie de trop, celle qui allait bouleverser à jamais leurs vies. L'idée de départ était pourtant bonne et aurait dû leur apporter un paquet de frics très facilement mais au lieu de ça, cela avait entrainé la mort d'un homme, et même s'il était habitué à la violence au quotidien que ce soit auprès de Silas, dans son quartier jusque dans les murs de sa maison, même s'il s'agissait d'un crevard de flic, cette fois c'était différent. Voir quelqu'un mourir sous ses yeux et en être en parti responsable était quelque chose de traumatisant, de tellement traumatisant que toute la bande évita de se réunir pendant quelques temps. Elias ne venait plus à l'école et il comprenait pourquoi. Lui-même était terrorisé à la seule perspective de voir les poulets traverser la porte de leur taudis pour l'embarquer comme un criminel les menottes aux mains, alors lui qui fuyait déjà son logis comme la peste, le désertait presque complétement depuis quelques temps. Au départ, dès qu'il sortait de l'appartement et qu'il apercevait un uniforme ou une voiture de flics sont coeur s'arrêtait de battre car à chaque fois, il pensait qu'ils étaient là pour lui, mais le temps passa et jamais aucun flic ne vint lui poser la moindre question concernant cette terrible nuit mais comme une punition divine, s'il avait échappé à la justice, il avait en contrepartie perdu son ami...

Depuis ce terrible accident, Elias n'était plus réapparut et aucun membre de leur groupe ne l'avait revu. Fait encore plus étrange, il séchait tous les cours depuis plusieurs jours. Une semaine passa puis une seconde et cette fois, Tyler avait eu la peur au ventre. Lui était-il arrivé quelque chose ? Pourquoi ne donnait-il plus aucune nouvelle ? Tallin elle-même n'était guère plus renseignée et puis la nouvelle avait fini par tomber : Elias avait quitté l'école.
Pour Tyler s'était un peu comme si une partie de son univers venait de s'effondrer. Son meilleur ami venait de l'abandonner lâchement car non content d'avoir changé d'école, d'avoir tourné le dos à ses anciennes fréquentations, il l'avait abandonné également sans le moindre remords et ce constat était probablement le pire de tous. Tyler ne possédait rien c'était un fait, mais s'il y avait bien quelque chose que tout le monde pouvait lui envier mais que personne ne pourrait jamais lui enlever, c'était ses amis. C'était du moins ce qu'il avait toujours cru, qu'avec Tallin et Elias ce serait à la vie à la mort, un peu comme les inséparables mousquetaires de Dumas, mais la réalité l'avait bien vite rattraper et lui avait fait comprendre qu'il serait toujours et définitivement seul. Ce constat l'avait rendu amer et particulièrement hargneux voir même coléreux. Lui qui durant un temps avait songé à suivre un apprentissage pour devenir mécano aux côtés de son frangin avait décidé de tout foutre en l'air. Son avenir ? Il n'en n'avait plus rien à foutre. Il était une merde et ne ferait jamais rien de sa vie, son père le savait, ses profs le savaient, tout le monde le savait, il était plus que temps qu'il ouvre enfin les yeux à son tour. Il ne restait plus rien de tous ses beaux projets qu'il voulait absolument partager avec le conseiller d'orientation quelques semaines plus tôt. Celui qui était entré dans ce bureau n'était plus un adolescent chétif, timide et plein d'espoir qui souhaitait simplement des encouragements de la part de cet adulte quand à son avenir, mais un adolescent provocateur, revanchard, menaçant et effronté qui prononçait exactement les mots que l'adulte s'attendait à entendre venant de sa part et que pourtant, il n'avait jamais songé prononcer il y avait de cela encore quelques semaines.
Lui qui essayait de suivre les cours un minimum et qui pouvait demander de l'aide à Elias en cas de difficulté, ce qui arrivait assez régulièrement, n'obtenait pas des notes mirobolantes juste assez pour pouvoir passer au niveau supérieur, mais cette fois, sans Elias, et sans la moindre motivation les notes de Tyler se mirent à dégringoler sévèrement. Entre les absences à répétitions, les devoirs non rendus et les zéros pointés lors des contrôles qu'ils soient annoncés ou non il ne fut pas surprenant de le voir redoubler en fin d'année. Pour Tyler ça n'avait aucune espèce d'importance, qu'il passe ou qu'il redouble il s'en fichait royalement et avait décidé de ne plus jamais retourner au bahut à la rentrée. Pour lui, c'était une perte de temps, on n'y apprenait rien d'intéressant et il préférait rester seul que d'être entouré de tous ces imbéciles.

L'été et ses longues et chaudes journées furent très vite de retour et comme d'accoutumé, Tyler allait trainer du coté des Tours Weasley, de son parc, et du centre commerciale de ces dernières. Aussi loin qu'il se souvienne, ces tours l'avaient toujours intrigué et fasciné mais s'y rendre sans Elias ou Tallin ce n'était pas la même chose, bien au contraire, c'était triste, et ça lui donnait le cafard, alors pourquoi s'infliger ça ? Parce qu'il n'avait pas d'autres endroit où aller. Ses amis lui manquaient et Elias tout particulièrement. Tallin était toujours collé aux basques de Timmy quand à Elias, il avait complétement disparu... du moins jusqu'à ce qu'il réapparaisse devant lui, là où ils avaient l'habitude de trainer ensemble prêt des Tours. Si Tyler était réellement heureux de revoir Elias, il n'en montra rien car en vérité, il lui en voulait terriblement de l'avoir abandonné, et les reproches n'avaient pas tardé à fuser. Bien que ce n'était pas ce qu'il désirait au fond de lui, Tyler avait repoussé celui qui avait été son meilleur ami. Heureusement, Elias n'était pas de ceux qui se laissait faire ni même intimider, et très rapidement, il était parvenu à s'imposer à nouveau dans sa vie. Elias lui avait expliquer tous les changements qui était survenu dans sa vie depuis cette fameuse nuit : sa prise de conscience, son désir de changer de vie et pour cela de se faire aider, ses traumatismes dû à la terrifiante catastrophe dont il avait été la victime alors qu'il n'était qu'un gamin,... Pour affronter ses démons, Elias avait du faire un long travail sur lui-même, aujourd'hui il se sentait mieux et s'il pouvait renier ses anciennes fréquentations, il était incapable de tourner le dos à leur amitié, bien au contraire. Il souhaitait que Tyler continue de faire parti de sa vie, et puis il voulait l'aider. Il lui avait proposé de rencontrer le Dr Kimura, le psychologue qui l'avait aidé à vaincre ses démons car il semblait persuader qu'il pourrait être en mesure de l'aider à son tour. L'aider à échapper à son père. Mais Tyler avait beaucoup trop peur de ce dernier pour tenter quoi que ce soit. Il n'avait confiance ni aux services sociaux, ni aux médecins, et encore moins en un psychologue. Il savait déjà comment tout cela allait se passer. Ils allaient endormir ses doutes et ses appréhensions en lui jurant que tout se passerait bien, il finirait par leur faire confiance et par compter sur eux jusqu'à ce que finalement après avoir lancé les procédures, ils se retrouvent dans une impasse et dans l'obligation de faire machine arrière parce qu'ils ne seraient finalement pas en mesure de l'aider. Ils l'abandonneraient, le laissant à la merci d'un homme qui lui ferait regretter ce qu'il avait osé faire en cherchant à échapper à son entreprise, et ça il n'en n'était pas question, il préférait longer les murs et se faire oublier que d'attaquer son vieux de front avec des lois qui n'étaient pas fait pour lui. Mais celui qui se faisait désormais appeler Elijah n'avait pas dit son dernier mot, il avait cependant beau être têtu, Tyler pouvait l'être tout autant surtout quand cela concernait son père.
C'est ensemble, comme si ces longs moins au cours desquels ils avaient été séparé n'avait pas existé, qu'ils virent à regret l'été prendre fin. Tyler n'avait aucune envie de retourner à l'école mais Elias secondé par Tallin était parvenu à le faire revenir sur sa décision. Il retournerait en cours même si le coeur n'y était pas et ferait un apprentissage, du moins c'est ce qu'il s'était laissé convaincre de faire, mais il savait aussi que c'était loin d'être gagné et qu'il pouvait opérer un revirement d'opinion aussi facilement qu'il pouvait changer d'humeur. Celui qui ne changeait pas par contre c'était son vieux, qui prenait toujours un malin plaisir à lui chercher des noises, et à changer constamment les règles du jeu.

Ce soir-là, Tyler était rentré dans les alentours de 23h. Il avait essayé de faire ses devoirs sur le toit de l'immeuble pour y être tranquille, sans risquer d'être dérangé par son vieux, mais Tyler avait perdu plus de temps à s'énerver contre son équation en balançant son cahier de cours en jurant qu'on ne l'y reprendrait plus. Mais le cadavre de ce cahier gisant sur le sol en béton était là, à le narguer et à lui renvoyer en pleine face à quel point il était débile et ridicule d'essayer de suivre des cours. A quoi bon ? Il était un bon rien après tout et personne ne verrait tous les efforts qu'il avait fournit parce qu'il était évident que même en se cassant la tête, le résultat était aussi médiocre que s'il n'avait rien fait, alors qui verrait la différence ? Alors Tyler restait là, assis sur le toit à bouder, les jambes ramenées vers lui et entouré par ses bras tout en fixant ce maudit cahier qui se plaisait à le narguer. Piquer à vif dans sa fierté et parce qu'il refusait d'accepter l'échec, Tyler avait pris sur lui et avait tenté à nouveau de résoudre cette putain d'équation, mais à nouveau il s'énerva, se traita de débile et envoya valser son cahier avant de recommencer à nouveau pour finalement laisser définitivement tomber. Lorsqu'il restait sur un échec après avoir tenté des efforts inutiles, cela le décourageait et ne faisait que le conforter dans la piètre opinion qu'il avait de lui-même. Empruntant la cage d'escalier de secours qui longeait la façade extérieur du toit jusqu'au premier étage, Tyler s'arrêta au troisième, qui s'avéra être leur cuisine. Doucement, il leva la guillotine de la cuisine et l'enjamba avec la souplesse d'un chat. Il pouvait entendre la télévision résonner depuis le salon, et Tyler fit une prière muette en espérant que le gros porc pionçait déjà et qu'il ne l'entendrait pas. Se dirigeant à pas feutré en direction du frigo, il espérait qu'il y aurait suffisamment de reste pour qu'il puisse se faire un sandwich rapide lorsque la voix tonitruante de son père se mit à résonner derrière lui, le faisant sursauter

- Que je t'y surprend espèce de sale petit voleur ! Tu croyais faire quoi là ?

Faisant volte-face, Tyler referma aussi sec la porte du frigo, lui qui espérait que son père piquait un roupillon c'était complétement planté, il ne devrait même pas être étonné, depuis quand est-ce que ses souhaits se réalisait ?

- Rien, bredouilla-t-il, prêt à filer dans sa chambre sans manger

- Non seulement je te surprend à voler mais en plus tu me mens ? Fit le vieux une lueur mauvaise dans le regard

Tyler sentit son rythme cardiaque s'accélérer en le voyant déboucler sa ceinture puis la tirer avant de l'entourer autour de son poing tout en laissant pendre la boucle en fer. Se sachant perdu, Tyler, se recula légèrement, tout en posant sa main sur l'évier qui l'empêchait de reculer davantage. Sa main se referma alors sur un couteau dont le manche était en bois. Un geste qui ne passa pas inaperçu et qui fit sourire son géniteur alors qu'une lueur inquiétante traversa son regard.

- Tu n'as pas les couilles de t'en servir, se moqua-t-il. Allez, vas-y, viens. Montre un peu à papa ce que t'es capable de faire mon p'tit gars.

Le couteau en main, Tyler fixait son père avec terreur. Il savait qu'il n'oserait jamais lever la main sur lui, même s'il en rêvait il était beaucoup trop effrayé par le monstre pour oser faire quoi que ce soit. Avant qu'il ne réalise, le ceinturon en cuir claqua dans l'air tandis que la boucle en fer le frappa douloureusement sur sa main, le faisant lâcher son arme sur le sol. Il essaya de se sauver mais son père lui barra le chemin et l'attrapa par le bras gauche qu'il lui tordit douloureusement dans le dos tout en le ramenant vers lui.

- T'aurais du t'en servir parce que là, je vais te faire passer l'envie de recommencer à pointer une arme sur ton père, espèce de sale petit fils de pute. Compte sur moi pour t'apprendre le respect.

Tyler tenta bien de se débattre et dans l'action, porta un coup à son père qui au lieu de relâcher sa prise la resserra

- Tu veux te battre avec moi ? T'a toujours rien compris alors, t'inquiète que tu vas vite enregistrer das ta sale caboche qu'il y a des choses à ne pas faire pauvre minable.

Sa tête heurta violemment la table puis il eut un craquement sourd, suivi d'un hurlement déchirant...

C'est la clarté du jour qui le réveilla, le corps endoloris, incapable de bouger, il resta quelques minutes immobile sur le carrelage froid de la cuisine. Il avait le corps complétement endoloris, son bras gauche gisait sur le sol dans un angle bizarre et lorsqu'il essaya de se relever, il se mordit la lèvre pour ne pas crier, laissant à peine s'échapper un gémissement étouffé alors que des larmes de douleurs jaillissaient de ses yeux. Complétement déphasé, il fixa les aiguilles de l'horloge qui se trouvait suspendu au mur de la cuisine. S'il ne se dépêchait pas, il allait être en retard en cours, et on allait encore dire qu'il avait séché parce qu'il y avait une interro d'histoire. Il avait peut-être raté son exercice de mathématique mais l'interro ça oui il l'avait révisé, il voulait la faire. Se trainant douloureusement hors de la cuisine en se tenant le bras, Tyler quitta l'appartement complétement hagard, sans penser à se changer, à prendre son sac, ou même à fermer la porte derrière lui. C'est à peine s'il pris conscience de la présence de son jeune voisin qui marchait silencieusement à coté de lui. Tyler quand à lui bredouillait des dates liés à des événements historiques qu'il avait appris bêtement par coeur. Il était plongé dans un tel état second qu'il n'avait absolument plus conscience de rien, seul lui importait cette fichu interro dans laquelle il espérait enfin avoir une bonne note.
Et puis sans comprendre ce qui lui arrivait, il se sentit tomber sur une banquette en cuir pendant que son voisin tendait de l'argent à quelqu'un dont il ne vit pas le visage. La voiture démarra, et Tyler se sentit sombrer dans une douce noirceur


Lorsque Tyler reprit connaissance, il se trouvait dans un lit d'hôpital. Son oeil droit été bandé, et son bras gauche platré. Il était incapable de faire le moindre mouvement. Depuis combien de temps était-il ici ? Que s'était-il passé ? Il ne se souvenait de rien. Son regard croisa alors celui d'Elias qui était présent en compagnie d'un vieux chinetoque qu'il ne connaissait pas. Tyler voulu parler, poser des questions, mais il avait la gorge sèche et n'arrivait pas à articuler le moindre mot, alors son ami prit la parole, et lui expliqua qu'il avait été hospitalisé la veille grâce à un chauffeur de taxi qui l'avait conduit jusqu'ici. Lorsqu'il apprit qu'une enquête venait d'être ouverte pour maltraitance contre son père, Tyler paniqua. Il voulu se redresser mais la douleur qui lui traversa le corps l'en dissuada. Mr Kimura s'approcha alors et prit à son tour la parole d'une voix qui se voulait rassurante et se présenta comme étant le psychologue d'Elijah. Il lui expliqua que les médecins avaient prévenu la police suite à son hospitalisation et que ces derniers n'allaient pas tarder à venir lui poser des questions. Les services sociaux allait le prendre en charge, et lui était là pour l'aider à traverser cette épreuve. En réalisant ce qu'on venait de lui dire, Tyler paniqua son père aller le tuer

- Bagarre... finit-il par articuler. Pas mon père

- Pourquoi le protèges-tu ?

Tyler n'avait rien répondu, préférant se murer dans le silence et évita de croiser leur regard tant il se sentait pathétique. Il avait honte de lui, il se sentait minable. Comment tout cela avait-il pu arriver ? Comment avait-il fait pour se retrouver ici ?


Son hospitalisation dura une quinzaine de jours et lorsqu'il pu enfin sortir, on l'emmena non pas chez lui lui, mais dans son nouveau foyer, un foyer pour jeunes dans lequel se trouvait d'autres jeunes en difficultés, comme lui. Quelqu'un avait été cherché ses maigres possessions qui l'attendaient déjà dans une chambre qu'il avait pour lui tout seul. L'assistante sociale qui le suivait lui expliqua ce qui allait se passer pour lui désormais, son père ne pourrait plus l'approcher à moins de 50 mètres mais il allait également changer d'école et intégrer celle dans laquelle étudiait désormais Elijah. Il serait également obligé de suivre une psychanalyse.
Tous ces changements étaient extrêmement perturbant pour Tyler qui avait perdu ses repères, il ne savait pas comment se comporter, il était complètement paumé et terrifié alors il évacuait tout ça par beaucoup d’agressivité. Cherchant continuellement le conflit et les bagarres, il provoquait tout le monde et ne laissait personne l’approcher, excepté Elias.
Un soir d'octobre, après les cours, Tyler était retourné dans son ancien quartier espérant y croiser Tallin qu'il n'avait pas oublié, mais au lieu de ça, il était tombé sur celui qui avait été la cause de tous ses changements perturbant. Est-ce que son père et les différentes tortures qu'il lui infligeait lui manquait ? Non bien sur, mais il refusait de comprendre que Thomas lui avait probablement sauvé la vie ce jour-là, tout ce qu'il voyait lui, c'est qu'on l'avait coupé de ses racines, on ne le laissait même pas vivre chez son frère ! Il se sentait complétement paumé et perdu et il avait besoin d'évacuer tout ça, de s'en prendre à quelqu'un. Quel meilleur moyen que celui de s'en prendre à celui qui était la cause de tous ces changements ? Connaissant par coeur le trajet que le jeune Pea empruntait, Tyler passa par quelques ruelles afin de le devancer et l'attendre et de l'intercepter. Lorsque l'enfant passa à proximité de lui sans le voir, Tyler l'attrapa par la capuche de son sweat, et sans se préoccuper de savoir s'il l'étranglait en le tirant à sa suite, il l'entraina avec lui à l'abri des regards. Une fois que Tyler jugea qu'ils seraient tranquille, il balança le jeune garçon dans les poubelles sans le moindre ménagement.

- Pourquoi t'as fait ça ?! Hurla-t-il en lui donnant un violent coup de pied dans le ventre. A cause de toi j'ai plus l'droit d'vivre ici ! J'peux même pas vivre avec mon frère !!!

Tyler se plaça au-dessus de lui, l'emprisonna entre ses jambes et le frappa de toutes ses forces au visage. Les coups de poings pleuvaient encore et encore sans discontinuité au rythme de ses questions et des reproches injustifiés qui lui passaient par la tête. Pourquoi ce petit garçon de bonne famille lui avait fait ça ? Parce qu'il se croyait supérieur à lui ? Parce qu'il voulait qu'il se sente comme une merde qui était incapable de se débrouiller ?
Tyler sentit les larmes de colères lui brouiller la vue, il cessa finalement de frapper le petit corps meurtris au visage baigné de sang et de larmes. Se relevant, les poings en sang, il observa le carnage qu'il venait de faire. Gisant sur le sol, ce n'était pas son ancien petit voisin qu'il voyait, c'était lui-même lorsqu'il se retrouvait à la merci de ses coups. Jusqu'à aujourd'hui, il s'était toujours battu face à des personnes qui avaient du répondant et qui rendaient les coups sans pitié. Donner des coups, mais en recevoir lui donnait l'étrange sensation de toujours être en vie, mais frapper un être plus faible que lui, le tabasser sans parvenir à s'arrêter lui avait procuré un sentiment de supériorité terriblement malsain. C'était comme s'il avait cessé d'être humain, estimant que la personne en face de lui n'avait pas la moindre valeurs. Il l'avait frappé sans véritables raisons, uniquement par caprice, finalement, il était aussi fou que son propre père. Il avait cédé à ses pulsions une fois encore et à chaque fois qu'il faisait ça, il avait conscience de se détruire à petit feu. Finalement il n'était pas si différent de son père, bien au contraire il était exactement comme lui, de la mauvaise graine comme disaient les gens, et ils avaient raison. Reculant légèrement, il abandonna là Thomas, en se faisant la promesse de ne plus jamais revenir dans ce maudit quartier dans lequel beaucoup trop de fantômes venaient le hanter....