The Kids aren't alright

   C’est douloureusement que Tyler se traina hors du lit avant même que le réveil ne sonne, de crainte que son alarme ne réveil son vieux et qu’il s’en serve d’excuse pour lui chercher des noises. Dans le fond, il savait très bien que son père n’avait pas besoin d’excuses pour lui faire regretter d’être né mais tant qu'à faire il préférait éviter de lui en fournir une. Ses côtes le faisait terriblement souffrir mais au vu de l’hématome qu’il se mangeait il n’y avait rien de surprenant. Avec ça, il allait encore être bon pour sécher le sport, il n’était pas question qu’il se désape devant les autres. De toute manière, même s’il le voulait, il ne pourrait pas faire grand-chose vu l’état dans laquelle son père l’avait mis.

Lorsqu’il entra dans la salle de bain, le reflet que lui renvoya le miroir ne faisait que lui confirmer ce qu’il savait déjà : il était à faire peur. Il avait la lèvre éclaté, l’arcade sourcilière gauche ouverte, la pommette droite enflée, son poignet gauche était tellement douloureux qu’il avait bien du mal à tenir quelque chose avec force dans sa main quant à son dos il devait être à nouveau bien marqué. Retirant ses vêtements sans geste brusque, il se glissa sous le jet d’eau de la douche qui le fit d’abord grimacer lorsqu’il le sentit s’écouler sur son corps endoloris avant que ce dernier ne s’y habitue et qu’il se détende enfin un minimum. Cela devait faire bien 4 ou 5 mois que son père ne l’avait pas mis dans cet état et à vrai dire lorsqu'il était rentré hier soir, et qu'il avait trouvé son père dans la cuisine, bien que son instinct lui avait soufflé qu'il allait passer un sale quart d'heure, il ne s'était pas imaginé à quel point il allait regretter d'être rentré. Se dépêchant de sortir pour ne pas trainer, il banda son poignet et enfila un vieux sweet à capuche de son frère, qui soit suffisamment large pour qu’il s’y sente à l’aise ainsi qu’un vieux jeans déchiré volontairement au niveau du genou. Après avoir passé un rapide coup de peigne dans ses cheveux il quitta la salle de bain pour retourner dans sa chambre. Il attrapa son sac à dos et le glissa avec mille précaution dans son dos en grimaçant alors qu’il faisait son possible pour ne pas se faire plus de mal. Une fois paré, il prit ses clés, attrapa ses basket et en chaussettes traversa le salon dans lequel pionçait son père et d’où émanait une puissante odeur de transpiration et d’alcool. Lorsqu’il l’entendit marmonner Tyler sursauta de frayeur et jeta un regard par-dessus de son épaule mais le vieux ronflait toujours, sa cannette de bière à la main, la télé continuellement en marche sur une émission débile de téléréalité. Refermant silencieusement la porte d’entrée derrière lui, il lâcha un soupir de soulagement une fois dans le hall de l’immeuble. Prenant place en haut des escaliers, il enfila ses baskets aussi vite qu’il le put et dégagea du lieu le plus rapidement possible. Il avait encore en mémoire cette fois où, pensant que son père était encore entrain de cuver sur son canapé, ce dernier avait surgit derrière lui en l’accusant d’avoir volé dans son portefeuille et l’avait poussé dans les escaliers après lui avoir collé une gifle monumentale. Comme si ce n’était pas suffisant, outre le choc et la douleur qui lui avaient tiré les larmes aux yeux, il avait fallu qu’en plus un sentiment de honte vienne s’ajouter à cette liste déjà longue puisqu’un témoin avait assisté à toute cette scène et qu’il s'était retrouvé à ses pieds : son petit voisin Thomas Pea.

Tyler le détestait pour plusieurs raisons. Tout d’abord sa tête lui revenait pas, ensuite il lui en voulait terriblement d'avoir assisté à ce moment de faiblesse de sa part, sans oublier que pour ne rien arranger il était intelligent et faisait partie des petits premiers de l’établissement alors que lui était loin d'être une lumière. Oh il n’était pas idiot mais il était difficile de se concentrer sur ses devoirs quand votre père surgissait à tout moment dans votre chambre, qu’il beuglait comme le pauvre con qu’il était où que vous rentriez à pas d’heure pour éviter un maximum de le croiser, et ce n’était pas son frère qui allait l’encourager à faire de l’excès de zèle bien au contraire.
Thomas Pea lui, avait tout ce qu’il lui faisait envie : de beaux vêtements, une famille modèle, un gouter toujours bien garni, de l’argent de poche, les félicitations des professeurs, mais il y avait au moins une chose que Tyler possédait et pas lui : des amis
Enfin c’était l’illusion qu’il donnait mais dans la réalité il n’avait qu’un seul véritable ami : Elias. Les autres étaient surtout les potes de son frère qu'il fréquentait sans avoir de véritable affinités avec eux, mais ils étaient avec son frère alors ça lui siffisait.

En quittant l’immeuble dans lequel il vivait il leva la tête au-dessus de lui pour réaliser que le temps était maussade et les nuages gris qui s’amoncelaient au-dessus de lui indiquèrent qu'il n’allait pas tarder à pleuvoir. Avançant d’un pas trainant en direction du bahut, il s’arrêta devant l’entrée d’un autre immeuble et le fixa durant un instant. Vu son état et sa réputation, tout le monde allait penser qu’il s’était encore battu et c’est ce qu’il préférait faire croire, c’était beaucoup moins pathétique et humiliant que de dire la vérité. Même son frère gobait ses histoires de bagarres, peut-être parce que dans le fond ça l’arrangeait et qu’il ne voulait rien voir. Afin que son histoire soit la plus crédible possible et sans se préoccuper de savoir si on pouvait le voir il commença à frapper de ses poings le mur en crépis qui se trouvait face à lui, ne se ménageant pas malgré l’horrible douleur qui traversait son poignet.
Ce ne fut qu’une fois satisfait de l’état de ses mains, qu’il poursuivit sa route, non sans avoir agressé verbalement une femme qui l’avait surpris à frapper le mur de son bâtiment.

Aujourd’hui, il avait mathématique, sport, français et géographie. La géographie était une matière qu’il aimait beaucoup malheureusement la prof dictait beaucoup trop vite pour lui et il renonçait bien souvent à copier la moitié du cours, fort heureusement il avait une bonne mémoire. La biologie aussi c’était sympa, surtout les travaux pratiques, par contre il détestait la chimie et les math. Les équations et autres formules chimiques c’était bien trop compliqué pour un pauvre débile comme lui.
Le sport il adorait ça, malheureusement il séchait la plupart des cours soit parce qu’il n’était pas en état physique d’y participer soit parce qu’il ne voulait pas se changer dans les vestiaires devant les autres. Il avait déjà fait la tentative de venir à l’école en jogging et de ne pas se changer et cela avait fini en bagarre parce qu’on s’était moqué de lui en disant qu’il puait et qu’il ne se lavait pas, et bien sur, ce n’était pas ceux qui s’étaient moqués de lui qui avait été punis mais lui. Cette sale réputation lui était resté très longtemps et si aujourd’hui on ne s’aventurait plus à lui balancer ce genre de réflexion, il n’avait aucune envie de retenter l’expérience en tendant le bâton pour se faire battre.
Il aimait aussi beaucoup les travaux manuels, malheureusement il n’avait jamais le matériel que le professeur demandait aux élèves de ramener pour confectionner l’objet de leur étude. La seule fois où Tyler s’était aventuré a donner sa liste d’achat à son père, ce dernier lui avait passé l’envie de recommencer. Il était bien parvenu à voler deux ou trois matériels à quelques reprises mais finalement c'est grâce à son professeur qui, finissant par comprendre qu’il y avait un problème, lui avait fourni elle-même le matériel dont il avait besoin. Malheureusement même-là son père arrivait à lui pourrir la vie en détruisant son travail lorsqu’il tombait dessus. Lorsqu'il était revenu en cours sans le matériel que le professeur lui avait offert, cette dernière ignorant ce qui s'était passé, le prit très mal et ne s'occupa plus de lui.
S’il détestait les cours de musique et qu’il ne s’y rendait que pour perturber la classe, les cours d’art plastiques ne le passionnaient guère plus. Mais la matière qu’il exécrait le plus c’était le français, parce qu’il abominait la simple idée qu’on lui demande de lire. Il savait lire et écrire comme tout le monde, mais il avait du mal à lire à haute voix et craignant qu’on se moque à nouveau de lui, préférait de loin envoyer bouler le prof que de s'humilier devant tout le monde.

Tyler avait si mauvaise réputation auprès des professeurs que ses compétences passèrent totalement inaperçu, tous comme les véritables raisons de son comportement. Tous le prenaient pour un enfant turbulent, bagarreur, dissipé, insolent, effronté et la réputation de son frère ainé n’avait rien fait pour arranger la sienne. Il n'avait que 14 ans mais les professeurs avaient arrêté une opinion à son sujet sans chercher à en savoir plus et se désintéressait de lui, ce qui l’arrangeait amplement.
Pénétrant dans sa salle de classe, il posa ses affaires et immédiatement John Callaguey un des petits péteux de sa classe s'approcha de lui pour l’accoster.

- Oh, tu t’es fait défoncer ta sale gueule Lennox ? Se moqua-t-il alors que l’un de ses amis Alan et sa petite amie Erika gloussèrent stupidement à ses côtés

- T’as pas vu ce que je leur ai fait en face, tu veux que je te montre peut-être ? Lui proposa-t-il d’un ton menaçant en se levant de sa chaise. Sachant, que ch’rais pas tout seul à t’éclater ta tronche de connard

Erika, que ces menaces avaient atteintes, tira légèrement John en arrière par le bras. Elle dissimula son inquiétude derrière un ton dédaigneux et hautain

- Viens, t'approches pas trop il pourrait te refiler ses puces

Alors qu'ils se retiraient en gloussant stupidement, Mme Seymour, le professeur de français pénétra dans la salle de classe et lui jeta presque immédiatement un regard désapprobateur. Tous les élèves étaient correctement installés avec leurs affaires de cours sur leur table, à l'exception de Tyler qui avait encore son sac à dos sur la sienne et ne semblait pas décidé à déballer ses affaires.

- Je vais d'abord ramasser la rédaction que vous deviez rendre pour aujourd'hui, Mr Lennox, il vous faut une invitation peut-être ? Déballez vos affaires et sortez votre rédaction

- J'l'ai pas

- Et l'on peut savoir pourquoi ?

Comment expliquer à cette vieille peau qui lui servait de prof, qu'il restait trainer dehors dans la rue jusqu'à tard le soir pour éviter de tomber sur son vieux, que ça ne marchait pas toujours, qu'il avait du mal à réfléchir le ventre vide ou après s'être pris des raclés, ce qui lui arrivait souvent du reste, qu'il n'avait pas lu son putain de bouquin à la con parce que la bibliothèque n'en n'avait plus, qu'il n'avait pas les moyens de s'en procurer et que de toute manière on lui avait assez dit et répété qu'il était stupide et qu'il ne réussirait jamais rien dans la vie alors pourquoi s'emmerder ?

- Pas envie,.. répondit-il en haussant les épaules

- Oh ça c'est une réponse digne d'un Lennox en effet ! Si tu as l'intention de ne rien faire personne ne t'oblige à rester

- Fallait l'dire plus tôt ! Fit-il en se levant de sa chaise

- Tu veux finir comme ton frère et ton père ? Le tonna-t-elle. C'est ce que tu veux comme avenir ? Continues comme ça, tu es dans la bonne direction

- Va te faire foutre connasse ! Cracha-t-il en claquant la porte derrière lui alors qu'elle lui vociférait l'ordre de revenir immédaitement.

S'il voulait finir comme son frère ou son père ? Est-ce qu'il avait le choix de toute manière ? Et puis qu'est-ce que ça changerait du reste ? Il ne valait rien on le lui avait assez dit et rabâché, son père le premier.
Alors qu'il traversait le couloir déserté pour sortir du bahut, il tomba sur une personne qu'il aurait mieux valu qu'il ne croise pas en cette sale journée. Il avait encaissé les coups de son père la veille, ses blessures lui faisaient un mal de chien, il s'était encore fait rabaisser par des élèves de sa classe sans oublier Seymour qui s'était fait un plaisir de lui rappeler qu'il était un raté... Il avait besoin de se défouler à son tour lui aussi et pour ça, son souffre-douleur personnel tombait à point nommé.
Allongeant le pas, il le rattrapa avant que le nain n'ait eu le temps de filer et le plaqua contre le mur derrière les casiers qui leur servait de vestiaire

- Files-moi ta tunes et ta bouffe et magnes-toi avant que j't'en colle une !

Sortir des primaires pour entrer dans une nouvelle école avait été un traumatisme pour le petit Thomas, douze ans. Enfant renfermé sur lui-même et solitaire malgré lui, les enfants avaient appris à respecter sa différence et à continuer de l'inclure dans leurs discussions parce qu'il avait toujours fait partie du décors. Ce n'était pas étonnant, les gosses étaient toujours beaucoup plus tolérants que leurs ainés, jusqu'à ce que la télé leur inflige une autre vision du monde. Déjà Sheldon et Leonard, les plus âgés de leur classe, commençaient à se moquer de lui lors des dernières semaines d'insouciance. Etait-il heureux durant cette première période de sa vie ? Sans doute, oui.

Mais à douze ans, on doit changer d'école. Et malheureusement pour Tom, ses parents avaient jugé bon de le mettre dans la même que celle de ses voisins.
Qu'importe, les autres élèves, s'il se moquaient sporadiquement de sa solitude, en général, le laissait tranquille. Il savait qu'ils le maudissaient et le méprisaient parce qu'il avait de bonnes notes. Toujours dans son dos, ce qui le rendait parano. Qui avait dit quoi ? Qui l'appréciait tout de même un peu ? Est-ce que celui-ci jouait la comédie avec lui, pour rire ouvertement de ses regards fuyants, plus loin, avec ses amis ?
Comment auraient-ils pu comprendre que lui, ses seuls amis, c'étaient les livres ? Il s'y plongeait avec passion, s'évadant pour un temps de ce corps qu'il n'aimait déjà pas - sans savoir que, quelques années plus tard, sa croissance empirerait les choses en lui donnant un corps trop grand et si difficile à cacher et contrôler - croisant la route d'héros venus du futur qui lui faisaient aimer les sciences, la littérature et les mathématiques. Il adorait comprendre et voulait toujours en savoir plus.
Ses profs le regardaient avec une certaine tendresse compatissante, aimant ce petit garçon intelligent, discret et si mal dans sa peau.
Quant à ses parents, ils adoraient leurs enfants sans savoir que leurs propres problèmes de confiance en eux se répercuteraient terriblement sur leur descendance. Ces derniers avaient donné l'exemple à suivre à Tom et sa soeur : craindre constamment le regard des autres, les rumeurs et les jugements. Toujours être propres sur eux, souriant, donnant au monde une vision d'une famille unie et heureuse, enfin, ils l'espéraient, n'avaient-ils pas ressenti le regard insistant du marchand de chaussures ?

Le monde autour de Thomas était hostile, il se méfiait de tout le monde et aspirait à être le plus invisible possible.
Malheureusement pour lui, Tyler, le voisin de deux ans son ainé, semblait toujours capable de le repérer.
Alors qu'il se sentait relativement en sécurité dans les couloirs vides de l'école, confiant de l'autorité que lui avait momentanément donné Monsieur Cameron en lui demandant d'aller faire des photocopies avant même qu'il n'ai pu déposer ses affaires dans la classe, des pas rapides dans son dos lui fit craindre, à juste titre, le pire.
Son voisin, qu'il reconnu à la douleur de sa tête cognant les casiers, le plaqua contre le mur, lui ordonnant de lui filer sa tune et sa bouffe tandis qu'il lâchait la feuille d'exercices de problèmes que lui avait confié Monsieur Cameron.

Tom aurait tellement voulu être aussi courageux que ses héros de papier. Mais se comparer à eux n'avait qu'une seule triste conséquence : il se détestait toujours un peu plus en voyant son incapacité à réagir.
En ce moment, la terreur l'empêchait d'imaginer des scénarios rocambolesques : c'était toujours après qu'il avait les bons mots, les justes répliques en tête. Jamais au présent.
Tyler, dans son pull trop grand - appartenant sans doute à son caïd de frère - faisait peur. Premièrement parce qu'il l'attaquait. Mais ensuite, parce que son visage était déformé par les coups : lèvre éclaté, arcade ouverte et pommette enflée. Thomas était peut-être le seul dans l'établissement à ne pas être dupe des histoires de bagarres que le cadet Lennox racontait. Après tout, il partageait un palier dans leur immeuble. Et si les cris et les coups se faisaient souvent entendre, Tom avait également été le témoin involontaire d'une chute dans les escaliers, le père poussant délibérément le fils après une claque monumentale. Qu'est-ce que sa mère en aurait pensé si elle avait également vu cela? Se serait-elle précipité vers Tyler pour l'aider ? Ou aurait-elle précipitamment refermé la porte de leur appartement, refusant de voir ce qui se tramait dehors, n'acceptant pas de se mêler de ce qui ne les regardait pas, de peur d'être de nouveau mal jugée? La connaissant, Tom savait qu'elle aurait opté pour la deuxième option, pas tellement différente de sa propre réaction : immobile, il n'avait rien dit, priant pour que le mur sale l'engloutisse et pour que Tyler ne sache pas qu'il avait été là, présent et témoin de cette cuisant humiliation. Apeuré que Monsieur Lennox, sentant l'alcool à plein nez ne l’aperçoive et qu'il s'en prenne à lui aussi. Dans leur famille, plus on grandissant, plus on était terrifiant. Cependant Tyler, dans ce moment de faiblesse, l'avait bien vu. Et ça, il savait qu'il allait le payer.

Les maigres réflexes du petit garçon qui tentait de se dégager de l'emprise de son ainé ne servait à rien : Tyler était bien plus fort que lui et le maintenait fermement.
Mais alors, comment pouvait-il accéder à son sac où se trouvait sa boite à tartines, que sa mère préparait chaque matin avec amour, même s'il était à présent dans l'école "des grands"? Pour ce midi, elle lui avait fait un sandwitch avec des oeufs brouillés à la mayonnaise, lui avait glissé un jus de pomme et une barre de chocolat noir comme dessert. Et comme chaque jour, elle lui avait laissé un petit post-it avec un petit mot gentil, parfois c'était juste un petit coeur qui, durant un bref instant, réchauffait Tom, jusqu'à ce que la peur que quelqu'un ne voit ces petits messages le prenne avec violence. Ses dix-heure et gouter étaient un Kinder Bueno et une pomme.
L'argent, par contre, il n'en avait pas. Ou alors dans la poche arrière de son jeans, quelques dollars restant du billet de vingt que ses parents lui avaient donné pour qu'il aille s'acheter le dernier livre de son auteur préféré la semaine dernière.

Ce n'était pas la première fois que Tyler parvenait à le coincer au détour d'un couloir. Pas la première fois qu'il lui rackettait sa nourriture et son argent de poche. La perspective de savoir son voisin dans la même école que lui le terrifiait, même s'il savait que la vie de celui-ci n'était pas merveilleuse.
Il connaissait mieux que personne - peut-être encore mieux que son propre frère - la vie que menait Tyler. Etait-ce pour ça qu'il ne lui en voulait jamais complètement ? Qu'au fond de lui, il souhaitait devenir ami avec lui, rêvait de cette association improbable, imaginant que leur amitié améliorerait leurs vies à tous les deux ?

Baissant pourtant les yeux alors que son visage était proche du sien, Tom fit un geste de la main pour indiquer son cartable, coincé entre son dos et le mur contre lequel il était toujours plaqué.
Il avait presque les larmes aux yeux, attendant un coup, coupable de ne pas pouvoir accéder à la requête du plus puissant.
Sans un mot, son visage se contractait de peur, sa tête se baissant face à la culpabilité qu'il ressentait face à Tyler Lennox. S'il avait été plus courageux, il aurait dénoncé le père de ce dernier. Mais les années passaient et la famille Pea continuait de garder le silence. C'était normal qu'il reçoive des coups et se fasse piquer ses midis tant il était égoïstement effrayé des conséquences.  
Et si c'était ça que Tyler attendait ? Que Tom prenne son courage à deux mains ? Qu'il parle ? Et que par la suite, ils deviennent amis, comme dans les imaginations les plus folles du petit garçon ?
C'était pourtant la petite voix de la raison qui justifiait son silence auprès de sa conscience : son voisin la tabasserait à mort si jamais il ouvrait la bouche à propos de ce qu'il était parfois témoin.

The Kids aren't alright

  Bradley avait coutume de dire que plus une personne paraissait faible et plus on avait envie de la martyriser... il avait raison. Aux yeux de leur père, Tyler était faible et lorsqu'il essayait d'opposer une quelconque résistance face à son bourreau, il la brisait aussitôt en lui faisant amèrement regretter d'avoir osé se rebeller. Face à cet homme qui le terrorisait quotidiennement, il finissait par se comporter comme une véritable poule mouillée. Or, pour se faire respecter, il fallait savoir se montrer fort, inspirer la peur, et être capable de se venger lorsqu'on vous faisait du mal. C'était là les judicieux conseils prodigués par son frère ainé et il avait raison. D'un coté il y avait les faibles et de l'autre les forts qui écrasaient les mauviettes. Lui, appartenait à la première catégorie, pour le moment il était un faible. Il tremblait devant son père, et avait enduré les moqueries de ses camarades de classe depuis bien trop longtemps sans oser se rebeller sachant pertinemment qu'ils avaient raison et qu'il était un moins que rien. Depuis deux ans cependant, les choses commençaient à changer. Il avait commencé par répliquer physiquement à la moindre moquerie ou agression verbale. Sentant le pouvoir que cela procurait que de se sentir enfin supérieur aux autres, il avait commencé par y prendre goût, et à se faire une réputation de petite frappe. Bien sur au début, même lorsqu'il ne faisait que se défendre c'était lui qu'on punissait, parce qu'il ne présentait pas bien et qu'on préférait croire le riche de la classe qui mentait honteusement en jouant les innocents au cul-terreux du pochtron du coin qui ne pipait jamais mots pour sa défense. A quoi bon de toute manière ? Les jeux étaient fait depuis le départ. Ce sentiment d'injustice n'avait fait qu'amplifier cette colère qui bouillonnait en lui et après s'en être pris à ceux de sa classe, il avait commencé à répondre à ses professeurs, qui n'avait pas manqué de convoquer son père....

Ce dernier ce foutait royalement de savoir que son fils était un bon ou un mauvais élève, il se fichait encore plus de savoir qu'il mettait le bordel dans la salle de classe et qu'il ne respectait pas ses professeurs, mais être convoqué lui donnait une bonne raison pour le martyriser encore plus, c'est pourquoi, il évitait tant que ce peu de provoquer des esclandres comme aujourd'hui.
La violence qu'il éprouvait, ce besoin de faire endurer aux autres ce qu'on lui faisait subir sans en avoir à payer le prix, ce besoin de se rebeller contre le système qui n'était pas fait pour les gens comme lui et qu'il trouvait injuste, il avait fini par l'assouvir en trainant avec les amis de son frère où pour la première fois, il se sentait enfin accepté et protégé.

Il n'y avait aucun mérite à martyriser et terroriser un plus petit et plus faible que soit, Tyler en avait parfaitement conscience, il était bien plus méritoire d'affronter un colosse car cela inspirait automatiquement un sentiment de respect. Tyler n'avait pas encore affronté celui qui obligerait les autres à le respecter mais pour le moment, certains le craignaient et c'était déjà pas si mal. Pour l'heure, vu l'état dans lequel son vieux l'avait mis, il n'était pas capable d'avoir le dessus sur qui que ce soit, hormis sur plus faible que lui et il tenait actuellement entre ses mains la victime idéale.

Thomas Pea était son jeune voisin, de deux ans son cadet, Tyler le détestait lui et toute sa famille. Ils jouaient les bons voisins avec les autres mais eux, ils les évitaient comme la peste. Ils étaient toujours propres sur eux, gâtant leurs enfants de nombreuses petites intentions... leurs agissements le faisait toujours se sentir plus misérables et envieux qu'il ne l'était déjà. Ils affichaient trop leur bonheur c'est pourquoi il les détestait. Il ne manquait jamais l'occasion d'insulter les Pea quand il les croisait dans le couloir de l'immeuble ou de leur faire peur quand l'occasion lui était donné, mais celui qu'il se plaisait le plus à martyriser c'était leur jeune fils Thomas, qui avait tout du premier de la classe. Il le détestait lui et son regard fuyant, et lorsqu'il tremblait de tout son corps devant lui comme en cet instant ça l'incitait davantage encore à se montrer impitoyable. Il le haissait parce qu'en sa présence, il faisait ressortir le pire qu'il y avait en lui, il devenait comme son père et Thomas prenait sa place, et puis, Thomas Pea connaissait son secret.
Peut-être ne l'entendait-on pas crier ou pleurer lorsque les coups que son père lui infligeait devenaient trop insupportables pour les étouffer ou les retenir, il l'espérait en tout cas, ou du moins, il voulait s'en convaincre. Malheureusement, Thomas avait assisté une fois à une cuisante humiliation que son père lui avait infligé. Une fois dans sa vie, il s'était retrouvé en position de faiblesse à ses pieds sur le point de pleurer en retenant difficilement ses larmes pour ne pas lui donner en plus cette satisfaction. Il espérait sincèrement qu'il avait bien profité de ce spectacle parce qu'il s'était fait la promesse que ça ne se reproduirait plus jamais et il comptait bien lui faire regretter amèrement d'avoir été présent ce jour-là

Lui qui ne mangeait pas toujours à sa faim savait que la mère de Thomas lui préparait chaque jours de délicieux petits sandwich bien garnis qui étaient un véritable régale. Thomas savait qu'il n'avait pas intérêt à cafter auprès de sa mère ou quiconque qu'il lui volait ses repas sans quoi il le lui ferait regretter et son voisin avait du comprendre qu'il ne s'agissait nullement de menace en l'air car jusqu'à présent, personne n'était venu se plaindre à ce sujet.
Sur le point de pleurer, les yeux baissés, tremblant de tout son être, l'enfant désigna d'un geste de la main son sac qui était coincé entre son corps et le mur du couloir. Tyler qui avait suivit l'indication comprit que Thomas ne pourrait rien lui donner tant qu'il le maintiendrait de la sorte. Hésitant, il relâcha cependant la pression avant de retirer sa main sans pour autant bouger d'un millimètre, ses deux jambes bien encré sur le sol pour empêcher toute retraite à sa victime si l'envie lui prenait d'essayer de s'enfuir

- Ben quoi t'as perdu ta langue ? Lui demanda-t-il. Allez, file-moi ta bouffe !

Pressé d'en finir, son petit voisin plongea ses deux mains dans son sac pour lui tendre son panier repas de la journée que Tyler lui arracha pratiquement des mains

- Alors voyons voir ce que bobonne a préparé de bon aujourd'hui.

Son regard se posa sur le post-it que Mme Pea avait adressé à son fils. Chaque jour cette femme lui joignait un petit mot ampli de tendresse qui montrait à quel point elle aimait son enfant... sa mère à lui n'avait jamais fait ça, elle n'avait jamais eut le moindre geste tendre à leurs égards. Ces petits mots quotidien lui rappelait une fois encore tout ce que Thomas possédait et que lui n'avait jamais eut. ça faisait mal, et ça le faisait crever d'envie et de jalousie. Lui aussi aurait adoré recevoir ce genre de message...

- Maman a encore écris un p'ti mot pour son bébé ? Non mais t'as quel âge ?! Tu portes encore des couches aussi p't'être ? Surement parce que je suis sur que t'es entrain de faire dans ton froc en ce moment espèce de p'tite fiotte, fit-il en froissant le post-it et en le jetant parterre.

Tyler transvasa le sandwich de Thomas du sac de ce dernier au sien, sans oublier de le dépouiller au passage de son jus de pomme, de sa pomme et de ses barres chocolatées qui lui faisaient tant envie. Il sentit d'ailleurs son ventre gargouiller à leur simple vu, lui rappelant qu'il n'avait rien avalé depuis hier midi. Honteux d'entendre son ventre le trahir, il se dépêcha de tout balancer dans son sac comme si de rien n'était tout en décidant qu'il mangerait le kinder dès qu'il serait sorti d'ici, la pomme il la garderait pour ce soir au cas où il ne trouverait rien d'autre à manger. Puis, poussant à nouveau d'un geste de la main Thomas contre le mur, il le menaça ouvertement

- Et tu dis quoi que ce soit j'te passe à tabac c'est claire ? Maintenant ton fric ! Exigea-t-il tout en tendant sa main, et dépêch' j'ai pas toute la journée !

Son regard tomba alors sur la feuille que Thomas avait lâché de frayeur lorsqu'il l'avait saisit pour le coincer. S'abaissant, Tyler la ramassa et constata qu'il s'agissait d'une feuille d'exercices de mathématique.

- C'est quoi ça ? Tu n'as pas fait tes exo ? Ou alors.... Mr crétin à demandé à Mr Fayot d'aller faire des photocopies ? C'est con ça, comment tu vas faire maintenant ?

Tyler déchira la feuille d'exercices en quatre morceaux sous les yeux horrifiés du plus jeune avant de les jeter sur le sol.

- Et maintenant casses-toi ! J'veux plus voir ta sale gueule de petit crâneur devant moi ! Dégages !

- Qu'est-ce qui se passe ici ? Fit la voix d'un surveillant surgissant derrière lui. Pourquoi vous n'êtes pas dans vos salles de classes ?!

Voyant que Thomas ne pouvait pas, à juste titre, accéder à son sac ainsi coincé entre son voisin et les casiers, Tyler le relâcha sans pour autant bouger d'un millimètre. Malgré l'espace réduit mais libéré de la pression, Tom pu se contorsionner pour placer son sac entre eux, évitant à tout prix le regard brutal du plus âgé.
Il se saisit précipitamment de sa boite à tartine qui contenait ses petits trésors et - à sa grande honte - le petit mot que sa mère lui laissait chaque matin. C'était de sa faute, il savait très bien que Tyler pouvait lui piquer sa nourriture mais puisqu'il avait déjà vu une fois les petites attentions maternelles, pourquoi devait-il se priver de ce qui lui faisait du bien ? A moins qu'il n'aille le raconter à toute l'école et que tous les étudiants se moquent de lui? L'angoisse... Mais ses potes s'en foutaient de traumatiser des gosses, du moins c'est ce que Tom espérait, car les amis de Tyler était en réalité ceux de son grand  frère.
Cependant, ca ne manqua pas, il froissa le post it en ironisant sur son âge mais Tom ne trouva rien à répondre si ce n'est de cacher ses joues rouges d'embarras.

Alors que Tyler transvasait non seulement son midi mais aussi ses goûters et son jus de pomme, Tom cru entendre un gargouillement de ventre. Ce n'était pas lui, il avait toujours sur l'estomac les pancakes au sirop d'érable de sa mère qui avait juré qu'elle ne ferait plus ça à ses enfants une fois qu'ils seraient "chez les grands", mais la vérité c'est que si elle en faisait pour l'une, autant en faire pour l'autre également.
C'est donc Tyler qui devait avoir très faim. Et même s'il savait que l'après-midi sera longue et affamante, de nouveau, il n'en voulu pas tellement à son aîné.
Il se disait qu'en gros, il l'aidait indirectement. C'était déjà mieux que rien non ?
Un fois satisfait de la transaction, son voisin le recolla au mur et lui ordonna à présent de lui filer son fric. Priant pour avoir un reste tout en approuvant vivement de la tête la consigne "Et tu dis quoi que ce soit j'te passe à tabac c'est claire ?", Tom atteint difficilement ses poches de jeans et plongea ses petites mains dedans. Il sentit une vague de soulagement en sentant un bout de billet, cependant, avant même qu'il ne puisse le sortir, Tyler se baissa pour ramasser la feuille d'exercices de Mr Cameron.

A ce moment, les yeux de Tom s'agrandirent d'une profonde et encore plus réelle terreur. Mais ce n'était rien en voyant ce qu'il en fit. En une seconde il imagina le pire : on allait l'accuser de l'avoir déchiré et le renvoyer. Son instit' n'allait plus jamais avoir confiance en lui. Il n'osera pas argumenter. Les autres étudiants deviendront tous en le voyant si faible, des Tyler bis en puissance. Le directeur allait le convoquer. Puis ses parents, surtout avant la sanction du renvois. Ses pauvres parents devront affronter le regard des autres et expliquer pourquoi "leur fils avait été renvoyé"...

Incapable de répondre quoique ce soit à la menace de "casse toi maintenant!", il se baissa très vite pour ramasser les morceaux de la feuille déchirée. S'il les plaçait suffisamment bien dans la photocopie, il y aurait peut-être encore moyen d'en tirer des exemplaires lisibles...Il n'y avait que quatre morceaux après tout.
Cependant, à sa plus grande horreur, son calvaire ne venait pourtant pas de prendre fin : un surveillant le fit sursauter en surgissant dans le couloir.
Tom ne savait que répondre mais la scène était claire et nette :le fameux Lennox et un petit à ses pieds les yeux humides et visiblement terrifié.

-Lennox ! Qu'est-ce que tu as encore fait ? Demanda-t-il exaspéré, tout en se précipitant vers Thomas pour le relever.

Horrifié, Tom aurait voulu fuir mais ses jambes étaient de plomb. Non, non, non il ne voulait SURTOUT pas être officiellement lié aux problèmes de discipline de son voisin ! Ses parents allaient être forcément mis au courant mais ce n'était pas le pire...Le pire c'est ce qu'il allait pouvoir lui faire par après pour se venger.

Tom ne pu cependant pas dire grand chose, si ce n'est lâcher un "Rien, rien..."très faible et timide. Pue importe, l'adulte était en grande discussion avec Tyler.
Ce dernier allait répondre et ils allaient se retrouver chez le directeur.

-C'est lui qui a déchiré la feuille ? Demanda le surveillant.

C'est pas vrai...A présent on le prenait à parti ? Ils ne pouvaient pas se débrouiller sans lui ? Qu'est ce qu'il allait pouvoir dire ? A tous les coups, rien de ce qu'il murmurera n'allait sauver le jeune Lennox d'au moins une retenue.

-Je...je...

"...je sais pas. C'est moi qui a sûrement du le faire en tombant. Il m'aidait à me relever. " Bien sûr, comme toujours, rien ne sortait et il devait avoir encore plus l'air d'un gamin traumatisé.

-Il t'a frappé ? Comment tu t'appelles ?

Bien sûr que le surveillant ne connaissait pas son nom. Impuissant, il sentit une boule d'angoisse se loger dans la gorge. Les larmes allaient surgir  d'un moment à l'autre, ce n'était plus qu'une question de secondes. Pourquoi est-ce que personne ne le laissait jamais tranquille ? Il aurait bien survécu à ce petit racket !

-Towpea.

-Pardon ?

-Towmpea, répéta-til alors qu'il sentait le sanglot monter au fond de sa gorge.

-Et ton prénom ? Bon ça suffit, vous allez tous les deux dans le bureau de Madame Pince !

Madame Pince était la surveillante générale. Celle qui gérait la discipline en général, quand ce n'était pas assez grave pour aller chez le directeur. Monsieur Filsh, le surveillant qui venait de gâcher sa journée, les traina tous les deux jusqu'au bureau dit. Il les fit asseoir sur les chaises devant la porte et demanda à la secrétaire de les surveiller.
Gardant la tête plaqué contre le mur, Tom n'osait même pas prendre connaissance de ce que lui montrait pourtant sa vision périphérique : Tyler Lennox, assit à ses côtés...
Ses larmes n'étaient pas encore sorties, il était parvenu à les retenir, mais elles étaient à deux doigts de couler sur ses joues.

The Kids aren't alright

  Les couloirs de l'école étaient complétement abandonnés, vide de toute vie jusqu'à ce que la sonnerie ne se mette à résonner pour signifier la fin des cours. C'était ainsi que Tyler préférait l'établissement scolaire, lorsque tout le monde était en cours et que seul le bruit de ses pas retentissait dans les couloirs désertés loin de tout ce tumulte infernale, de cette foule hétéroclite et insupportable, de ce brouhaha de discussion incessant, et de toutes ces bousculades accidentelles ou intentionnelles. Plus il y avait de monde qui gravitait autour de lui et plus Tyler ressentait tout le poids de sa solitude et de sa différence avec les autres. Tous ceux de son âge vivaient une vie insouciante d'adolescents lambda qui passaient leur journée à se plaindre de futilités comme si leur vie était un véritable enfer alors qu'en réalité aucun d'entre eux ne savaient ce qu'était réellement l'enfer. Il ne leur donnait même pas une semaine s'ils devaient vivre dans les mêmes conditions que lui. Ils avaient beau prétendre le contraire, aucun d'entre eux ne savaient ce que c'était de ne pas avoir la vie facile, ils crachaient tous dans cette vie dorée qu'était la leur sans avoir conscience de la chance qu'ils avaient et qu'il leur enviait, et rien que pour ça, il les détestait encore plus. Thomas Pea sa petite victime était entrain de prendre pour eux, pour tous ces privilégiés dont lui aussi faisait parti.
La transaction touchait à sa fin, grâce à la bobonne Pea qui nourrissait correctement son détestable rejeton, Tyler aurait de quoi manger aujourd'hui et peut-être bien qu'avec un peu de chance son voisin se promenait avec suffisamment d'argent de poche sur lui qui lui permettrait d'en profiter pour s'acheter quelque chose en plus. Cet argent qu'il n'avait pas encore récupéré et pour lequel il était déjà entrain de fomenter des plans sur la comète, il n'en verrait jamais la couleur puisqu'une voix stridente se mit à retentir derrière lui

-Lennox ! Qu'est-ce que tu as encore fait ?

Comme toujours on l'accusait avant même de savoir ce qui s'était passé. Certes il n'était pas innocent, et les accusations à son encontre étaient parfaitement justifiés jamais, pas une seule fois dans sa vie, il n'avait pu bénéficier de la protection de qui que ce soit s'inquiétant pour lui, tout ça parce qu'il était un Lennox et qu'il était forcément de la mauvaise graine. Sous prétexte que son père était un sale poivrot et que personne n'était plus doué que son frère pour les bagarres dès qu'il y avait un problème ou qu'il se retrouvait mêler à une altercation c'était forcément de sa faute.

- C'est d'ta faute, siffla-t-il à l'encontre de Thomas. Si tu n'avais pas autant trainé on n'en s'rait pas là, tu l'as fait exprès !

Jetant un regard noir au surveillant qui venait de les rejoindre, Tyler ne pipa mot. Ce surveillant n'était pas un inconnu pour lui, il s'appelait Andrew Filsh et cet homme avait passé toute sa scolarité avec son frère ainé, autant dire qu'il n'en n'avait pas gardé un bon souvenir puisque Brad en avait fait son souffre douleur attitré pendant de nombreuses années. Tyler ne comptait pas les humiliations et les mauvais traitements que cet homme avait subit durant son adolescence par la faute de son frère. Est-ce qu'il le plaignait ? Absolument pas, il n'en n'avait rien à foutre c'était son problème pas le sien, ce qui le laissait beaucoup moins indifférent c'était de payer une fois de plus les pots cassés de son frangin. Tel un chien de chasse à l'affut de sa proie, Filsh semblait parcourir tout le périmètre scolaire dans le seul espoir de lui tomber dessus en espérant le voir commettre un impaire et si ce n'était pas le cas, il en inventait un. Plus d'une fois, Tyler avait songé à en parler à Bradley pour qu'il lui casse définitivement la gueule et qu'il le laisse tranquille sous couvert de représailles encore plus sévères. C'était la solution de facilité mais au moins elle était efficace, pourtant, bien que séduisante, Tyler s'y était toujours refusé, il n'était pas un lâche qui courait se réfugier dans les jupons de son frère au moindre problème, et si un jour quelqu'un devait casser la gueule à cet enfoiré ce serait lui et personne d'autre.

-C'est lui qui a déchiré la feuille ? Demanda le surveillant au jeune Pea tout en empoignant Tyler pour qu'il ne s'échappe pas.

Malheureusement, sans le savoir, Filsh avait refermé sa main avec vigueur sur son poignet gauche qui au vu de sa douleur devait probablement souffrir d'une entorse. Sous le coup de la surprise Tyler se mordit la langue pour ne pas lâcher un cri, il n'était pas question, qu'il lui donne la satisfaction de le voir souffrir par sa faute. Se tortillant pour essayer de se libérer de sa poigne, Tyler serra les dents en sentant la prise de Filsh se refermer sur lui avec davantage de force le dissuadant rapidement de chercher à s'en libérer

-Il t'a frappé ? Comment tu t'appelles ?

Incapable de balbutier deux mots compréhensibles Pea semblait prendre un malin plaisir à faire durer son agonie. A qui voulait-il faire croire qu'il était incapable de donner son nom ?! Perdant patience, Filsh décida de les emmener tous les deux jusque dans le bureau de Mme Pince la conseillère en discipline qui n'avait surement rien du se faire tirer d'autre que le portrait vu sa laideur et son petit air pincé. Petite, dans les 1,53 m environs, elle avait une tête de crapaud et s'habillait constamment comme une vieille fille ce qu'elle était surement et serait probablement toute sa vie.
Les trainant à sa suite sans le moindre égards, Tyler sentit les larmes de douleur monter à ses yeux tant son poignet emprisonné le faisait souffrir, mais la douleur n'était pas la seule raison qui lui donnait envie de pleurer. La seule perspective de se retrouver dans le bureau de Mme Pince le terrorisait d'avance. Non pas que cette vieille fille acariâtre l'angoissait de quelque manière que ce soit, ce qui l'effrayait c'était de la voir appeler son père pour l'informer que son fils allait probablement subir un conseil de discipline. Il allait le tuer et la dérouillé qu'il s'était prit la veille n'aurait été qu'une douce caresse en comparaison de ce qui l'attendait lorsque son père serait convoqué dans ces bureaux. Beaucoup trop rapidement à son goût, ils arrivèrent dans une petite pièce aménagé de nombreuses étagères dans lesquelles étaient suspendus les dossiers de chaque élève de l'établissement contenant tout un tas d'informations inutiles. Miranda, la secrétaire de Pince était entrain de taper un texto à son copain à en juger par son sourire idiot présent sur ses lèvres peinte en rose fushia. Prise en faute, elle glissa son portable dans son sac à main en rougissant. Andy les fit s'assoir sur deux des quatre chaises vides qui longeaient le mur face au bureau de Miranda qu'il chargea de les surveiller avant de disparaître dans le bureau de Mme Pince.
Rongeant l'ongle de son pouce droit avec angoisse, Tyler n'avait plus que quelque secondes pour se sortir de ce pétrin avant que l'on informe son père de ses agissements. Mais comment faire ? Son salut reposait sur la larve inutile qui se trouvait assis à ses côtés et qui n'osait même pas le regarder. Se levant pour aller faire des photocopies, Miranda les laissa seuls durant quelques minutes, ce qui permit à Tyler de sauter sur l'occasion pour poser sa main sur l'épaule du plus jeune et le forcer à se tourner dans sa direction.

- Toi, t'as intérêt à nous sortir de ce merdier ! Ils te croiront quoique tu dises alors tu vas prétendre que tu avais des crampes de ventre lorsque je t'ai trouvé dans le couloir. Et t'as plutôt intérêt à te montrer convainquant si tu veux pas que je t'aider à avoir réellement mal au ventre. Tu diras que je voulais te raccompagner chez toi vu que nous sommes voisins. C'est clair ?!! Et pour la photocopie....

Tyler n'eut pas le temps d'en dire davantage que la porte de Pince s'ouvrit sur les deux surveillants qui cherchèrent presque aussitôt la secrétaire qui avait quitté son poste d'un regard désapprobateur alors que cette dernière n'était pas censée les quitter des yeux.
Les deux garçons se levèrent de leurs chaises respectives d'un même élan, et alors que Tyler se préparait déjà à écouter un nouvel interminable Laïus, à sa grande surprise, seul Pea fut invité à pénétrer dans le bureau de Mme Pince. Au dehors, Filsh le retint d'aller plus loin en refermant sa main sur son épaule pour le diriger contre le mur. La pression de sa main réveilla les plaies douloureuses qui s'y trouvaient et pendant un bref instant, Tyler se sentit paniquer en espérant qu'elles n'allaient pas se mettre à saigner car il ne se voyait absolument pas expliquer pourquoi du sang venait teinter son sweat gris.

- Sois pas si pressé, ton tour viendra déjà. Mme Pince veut d'abord parler avec le gamin seule à seul, car elle pense à juste titre que ta présence va l'intimider. Maintenant reprends place, on va patienter ensemble.

Encore plus anxieux que précédemment Tyler reprit place sur sa chaise en s'acharnant doublement sur l'ongle de son pouce. Le silence se mit alors à régner en maître dans la petite pièce, seuls les différentes activités de Miranda se firent l'écho d'un peu de vie dans ce qui servait de salle d'attente. Tyler se demandait avec appréhension ce qui se passait dans l'autre pièce. Il était persuadé que Pea était entrain de geindre comme une fillette et qu'il était entrain de tout déballer à Pince... S'il faisait ça, il lui ferait avaler sa langue, il se le jura ! Ses réflexions furent interrompus par Filsh qui s'adressa à lui d'une manière si peu habituelle  qu'il suscita aussitôt la méfiance en lui.

- Tu sais,... j'ai bien connu ton frère à une époque, et j'ai vu ce qu'il devenu... tu es entrain de prendre le même chemin que lui.

Enfermé dans un silence obstiné, Tyler ne desserra pas les lèvres, se demandant bien où voulait en venir Filsh.

- Tyler... est-ce que tout va bien à la maison ?

Cette simple question eut pour effet de le faire bondir de sa chaise et de lui faire lever un regard lourd de colère sur le surveillant. Qu'est-ce qu'il savait ? Où voulait-il en venir ?

- Ce n'sont pas vos affaires ! Cracha-t-il furieux de se sentir percé à jour.

- Moi je crois que si, au contraire.... Lennox où est-ce que tu vas ? Reviens ici tout de suite !

- Va t'faire foutre ! Cracha l'adolescent en quittant le bureau

Trainant toute la journée dans l'immense centre commerciale de New-Phoenix, Tyler finit par rentrer chez lui à la nuit tombée. Montant lentement les escaliers, avec le même entrain qu'un condamné à mort se rend sur l'échafaud, il pénétra doucement dans l'appartement qu'il occupait avec son père. Ce dernier était plongé dans l'obscurité, seul la télé était resté allumé dans le salon, mais l'appartement semblait être déserté de toute présence de son père. Sans s'attarder, le jeune adolescent fila se réfugier dans sa chambre, bien décidé à faire le mort. Il était minuit lorsqu'il fut réveillé par la porte d'entrée. Crispé, il reconnu le pas trainant de son père s'avançant dans le couloir dont le plancher grincé sous son poids. Retenant son souffle, il attendit que son père fut passer pour s'autoriser à respirer à nouveau. Malheureusement pour lui, la porte de sa chambre s'ouvrit sur la silhouette massive de son père qui tenait une bouteille de vodka dans sa main. Les yeux élargit par la terreur, il le vit s'approcher en titubant avant de s'étaler de tout son long dans un ramdam tonitruant après avoir trébucher sur son sac. La bouteille d'alcool qu'il tenait un peu plus tôt se mit à rouler sur le plancher tout en répandant ce qui restait de son précieux liquide sur le sol.

- Espèce de sale petite merde ! Vociféra son père en se relevant tout en débouclant sa ceinture. Qu'est-ce que t'as encore fait ?

Ce reculant, dos au mur, Tyler vis son père s'avancer vers lui et abattre la ceinture dans sa direction. Il y échappa de justesse en sautant hors de son lit, se fut sans compter sur l'adresse de son père qui l'attrapa par le bras. Parvenant à se dégager en lui donnant involontairement un coup de coude dans les cotés, Tyler quitta sa chambre et se sauva à toute vitesse tout en entendant son père beuglé dans le couloir de l'appartement. Haletant, sans se retourner, pieds nus et en pyjama Tyler dévala les escaliers et quitta la chaleur du  bâtiment pour la fraicheur de la nuit. Grelottant, ne sachant où aller, il traversa le quartier et trouva refuge sous un pont. Tyler qui pour la première fois de sa vie, venait de dormir dehors, fut réveillé par les premières lueurs de l'aube. Tout était encore calme et l'imposante ville de New-Phoenix ne s'était pas encore éveillé, et c'était heureux, il n'avait aucune envie de croiser un de ses camarades d'école dans cette tenue. Rentrer chez lui ? Son père allait le tuer... sauf si avec un peu de chance il était trop bourré pour se rappeler de quoique ce soit...

Décidé à tenté le coup, et ne pouvant de toute manière pas rester ainsi, Tyler fit demi-tour pour rentrer chez lui. Il se dépêcha d'aller aussi vite que ses pieds endoloris le lui permettait afin de ne rencontrer personne qui pourrait le surprendre dans un état aussi pitoyable que celui dans lequel il se trouvait. Grimpant rapidement les escaliers deux à deux, il tourna avec précaution la poignée de la porte de leur appartement en priant pour que son père ne soit plus dans sa chambre. Avançant à pas de loup, les bruits de râles et de gémissements provenant du salon lui indiquèrent que son père n'était pas seul. Espérant passer inaperçu il longea le couloir qui menait jusqu'aux chambres et s'arrêta devant l'entrée qui menait au salon. S'aventurant à jeter un oeil, Tyler aperçut son père chevauchant une prostituée qui se trouvait à quatre pattes sur le canapé, la jupe remontée jusqu'à la taille, il lui pelotait les seins tout en la baisant avec acharnement. Ne s'attardant pas sur ce spectacle écoeurant qui lui retournait l'estomac, Tyler traversa le couloir et courut s'enfermer dans sa chambre.

Après avoir pris une douche pour tenter de se réchauffer un peu, il s'habilla en vitesse mais se sentait pas vraiment au meilleur de sa forme. Il se sentait patraque et se doutait qu'il avait probablement du attraper froid à dormir pieds nus dehors, mais ce n'était rien, il ne pouvait pas se permettre de tomber malade. Espérant à quitter l'appartement sans se faire voir c'était malheureusement sans compter sur leur invitée surprise qui était entrain d'enfiler ses chaussures lorsqu'elle l'aperçu

- Oh mais c'est qu'il y a un second étalon dans cette maison, minauda-t-elle en lui adressant un sourire tout en lui caressant le visage avant qu'une baffe à l'arrière de son crane ne le sorte de sa torpeur.

- Ça n'a rien d'un étalon, à part les filles comme toi, il n'intéressera personne. Et ben alors ? C'est comme ça que j't'ai élevé ? T'as pas appris à dire bonjour ?! Tu veux que j't'en colle une pour te rappeler la politesse ?

- Non, pardon. Bonjour

- Où tu files ?

- A l'école, bredouilla-t-il en enfilant ses baskets sans oser lever les yeux sur son père. Bonne journée.

- Hey gamin ! Ce soir c'est McDo alors rentre pas trop tard

Tyler approuva d'un signe de tête et disparu dans le couloir du bâtiment. Il ne se faisait aucune illusion quand à sa promesse de manger un délicieux McDo, de toute manière Tyler se sentait trop patraque pour que ça suscite en lui la moindre envie. Son père venait de tirer son coup et pour le moment il était guilleret, mais quand il se rendrait compte du trou dans le budget que venait de lui faire sa tapineuse ce serait encore lui qui allait morfler. Le bruit d'une porte derrière le fit se retourner et il se stoppa net en reconnaissant le jeune Pea quitter son appartement. Aussitôt, il remonta les quelques marches qui les séparaient et l'attrapa par la veste pour le tirer dans son sillage en l'entrainant dans les caves du bâtiment, hors de porté de vu de la famille Pea.

- Qu'est-ce que tu as été chouiner à Pince ?!! Et t'as pas intérêt à me mentir. Voulut-il savoir en le poussant violemment. Tout ça c'est de ta faute ! Si t'avais pas lambiné on se s'rait pas fait surprendre ! Alors pour te faire pardonner tu vas te démerder pour me trouver 20$ d'ici à la fin des cours, ainsi qu'un paquet de clope. J'en n'ai rien à foutre de savoir comment tu vas te débrouiller pour les obtenir mais vaut mieux pour toi que j'les ai. Quand à ton gouter... t'as qu'à te le garder j'men fou !

Ce n'était pas tout à fait exact, il ne se fichait pas du gouter du petit bébé à sa maman, mais curieusement ce matin, la simple idée de manger lui soulevait le coeur. Laissant seul bébé Pea, après l'avoir poussé pour le faire tomber par terre. Un petit rappel sans frais de ce qui l'attendrait s'il ne répondait pas à ses exigences, il quitta la cave et se dirigea vers l'école




HRP : Pardon pour le coup petit Thomas T__T. J'espère que ça ira et que tu auras assez pour répondre sinon n'hésites pas à me le faire savoir XD

Alors que Monsieur Filch entrait dans le bureau de Madame Pince, la secrétaire de celle-ci s'absenta quelques minutes pour aller faire des photocopies, à la plus grande horreur du jeune Thomas Pea. Son voisin saisit évidemment l'occasion et se tourna vers lui, le dominant de toute sa hauteur. La main sur son épaule, Tyler le força à le regarder et le menaça de nouveau : il devait mentir pour les sortir de ce pétrin. Évoquer des crampes au ventre. Tom ne répondit rien, terrifié par son aîné mais également, par l'idée de trahir la confiance de l'autorité de l'école. Il ne voulait pas mentir mais il ne voulait pas accuser non plus. Pourquoi est-ce qu'on ne pouvait pas simplement le laisser tranquille? Il ne faisait rien de mal et voilà que c'est lui qui allait être puni avec une confrontation de ce type. Même si Tyler lui offrait une excuse toute faite sur un plateau d'argent, Tom n'en menait vraiment pas large.
Les deux jeunes sursautèrent en même temps lorsque la porte s'ouvrit et se levèrent d'un même mouvement, donnant momentanément l'impression à Thomas de faire partie d'un petit groupe.
Pourtant, cette légère alliance se brisa bien vite quand il fut le seul invité à entrer.

C'est en franchissant la porte qu'il prit une décision et plaça une main sur son ventre.
Madame Pince, qu'il dépassait déjà, le fit asseoir en face d'elle. Mal à l'aise, Tom n'eut aucun mal à tordre son visage dans des fausses grimaces de douleur ; après tout, le moment était très douloureux pour lui.

-Alors qu'est ce qui s'est passé mon petit ? Thomas c'est ça ? Thomas Pea ?

Surpris qu'elle connaisse son nom, il acquisea et regretta presque sa décision de mentir à cette dame qui semblait si prévenante envers lui.

-Je... Monsieur Cameron m'a confié les photocopies ce matin, expliqua-t-il d'une voix timide. Et... j'ai eu de violentes crampes au ventre...tellement fortes que je suis tombé par terre, déchirant au passage les exercices de Monsieur. Tyler, mon voisin est arrivé à ce moment là et a voulu me raccompagner jusqu'à chez nous. Voilà...

-Tu as encore mal ? Demanda-t-elle en tournant ses yeux vers son main posé sur son ventre.

-Oui, mais c'est moins fort que dans le couloir.

-Ca t'es déjà arrivé ?

Surpris que ce soit si facile, Tom opta pour un hochement de tête négatif.

-Tu t'entends bien avec Tyler alors ?

Déglutissant et sentant le piège venir, il haussa vaguement les épaules, ce à quoi Madame Pince réagit en fronçant les sourcils.

-Ca va...S'empressa-t-il de répondre.

Le fixant toujours d'un regard scrutateur, Madame Pince croisa les bras et soupira.

-Je crois que tu me mens Thomas... dit-elle d'une voix douce.

-Non ! Non pas du tout ! Répliqua-t-il vivement et paniqué.

-Je crois que Tyler Lennox te brutalise depuis quelques temps.

De plus en plus affolé, Tom cligna plusieurs fois des yeux pour éviter les larmes de couler le long de ses joues. Il fallait qu'il soit plus convaincant !

-Pas du tout Madame ! Dit-il d'une voix chevrotante. C'est juste que...que..qu'on ne s'était jamais vraiment parlé jusqu'à aujourd'hui.

La gorge serrée, le trop plein d'émotions allait bientôt exploser mais Tom tentait le tout pour le tout de le retenir. Néanmoins, il n'était pas si bon à ce petit jeu et il sentit une première larme glisser.

-Pourquoi pleurs-tu alors ? Demanda Madame Pince à juste titre, sans bouger d'un millimètre.

L'eau remplit ses yeux et les larmes se mirent à défiler sur ses joues tandis qu'un sanglot se mêla à sa respiration.

-...j'ai... mal au... ventre... Madame...

Perplexe, la conseillère en discipline se leva, contourna son bureau et se pencha sur lui. Elle posa une main froide sur son front. Le stresse avait réchauffé le corps de Tom mais peut-être pas suffisamment pour lui faire gober une fièvre.

-Bien...soupira-t-elle, comme déçue en le regardant tristement. Je vais demander à Miranda de te conduire à l'infirmerie et si ça ne va toujours pas, on appellera tes parents, d'accord? Allez, sèche tes larmes bonhomme. Et sache que la porte de mon bureau est toujours ouverte si tu veux me parler.

Sa seule réponse fut un reniflement bruyant. Madame Pince lui dit au revoir et le confia à sa secrétaire qui l'emmena à l'infirmerie en tentant de lui faire la conversation pour le consoler. Ce n'est qu'une fois arrivé sur place qu'il réalisa que Tyler n'était plus là quand il était passé devant les chaises d'attente.
L'infirmière, une vieille dame toute voûtée le coucha sur le lit, lui prit sa température et lui donna un cachet qu'il avala sans hésiter. Épuisé par toute ses émotions et heureux qu'on le laisse enfin tranquille, il s'endormit rapidement.

Il se réveilla en sursaut une trentaine de minutes plus tard et sa première vision fut le visage angoissé de sa maman penché sur lui.

-Mon petit ange... tu as mal au ventre ?

Il hocha la tête affirmativement. Sa mère lui embrassa tendrement le front et se tourna vers l'infirmière. Les deux adultes discutèrent encore un peu tandis que Tom se sentait enveloppé dans un cocon confortable où il ne devait plus se soucier de rien : sa mère venait le chercher, ce qui allait confirmer ses mensonges et donc, blanchir Tyler.
Comme dans un rêve, ils quittèrent l'établissement scolaire tandis que sa mère le couvait d'un regard inquiet.

-On m'a dit qu'un élève a voulu t'aider c'est vrai ? Il va falloir bien le remercier d'accord ?

-Oui Maman... C'était Tyler.

-Tyler ? Tyler Lennox, le voisin ?

Thomas hocha la tête et ferma les yeux pour ne pas affronter la surprise de sa maman face à ce nouveau mensonge.
Il sentit sa main, bien plus douce que celle de Madame Pince sur son front. Il aimait tellement retomber à ce point en enfance, ces moments où les parents parvenaient encore à sauver leurs enfants des dangers extérieurs.
Arrivé à la maison, sa mère le borda au lit, comme lorsqu'il avait cinq ans. Au comble du bien-être, il finit par s'endormir de nouveau pour se réveiller, à sa grande surprise à l'heure du souper.
La famille se réunit pour manger et Tom tenta de rassurer ses parents sur son état, mentant une nouvelle fois (en croisant les doigts derrière son dos) sur les raisons de sa fatigue : il avait mal dormit la veille à cause de crampes qui s'étaient calmées lorsqu'il avait prit son petit-déjeuner.
Il retourna dans sa chambre et fixa le plafond bien longtemps, incapable de se replonger dans le sommeil après une si longue sieste.

Le lendemain matin, sa pâleur fit paniquer sa mère à qui il dû prouver qu'il était inutile d'appeler le médecin et qu'il pouvait aller à l'école.
Son père le regardait de loin et lança à son épouse.

-Laisse le s'il veut tant y aller. S'il ne va toujours pas bien, l'infirmière nous recontactera et nous irons chez le médecin dans ce cas là. Ca va pour tout le monde ?

Il lança un sourire reconnaissant à son père qui lui fit un clin d'oeil.

-J'ai acheté deux Kinder Surprise, un pour toi et un pour Tyler tu n'oublieras pas de lui donner pour lui dire merci Tommy ?

Tom hocha une nouvelle fois la tête face à sa mère, embrassa tout le monde et sortit de l'appartement...pour faire face à nulle autre que son voisin. Tyler sauta sur lui et l'entraina loin de la cage d'escalier pour l'emmener vers les caves effrayantes de l'immeuble.

-J'ai fait comme tu m'as dit, j'te jure ! Se défendit-il d'une petite voix effrayé. J'lui ai dit que j'avais mal au ventre et ils m'ont amené à l'infirmerie puis ma mère est même revenue me chercher.

Peu importe ce qu'il disait, les menaces et les ordres donnés, Tyler avait déjà tourné les talons.
Embêté, Tom resta un instant planté là avant de se mettre à son tour en route. Il n'avait même pas pu lui donner la petite intention de sa mère...
En marchant, il retira de sa poche le billet de cinq dollars qu'il lui restait. Où allait-il pouvoir trouver quinze autres dollars et un paquet de cigarettes ?
Toute la journée de cours fut concentrée sur ce problème épineux alors que la fatigue le faisait bailler à s'en décrocher la mâchoire.
Ce n'est qu'en dernière heure de cours, lorsque Madame Tanneron lui confia un nouveau jeu de photocopies à faire qu'il découvrit une opportunité. Dans la salle vide où se trouvait la photocopieuse se trouvait également un sac à dos abandonné un instant par un prof, un sac dont un paquet de cigarettes sortait d'une poche. Terrifié, Tom attendit la fin des bruits de la photocopieuse pour se décider et il se précipita vers sa cible en ne cessant de jeter mille regards autour de lui.
Rapide, il prit le paquet - qui lui semblait bien léger - et le rangea dans sa propre poche. Il allait ouvrir la pochette principal en quête de billets verts quand des bruits de pas le firent sursauter et il retourna dare dare reprendre ses feuilles encore chaudes pour les ramener en classe.
Honteux et terrifié qu'on l'accuse directement, il passa la pire heure de cours de sa vie.

Lorsque la sonnerie retentit, il prit une grande inspiration. Et dès qu'il fut hors du bâtiment, sa terreur s'amplifia. Il n'avait pas pu se procurer tout ce que Tyler avait exigé.
Ce dernier l'attendait sur le chemin qu'il empruntait chaque jour pour retourner chez eux. Baissant la tête, Tom s'arrêta à sa hauteur et sans un mot, ouvrit son sac à dos dont il retira l'oeuf en chocolat, le paquet de cigarettes - qui n'en contenait que six - et le billet de cinq.

-J'ai..j'ai trouvé un paquet de cigarettes, expliqua - t-il, honteux même devant lui d'avouer qu'il l'avait volé. Mais je n'ai que cinq dollars. Et...l'oeuf...c'est de ma mère. Elle pense que tu as vraiment voulu m'aider hier et elle voulait te remercier.

Il fourra le tout dans les mains de Tyler et attendit sa réplique, presque certain qu'elle allait être faite de coups et d'insultes.

The Kids aren't alright

  Tyler venait de causer à Thomas la frayeur de sa journée et le gnome savait à présent que s'il ne voulait pas qu'il lui arrive des bricoles, il avait plutôt intérêt à lui obéir et à satisfaire ses désirs. Pourquoi lui avoir demandé des clopes et de l'argent ? Parce que contrairement aux armes à feu, le tabac c'était comme l'alcool ou les magazines porno, il était tout simplement interdit d'en vendre à un mineur. Bien sur, toutes les lois étaient faites pour être détournées son frère lui avait expliqué certaines ficelles et il n'y avait rien de plus facile que de s'en procurer s'il en voulait vraiment, comme voler mais pour cela il fallait courir vite et dans son état actuelle ce n'était pas gagner. Il pouvait tout aussi bien demander à un client qui avait une bonne tête de pigeon de lui en acheter, cela pouvait paraître surprenant mais il y avait bien plus de personne qu'on ne pouvait l'imaginer prêtes à passer en caisse pour lui avec une bouteille d'alcool malheureusement pour ça il fallait avoir de l'argent or quand on en n'avait pas les gens étaient beaucoup moins enclin à rendre ce petit service... A Pea de se démerder, son père fumait probablement ce ne serait pas difficile de lui procurer du tabac. Quand à l'argent c'était un dédommagement pour toutes les emmerdes qu'il lui avait causé hier ! S'il avait bougé son petit cul de bourgeois au lieu de pleurnicher, ils ne se seraient jamais fait prendre par cet idiot de Filch. Croisant les bras devant lui, Tyler frissonna et pas uniquement de froid, en repensant à la question de Filch qui l'avait complétement pris au dépourvu. « Tyler... est-ce que tout va bien à la maison ? »
Comment il savait ? Comment il pouvait savoir ? Non il ne savait rien, tentait-il de se rassurer ! Il faisait juste semblant, il prêchait le faux pour connaître le vrai et le retourner ensuite contre lui. Il ne lui faisait pas confiance, pas plus qu'à n'importe qui dans cette école ! Les seuls sur qui il pouvait compter c'était ses potes, et son frère. Tyler était d'ailleurs très fier de ce dernier qui s'était taillé une solide réputation dans la rue lui conférant par ricochet une certaine immunité. L'avantage d'avoir un frère ainé comme Brad c'était de bénéficier de quelques cours particuliers en baston, et ici, personne ne savait donner des coups comme lui.

Alors qu'il s'avançait dans le couloir du lycée pour se diriger vers son casier, il ne prêta pas attention au petit groupe qui s'était formé sur sa droite et qui ricanait, jusqu'à ce qu'il bute sur quelque chose et qu'il se ramasse de tout son long dans le couloir. En chutant, Tyler avait tenté de se rattraper et n'avait fait que tomber de tout son poids sur son poignet encore sensible qui lui rappela douloureusement à quel point il était loin d'être rétablit. Tyler se roula sur le coté tout en se tenant son membre blessé en espérant que la douleur passe et jeta un regard par-dessus de son épaule et réalisa que le croche-pied qu'on venait de lui faire venait de cette enflure de  John Callaguey qui riait de sa bonne blague à gorge déployé avec toute sa bande. Sentant le rouge lui monter au joue le jeune Lennox se jura que cette fois, il allait lui faire regretter son geste.
Se relevant d'un bond, il se jeta sur cet enflure qu'il poussa contre les casiers sous les cris de surprises de plusieurs élèves qui se reculèrent pour éviter de se prendre malencontreusement au passage des coups qui ne leur étaient pas destinés. Très vite un groupe de curieux vint se greffer sur le groupe d'origine et très vite un cercle se forma autour d'eux. Ils affichaient tous des visages terrifiés alors qu'en réalité tout au fond d'eux ils étaient pris dans ce combat, dans cette arène qui venait de se former, ou leur favoris, le très fringant Johnny, était entrain de se prendre une sévère déculotté par le bouseux de Lennox. Arrivant en courant et en se frayant un chemin parmi cette vague humaine, Filch passa son bras autour de la taille de Tyler afin de le ceinturer et de l'éloigner de sa victime. Loin de se laisser gentiment faire, Tyler souleva sa jambe pour cogner encore une fois sa cible avec son pied. Tiré vers l'arrière, ses bras étaient désormais beaucoup trop courts pour lui faire bouffer un bon coup de poing mais ce n’était pas encore le cas de ses pieds.

- Espèce de sale connard, je vais te défoncer la tronche

- Lennox bon dieu tu vas te calmer oui !! Qu’est-ce qui se passe ici ?

- Il a trébuché et il s’en prit à John sans raison ! S’exclama Erika

- Il l’a fait exprès ! Se défendit Tyler.

- Mais tu vas te calmer oui !!!! Grinça le surveillant en essayant de retenir Tyler. Simons emmène Callaguey à l'infirmerie ! Quand à toi tu m'accompagnes chez Mme Pince on a une discussion à terminer de toute manière

- Fais chier !

Sans prendre de gants, et d'une main ferme, Filch entraina malgré lui Tyler en direction du bureau de la surveillante principale. Erika quand à elle, obéit au surveillant. Soutenant son petit ami qui était courbé en deux en se tenant le nez qui devait avoir triplé de volume, et qui pleurait comme une fillette, elle prit la direction de l'infirmerie.

Tyler détestait de plus en plus cette école ! S'il n'y avait pas Elias et Tallin il n'y mettrait franchement plus les pieds quand à Callaguey, Tyler s'était juré qu'il n'en n'avait pas fini avec lui ! Plus Filch et lui s'éloignaient et plus Tyler se calmait, de toute manière, que ça lui plaise ou non, on ne lui demandait pas son avis et il allait devoir avoir ce fichu entretien avec l'autre crapaud. N'opposant plus vraiment de résistance, il se laissa guider tout en serrant son poignet gauche qui le faisait horriblement souffrir, ce servir de Callaguey comme punching-ball alors que sa chute venait de réveiller sa douleur n'avait pas forcément été l'idée la plus intelligente qu'il avait eut... mais bon dieu qu'est-ce que ça soulageait !

- Tu as mal ? S'enquit le surveillant en jetant un regard sur le poignet que Tyler se tenait

- Non. Répondit-il fermement sans le regarder, tout en relâchant aussitôt sa main.

Assis face au bureau de Mme Pince, Tyler se rongea l'ongle de son pouce droit tout en regardant ailleurs et en tapant nerveusement du pied sur le balatum à rythme régulier. La face de grenouille lui reprocha son insolence et lui expliqua que compte tenu de ses antécédents, de son comportement violent envers autrui et absolument inacceptable qu'il avait eut au cours de la matinée, il allait être exclu pour 3 jours. Tyler ne feinta ni la surprise ni l'indignation, il ne prit même pas la peine de répondre, de toute manière c'était toujours lui qui prenait c'était pas nouveau, quand à ses remontrances c'était du rabâché

- Tes notes sont désastreuses, constata-t-elle avec dépit en feuilletant son dossier, tu es très souvent absent et lorsque tu viens assister aux cours il faut toujours que ce soit pour le perturber, où crois-tu que ça va te mener tout ça ?

Nulle part songea-t-il pour lui même en continuant d'éviter soigneusement son regard, non pas de honte, mais pour lui signifier combien il se fichait de ce qu'elle pouvait lui dire. A quoi s'attendait-elle franchement de la part d'un crétin comme lui ? Fallait arrêter de croire aux miracles, il était comme son frère, et le digne fils de son père, un voyou, un cas désespérant, ça aussi c'était du su et du rabâché on n'avait vraiment pas besoin de le lui rappeler, i en était parfaitement conscient. Il n'avait désormais plus qu'une hâte c'était qu'elle en finisse afin qu'il puisse enfin se barrer d'ici, parce qu'elle commençait sérieusement à le saouler avec son prêchi-prêcha, n'arrangeant en rien son mal de crâne et commençait. Constatant qu'il continuait à l'ignorer et qu'elle n'arrivait à rien avec lui, Mme Pince changea de tactique et croisa ses mains devant elle

- Le petit Thomas a prétendu que tu as essayé de l'aider hier, mais franchement j'ai du mal à gober cette histoire, ça t'amuse de t'en prendre à plus petit que toi ? C'est un comportement inexcusable tout comme ta bagarre de ce matin ou les insultes d'hier à l'encontre de Mme Seymour ! Pourtant Mr Filch pense que ton comportement est du à ton environnement familiale. Pour avoir connu ton frère, personnellement j'en doute mais je te le demande quand même, est-ce que tout va bien chez toi ?

Pour la première fois depuis qu'il était entré dans ce bureau, depuis le début de cet entretien, le pied de Tyler cessa de marteler le sol et il daigna enfin jeter un regard mauvais en direction de la conseillère qui ne se laissa pas le moins du monde amadouer

- Veux-tu en parler ?

- Y a que dale à dire

- Très bien, dans ce cas tu ne verras aucune objection à ce que je convoque ton père pour l'informer de ton renvoi du à ton manque de discipline et que nous en discutions ensemble puisque toi tu n'as rien à dire.

Ses yeux s'arrondirent d'horreur et son coeur rata un battement à la seule perspective que cette bonne femme informe son père de son comportement. Il ne voulait pas qu'on l'appel son père, il ne voulait pas qu'il apprenne qu'il avait été renvoyé pour 3 jours, parce qu'il allait le tuer, littéralement. La seule idée de savoir son père ici, face à Mme Pince le terrifia tellement qu'il sentit des larmes couler sur ses joues. Il pleurait de terreur mais aussi d'injustice ! Ce qui s'était passé ce matin, ce n'était même pas sa faute, ce n'était pas lui qui avait cherché, c'était toujours les autres qui venaient l'emmerder mais c'était toujours lui qu'on punissait parce qu'il avait le malheur d'être lui. Il les détestait, tous autant qu'ils étaient !

- J'ai fait qu'me défendre ! Explosa-t-il la voix brisée

- On ne résous pas tout par la violence Tyler ! Où as-tu vu ça ? Regardes un peu l'état dans lequel tu es à force de te bagarrer à longueur de journée. Tu es renvoyé pour 3 jours et je vais téléphoner à ton père pour l'en informer, tes larmes n'y changeront rien

Lui téléphoner ? Tyler eut un blanc pendant quelques secondes. Elle comptait vraiment lui téléphoner ? L'envie de rire le prit soudainement mais il se retint de justesse. Cela faisait bien 6 mois qu'on leur avait coupé le téléphone parce que son père ne payait pas les factures et pour une fois l'adolescent en était ravi !! Sachant qu'elle serait dans l'impossibilité de le contacter par téléphone, elle allait surement lui écrire un courrier, il lui suffirait donc tout simplement d'intercepter ce dernier dans la boite aux lettres pour qu'il n'en sache jamais rien. Pour une fois, la chance semblait être avec lui, puisque son père se foutait complétement du courrier qu'ils recevaient et qu'il cherchait tous les 36 du mois.

- Et ben faites-le ! J’m’en fous, ça me f’ra des vacances en s’essuyant les yeux d’un geste de la main

- Où va-tu ? Lui demanda-t-elle en le voyant se lever. Je ne t’ai pas autorisé à partir nous n’avons pas encore terminé. Tyler Lennox !! S’époumona-t-elle alors que la porte claquait derrière lui.


Tyler avait passé le reste de la journée à trainer avec son frère. Il ne lui avait pas avoué qu’il s’était fait viré à cause d’une histoire de bagarre, il préférait lui faire croire qu’il avait décidé de sécher parce qu’il avait bien mieux à faire que de perdre son temps en compagnie de tous ces pauvres débiles. De toute manière, ce n'était pas totalement faux, il savait très bien qu’il n’était pas intelligent, qu’il ne ferait jamais de grandes études et qu’il ne serait jamais quelqu’un de bien alors pourquoi devrait-il encore s’emmerder ?  Brad et lui avaient fumé quelques joints, picolé quelques bières puis trainé au centre commercial comme toujours. Tyler était ravi de passer un peu de temps avec son frère ainé mais plus le temps passait et moins il se sentait bien, ce que Brad ne remarqua pas immédiatement. Tout ce qu’il constatait c’était que son frangin trainait du pied et que ça devenait franchement agaçant. Vers 14h ils rentrèrent dans l'appartement qu'il occupait et Tyler s’écroula comme une masse, en boule, dans le lit de son frère. Lorsqu’il ouvrit les yeux à cause du ramdam que son frangin faisait, Tyler encore vaseux mais en meilleur forme qu’un peu plus tôt regarda l’heure s'afficher sur le réveil électronique. Il était déjà 16h, il avait dormit presque toute la journée.
S’extrayant péniblement du lit, il décida de rentrer tôt. Après tout, son père le lui avait demandé et pour une fois même s’il n’y croyait pas vraiment, il avait envie de se convaincre que peut-être il tiendrait sa promesse, peut-être l’emmènerait-il au fast-food… Il ne se sentait peut-être pas très en forme et n'avait pour le moment aucun appétit  mais si son père tenait sa promesse il se jura que pour rien au monde il ne gâcherait ce moment. Et même s'il n'avait pas très faim, il n'en montrerait rien et se forcerait.
S’extirpant du lit, il se traina dans le salon, salua son frère qui se trouvait avec Tim et Duncan et s’en alla.

Sur le chemin du retour, alors que la tête lui tournait méchamment, Tyler s’arrêta pour s’adosser contre un mur mur de briques en attendant que sa passe. C’est là qu’il l’aperçut, son insupportable petit voisin qui rentrait de l’école et… qui s’avançait vers lui le visage encore plus pâle que d’accoutumé. Ce n'est qu'à ce moment qu'il compris pourquoi ! C’est qu’il l’avait presque oublié lui ! Une fois à sa hauteur, il sorti de son sac à dos un œuf en chocolat, un paquet de cigarette usagé et un billet de 5 $. Tyler leva alors sur lui un regard ampli d’incompréhension. C’était quoi cet œuf au chocolat ? Il ne lui avait jamais demandé ça ! Le paquet de cigarette c’était pas vraiment non plus ce qu'il attendait mais à vrai dire il ne pensait même pas qu’il arriverait à lui en procurer, quand au 5 malheureux dollars usagés qui se trouvaient au creux de sa main c’était très loin de ce qu’il lui avait réclamé mais toujours bien plus que ce qu’il possédait.

Tout penaud, l’enfant lui expliqua que c’était tout ce qu’il avait réussi à obtenir. Il avait soi-disant trouvé ce paquet de cigarette avec 6 clopes à peine à l'intérieur, ces 5 pauvres dollars et… Tyler arqua un sourcil en entendant que sa voisine tenait à lui offrir ceci pour le remercier d’avoir voulu aider son fils souffrant. Tyler sentit le rouge lui monter au joue, mais cette fois non plus de colère mais bien de honte. C’était la première fois que quelqu’un voulait le remercier de quelque chose qu’il avait soi-disant fait en lui offrant une petite récompense. Ne sachant comment réagir, il resta durant un instant interdit. Une partie de lui avait très envie de s’en emparer après tout si elle était trop conne c’était pas son problème mais... il ne le méritait pas et en avait pleinement conscience, cela étant, c'était quelque chose qu'il refusait d'admettre et qu'il préféra dissimuler derrière un sentiment de fierté mal placé. L’accepter, sauter dessus, s’était reconnaître qu’il avait faim, et puis bordel il avait 13 ans, il avait passé l’âge d’être content de recevoir du chocolat. Tapant sur l’œuf en chocolat qui lui faisait pourtant envie, pour le balancer hors de la petite main de Thomas, la friandise alla s’écraser sur le trottoir à quelques mètres d'eux, tandis que Tyler se saisissait de Thomas en l’attrapant par le col de la chemise.

- Non mais tu, te fous de moi ?! 5$ c’est tout ce que t'as trouvé ?!! Il en manque 15 autres j’te signale ! Tu sais pas compter ?! Tu croyais vraiment que j’allais rien dire parce que ta pétasse t’as donné du chocolat ? Et puis elle me prend pour qui ta vieille ?!!! J’ai plus 4 ans, en plus moi ce soir je vais au fast-food avec mon père, se vanta-t-il, alors ton chocolat j'm'en carre complétement. Si elle voulait vraiment me remercier elle avait qu’à me filer du fric !! Et le paquet de clope, non mais c’est quoi ça ?!! Lui demanda-t-il en l’agitant sous son nez. C’est pas du tout ce que j't’avais demandé, le gifla-t-il.

Loin d’en avoir fini avec lui, Tyler plaqua le pauvre Tom contre le mur et lui donna un bon coup de poing dans le ventre. Pour la première fois, en le frappant, il venait de comprendre son père et le pouvoir que vous conférait cette sensation grisante d’avoir un ascendant sur plus faible que soit, parce que ça lui donnait envie de continuer et de lui faire encore plus mal. Alors qu'il s'apprêtait à le frapper à nouveau, le passage d'une voiture de police l'en dissuada et le fit instinctivement relâcher victime presque aussitôt. La patrouille ne s'arrêta pas et continua son chemin sans leur prêter la moindre intention. Tyler par contre, était intrigué et il ne parvenait pas à quitter la voiture de son regard, comme mû par un très mauvais pressentiment. Pourquoi une voiture de police venait-elle dans leur quartier ? Ce quartier que les flics évitaient en règle général ? Pourquoi prenait-elle la même direction que lui ?

Ça lui rappelait la fois où avec Brad et leurs copains du quartier, lorsqu'il n'était encore qu'un gamin 4 ans plus tôt, il avait courut derrière les camions de pompiers qui roulaient à vive allure. Ils avaient tous des vélos, sauf Brad et lui alors bien sur il fut le dernier arrivé sur place. Lorsqu'il les avait rejoint, épuisé d'avoir courut autant, il avait compris au regard que ses potes lui avaient lancé qu'il se passait quelque chose de grave. Il lui avait suffit de lever la tête pour comprendre que le feu que les pompiers étaient venus éteindre réduisait leur appartement en cendre... et leur mère avec. C'est ainsi que par la suite, ils avaient déménagé ici.

- Demain, 20$ et le paquet de clope complet ou sinon ça ira mal pour toi, le prévint-il en prenant le chemin de la maison.

Son pas d'abord rapide s'accélérait, il avait même couru durant un petit temps mais pas bien longtemps à cause d'un poing sur le coté. Son sang ne fit qu'un tour en constatant que la voiture des flics étaient garé devant leur immeuble et tout le quartier semblait attendre avec curiosité et la même fébrilité que lui ce qui allait se passer. Alors qu'il s'avançait vers l'entrée du bâtiment il aperçut avec stupeur son père en sortir avec... les menottes aux mains.

- C'est lui ! Fit une voix en le désignant au second policier

Tyler n'avait pas fait attention à la personne qui venait de le pointer du doigt tout ce qu'il savait c'est qu'on venait de le dénoncer à la police. Il ne savait pas ce qu'on lui reprochait et à vrai dire il ne voulait même pas savoir. Il fit aussitôt volte-face pour détaler et s'enfuir à toutes jambes, mais le flic ne tarda pas à le rattraper et à lui saisir le bras pour l'empêcher de déguerpir plus loin et l'obligea à se tourner vers lui pour lui faire face

- Tyler Lennox ? Ne t'en fais, pas on ne te veux pas de mal... qui t'as fait ça ? Demanda-t-il en désignant sa pommette droite encore violacé, sa lèvre éclaté et son arcade sourcilière gauche. C'est ton père ?

- Non, répondit froidement l'adolescent en fixant le flic droit dans les yeux. J'me suis battu

- D'accord. Pourquoi tu t'es enfuis ? Devant le silence obstiné du garçon qui lui envoyait toute la haine qu'il avait à son encontre par son regard, le flic poursuivit sans se laisser démonter. Tu sais pourquoi on est là ? Ton père a violenté une femme aujourd'hui, tu la connais ?

Ceci dit, il lui montra la photo de la prostituée de ce matin au visage tuméfié. A tous les coups son père n'avait pas de quoi payer et c'était parti en vrille. Tyler était soulagé de ne pas avoir été là de la journée

- Non.

- Pourtant elle, elle dit qu'elle te connaît et que tu les as vu ce matin

- Ben c'est une salope de menteuse, parce que j'lai jamais vu !

- Très bien. Ton père va être emmené au poste et il va y passer quelques jours, est-ce qu'il y a quelqu'un qui pourrait s'occuper de toi ? As-tu de la famille proche ?

- Mon frère

- Non, ton frère n'a que 18 ans, j'entends quelqu'un âgé de plus de 21 ans. As-tu de la famille ? Des oncles des tantes ? Des amis ou des voisins qui pourraient te prendre en charge ? Si ce n'est pas le cas, tu vas devoir m'accompagner pour qu'on te conduise dans un foyer

Un foyer ?! Il n'en n'était pas question ! Si on l'y plaçait il se jura qu'il se sauverait pour aller chez son frère ou rentrer chez lui, mais il n'était pas question qu'il aille là-bas et n'y passe qu'une seule nuit !

Alors qu'il observait, craintif, le visage abasourdi de Tyler, Thomas comprit trop tard qu'il n'aurait jamais dû lui présenter l'oeuf en chocolat. Il n'avait pas réfléchi et, par réflexe, avait fait ce que sa mère lui avait demandé : "récompenser leur voisin pour sa bonne action". Il n'avait pas été idiot au point de lui dire effectivement merci mais l'erreur avait cependant été commise.
L'ainé, dans un geste de mauvaise humeur, fit basculer la friandise par terre et celle-ci alla s'écraser un peu plus loin alors que Tyler le saisissait par le col.
Ce qu'on ne comprenait jamais vraiment en regardant des scènes de ce type dans les films, c'était à quel point on suffoquait même si l'assaillant n'étranglait pas vraiment. La pression n'était pas forte mais la gorge était déjà serré par la terreur et amplifiait le sentiment d'étouffement. Sans oublier que s'ajoutait à tout ça la brûlure du col dans sa nuque et la question idiote qui résonnait dans sa tête, à savoir, quand son t-shirt allait se déchirer et dès lors, devenir une inquiétude justifiée pour les parents.

Comme il s'en doutait, Tyler l'engueula suite à ses maigres récoltes. Tom baissa la tête, honteux de ne pas être parvenu à lui fournir tout ce dont il avait besoin. Il était un incapable...Et alors qu'il insultait sa mère, une grimace lui déchira le visage. Il n'était pas assez courageux et fort pour la venger en lui rendant la monnaie de sa pièce et certainement pas assez stupide pour lui répondre et le contredire.
Alors qu'il attendait la suite du monologue haineux de reproches, son voisin fut de toute évidence à cours de mots et laissa exploser sa colère en le plaquant contre le mur. Tom ferma les yeux et même s'il s'attendait au coup, la douleur dans son ventre lui fit immédiatement monté les larmes aux yeux.
Il avait déjà lu que, pour encaisser les coups de manière "optimale", il y avait deux règles : ne pas paniquer (ça c'était déjà raté) et respirer rapidement et fort pour libérer tout l'air dans l'estomac (raté aussi car il avait le souffle coupé).
Au moins, en se focalisant sur ce qu'il ne faisait pas bien, il pensait à autre chose que la douleur, chose qu'il fallait faire également, il le savait.

Sans qu'il n'en comprenne véritablement la cause, Tyler le lâcha subitement, et, à sa plus grande surprise, ses jambes de coton parvinrent à le maintenir debout.
Hochant affirmativement à la nouvelle demande de son voisin (20 dollars et un nouveau paquet de cigarettes pour demain), il plaqua ses mains sur son ventre douloureux, tentant de le compresser  en se demandant si ce réflexe qu'avait la plupart des gens, était le bon.
Avant qu'il n'ait pu dire "ouf", Tyler avait déjà déguerpis. Perplexe, mais incapable de le suivre à la cadence où il allait, Tom comprit qu'il fonçait vers leur immeuble, là où une voiture de police se dirigeait également, ce qui n'était pas dans l'habitude des forces de l'ordre.
Marchant courbé en deux et tentant de respirer normalement, il rejoignit avec quelques minutes de retard le petit attroupement.
Les policiers étaient là et parlaient...à ses parents.
Terrifié, Tom se redressa et s'approcha d'eux en réalisant avec horreur que les deux hommes porteurs d'arme encadraient...Tyler.
Mince... Pouvait-il arrêter un mineur parce qu'il venait de le frapper ? Non, non il ne voulait pas que Tyler aille en prison ou dans une maison de redressement ! Comment est-ce que les adultes pouvaient être aussi stupides ? Ne comprenaient-ils pas qu'il serait bien pire lorsqu'il sortirait de là ? Qu'il allait littéralement tuer Thomas parce que c'était lui qui l'avait indirectement enfermé ?!

Timide, Tom se faufila jusqu'à eux et son père plaça un bras protecteur sur son torse, le collant à lui. Pendant ce temps, sa mère parlait aux policiers.

-...voilà mon fils justement, il s'entend bien avec Tyler pas vrai Tommy ? Tyler veille sur lui à l'école.

Sans rien comprendre de ce qui se passait, Tom ne put qu'hocher la tête. Sa mère, si horrifiée de prendre la parole en public, était en plein réquisitoire pour une sombre cause... Dans quel monde venait-il de tomber ?!
Est-ce qu'elle défendait son voisin ? Est-ce qu'elle ne croyait pas les accusations des policiers à son encontre suite au bobard que son fils lui avait raconté l'autre jour ?

-D'accord Madame...Pea. On vous le laisse pour cette nuit et on vous contactera pour décider de ce qui se passera par la suite.

-C'est réglé ainsi. Au revoir messieurs.

Les yeux grands ouverts, Tom regarda les policiers remonter dans leur voiture (dans lequel se trouvait une silhouette familière qu'il ne put identifier) et se laissa entraîner par son père dans leur appartement, tandis que sa mère faisait de même avec...Tyler.

-Vous avez faim les enfants ? Je peux faire des crêpes pour goûter, tandis que papa va aller chercher ta soeur.

Sans attendre leur réponse, elle se plaça devant les fourneaux alors que son père prenait Thomas à part.

-P'pa...pourquoi il est là ?

-Le papa de Tyler a peut-être fait une bêtise. Les policiers vont l'interroger pour en savoir plus mais Tyler ne pouvait pas rester tout seul. Donc nous avons décidé de l'héberger. Je compte sur toi pour être très gentil avec lui, d'accord ? Il dormira dans ta chambre.

Abasourdi, Tom hocha la tête, sans savoir ce qu'il ressentait vraiment. De la terreur ? De la compassion ? Du soulagement de savoir le vieux fou en prison ?
Son père disparu de l'appart' et Tom retourna dans leur petite cuisine. Sa mère s'affairait toujours sur la pâte mais Tyler n'était déjà plus là.

-Je crois qu'il est dans le salon. Il doit être choqué, va un peu le voir Tommy.

Contraint de faire à jamais ce qu'on lui demandait de faire, Tom se rendit dans le salon, la pièce qui était sa préférée car elle contenait, en plus de confortables fauteuils, d'une télé et d'une radio, la bibliothèque familiale.
Et Tyler n'avait de toute évidence pas sa place ici. Sa présence dénotait avec la tranquillité et le sentiment de sécurité de l'endroit. Il était fort car rien qu'en se tenant debout devant la télé, il détruisait à jamais la beauté de la pièce.
Restant un instant silencieux en l'observant, Tom était incapable d'agir. Il ne savait pas quoi dire au garçon qui venait de voir son père se faire arrêter. Au garçon qui venait de le frapper. Au garçon qui le rackettait. Il n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire. Alors il resta là lui aussi, les bras ballants, attendant que quelque chose se passe, quelque chose qui clarifierait cette situation des plus étranges.

The Kids aren't alright

  La seule idée de se retrouver encore une fois dans un foyer le révulsait. Il y avait déjà été placé par le passé à la mort de sa mère et il avait détesté sans doute parce que ça lui rappelait la fois où elle s’était rendue avec lui et son frère dans un foyer pour femme battue juste avant sa mort. Ils y étaient restés pendant 3 semaines, Tyler se souvient qu’il était ravi d’avoir enfin sa mère pour lui tout seul. Certes la pièce était petite mais il y a avait deux lits superposées et Brad et lui avaient eu le droit de dormir dans celui du haut ! Il pensait à tort que tout allait s’arranger mais en fait non. Sa mère était retournée auprès de son mari et 3 mois plus tard, elle mourrait dans son lit dans l’incendie qu’elle avait provoqué elle-même en fumant et en s’endormant ivre morte… Son père avait été interrogé bien sur et eux placé dans un foyer… il avait détesté et n’avait pas quitté son frère d’une semelle, s’accrochant à son bras comme un tique dont il était impossible de se débarrasser

Brad… une fois encore c’était auprès de lui qu’il avait envie de se réfugier en cet instant, pourtant à sa plus grande stupeur le secours ne vint pas de celui qu’il aurait aimé mais d’une personne inattendue. Il en ignorait la raison mais le couple Pea était persuadé qu’il s’occupait de leur fils dans leur école. Tyler était choqué par l’énormité de ce mensonge. Où avaient-ils vu ça ?! Qu’est-ce que Thomas avait pu leur raconter pour qu’ils en viennent à penser ça ?! Et puis quoi encore ? Il mourrait d’envie de s’en défendre pourtant ce mensonge allait lui permettre d’éviter le foyer, l’entretien avec la psychologue qui servait à rien et les flics.
Tyler n’arrivait pas à savoir s’il était soulagé ou catastrophé à l’idée de devoir passer la nuit chez les Pea, à vrai dire il n’arrivait absolument pas à réaliser ce qui lui arrivait. Encore sous le choc, il sentit la main de Mme Pea le pousser légèrement dans le dos. Refusant tout contact physique, il fit un mouvement d’épaule afin qu’elle le lâche puis les suivit docilement jusqu’à l’appartement de ses voisins. Une fois arrivé devant leur porte d’entrée Tyler ne put s’empêcher de jeter un regard sur le palier qui se trouvait à l’étage du dessus, juste haut des escaliers. C’était là qu’il vivait… c’était peut-être un taudis, mais c’était chez lui, c’était sa maison. Sentant une légère pression dans son dos, Tyler se dégagea à nouveau avec humeur avançant tout seul pour éviter qu’elle ne récidive une troisième fois et c’est ainsi que pour la première fois, il se retrouva dans l’appartement des Pea. Les yeux ronds de surprise, il  s’arrêta stupéfait à l’entrée de l’appartement. Il avait peine à croire qu’ils vivaient dans le même appartement que le sien tant cela n’avait rien à voir. Jamais il n’avait vu un appartement aussi joli et aussi bien rangé, même chez son frère ça ne ressemblait pas à ça, en fait ça ressemblait plutôt au taudis qu’il avait toujours connu. Les Pea possédaient tout ce qu’on pouvait rêver et un sentiment de jalousie à l’égard de Thomas le pinça douloureusement. Il se retourna alors que Mme Pea s’affairait à la cuisine pour leur préparer des crêpes. Des crêpes… il n’en n’avait mangé qu’une fois lorsqu’il était à la petite école et que leur maitresse leur avait fait un atelier cuisine… s’il ne se souvenait plus du gout que cela avait il se souvenait qu’il avait aimé, et s’il aurait dû être ravi à la perspective d’en gouter à nouveau, il n’en fut rien, car aujourd’hui, il n’avait vraiment pas faim. Son regard se posa ensuite sur Mr Pea qui quitta Thomas en leur annonçant qu’il partait récupérer sa petite sœur. Et lui dans tout ça ? Il se sentait mal, il avait la sensation d’étouffer, de ne pas être à sa place et enfin de compte c’était le cas, il n’avait rien à faire ici. Il mourrait d’envie de s’enfuir à toutes jambes de cet endroit trop bien pour lui mais il ne se sentait pas la force de passer une nouvelle nuit dehors, et aller se réfugier chez Brad était hors de question parce que c’était le premier endroit où les flics le chercheraient et cette fois ils l’amèneraient en foyer.

Se dirigeant vers le salon, il resta debout durant un instant immobile devant cette télévision inhabituellement silencieuse. Ce calme était… étrangement apaisant. D’ordinaire chez lui, elle était allumée du matin au soir, son père était avachit devant 24h sur 24 dans son fauteuil avec des canettes de bières qui fleurissaient autour de lui à foison. Son père… son ventre se tordit de douleur en songeant à lui. Finalement, il le savait bien qu’il n’y aurait pas de fast-food et pourtant il réalisait qu’il avait envie d’y croire, mais comme toujours avec son père, il lui faisait miroiter des attentes et des promesses qu’il ne tenait pas pour mieux écrabouiller ses espoirs, même si cette fois, ce n’était pas réellement sa faute. Qu’est-ce qui allait se passer à présent ? Est-ce qu’il allait aller en prison ? Si c’était le cas, il ne le pleurerait pas mais lui qu’allait-il devenir ? Allait-il être condamné à vivre ici ? Pourquoi ne pouvait-il pas aller vivre chez son frère ou retourner chez lui ? Il savait très bien s’occuper de lui tout seul après tout, il n’était pas un bébé, mais ça n’arriverait jamais. Soit son père revenait, soit on le placerait dans un foyer. Pour la première fois, et bien qu’il n’aurait jamais pensé dire ça un jour, il avait beau le détester, il réalisait que la présence de son père lui était indispensable, qu’il avait encore besoin de lui. Alors qu’il se sentait complétement perdu, et qu’il se retenait de ne surtout pas pleurer ici, il sentit une présence derrière lui. Se retournant, il aperçut Thomas Pea, et un sentiment de colère l’anima envers celui qui avait tout ce que lui n’aurait jamais

- Tu dois bien rigoler, hein ! Siffla-t-il suffisamment bas pour que personne d’autre ne l’entende, tout en le repoussant légèrement d’une main. Je suis sûr que cette situation t’amuses et que tu penses que c’est bien fait pour moi, mais ne te réjouit pas trop vite mon père va très vite sortir de prison et t'imagines rien, j’te dois rien du tout

La voix de Mme Pea provenant de la cuisine les invita à venir la rejoindre mais bien qu’il avait très envie de gouter ces fameuses crêpes, Tyler ne s’en sentait pas capable, l’odeur même qui flottait dans la pièce lui donnait envie de vomir. Constatant qu’il ne se sentait pas bien, Mme Pea le conduisit dans la chambre de Thomas, elle lui expliqua qu'il dormirait sur un petit clic-clac, qu'elle comptait installer au pied du lit de son fils, demandant à ce dernier de ranger un peu sa chambre pour faire de la place. Tyler n'écouta que d'une oreille distraite les directives de la maitresse de maison, trop émerveillé de découvrir la chambre de son voisin. Des livres, des jeux vidéo, des jouets, une console.... Thomas n'était pas un enfant pourrit gâté mais en regard de ce que lui possédait, il trouvait que la chambre de son petit voisin avait tout de la caverne d'Ali Baba. Le jeune Lennox fut tiré de sa contemplation uniquement lorsqu'il sentit la main de madame Pea se poser sur son épaule. Elle avait eut beau l'appeler à trois reprises, il n'avait rien entendu mais le fait qu'elle le touche le tira immédiatement de sa rêverie. Se retournant vivement pour lui faire face, elle lui demanda s'il voulait monter chez lui pour chercher quelques affaires. Acquiesçant timidement, elle l'entendit proposer à Thomas de monter l'aider, ce que Tyler refusa aussi sec. Il n'était pas question que qui que ce soit de cette famille puisse voir le lieu dans lequel il vivait. Ça donnerait l'occasion à Thomas de pouvoir bien se moquer de lui, et ça il ne pouvait le supporter, mais de toute évidence Mme Pea se moquait bien de son opinion et était décidé à ne pas le laisser seul.

Thomas sur les talons, il monta les escaliers en trainant des pieds avant d'ouvrir la porte, rouge de honte. Rien n'avait changé depuis ce matin, on avait peine à croire que son père n'était plus là, même la télé fonctionnait encore. Il se dirigea vers le salon pour l'éteindre, piétinant quelques journaux et vieux t-shirt sales qui trainaient par terre. Il ramassa les bouteilles de bières vides qui trainaient sur la table à coté du cendrier pour les mettre dans les poubelles. Alors qu'il posait le tout dans la cuisine il vit le pack de bières entamé posé sur la table. Hésitant pendant quelques minutes il se dit que son père ne s'en rappellerait surement plus et en glissa deux dans son sac à dos, puis, il quitta la cuisine pour se diriger vers sa chambre toujours en gardant le silence et en évitant soigneusement le regard de Thomas. Dès qu'il ouvrit la porte, il aperçut la bouteille de Vodka toujours présente sur le plancher de sa chambre. Passant à côté sans la ramasser, il balança son sac sur son lit défait, récupéra son pyjama, un sweat, un t-shirt, deux paires de chaussettes et des sous-vêtements. Puis il prit son oreiller et sa couette en plus qu'il balança sur le petit tas de vêtement qu'il s'était préparé. Il alla dans la salle de bain, récupéra sa brosse à dent, puis chercha un grand sachet de poubelle propre pour tout y balancer dedans en guise de sac. Commençant à se sentir un peu nauséeux, il porta la main à son front et constata qu'il commençait à avoir de la température. Après une bonne nuit de sommeil il irait mieux, songea-t-il. Soulevant le cornet de poubelle, il le relâcha presque aussitôt en grimaçant et en se tenant le poignet qui l'élançait douloureusement.

- Dégages ! Ordonna-t-il en repoussant brutalement Thomas d'une main. C'est rien, j'ai fait un faux mouvement allez, on s'casse

Trainant son sac derrière lui, il ferma la porte de son domicile à clé avant de rejoindre l'appartement des Pea où il aperçu une petite fille aussi blonde que son frère était brun courir se réfugier dans les jambes de sa maman dès qu'elle l'aperçut tout en serrant bien fort sa poupée.

- Allons ma chérie, n'ai pas peur, tu sais qui sait. Il s'agit du Tyler le voisin du dessus, je te l'ai dit, il va rester avec nous ce soir, tu lui dis bonjour

En guise de réponse la fillette ferma les yeux et secoua la tête de gauche à droite pour signifier qu'elle n'en ferait rien

- Kloe ! Gronda sa maman avant d'adresser un sourire à Tyler. C'est bon tu as trouvé tout ce qu'il te fallait ? Bien, je te laisse déposer tout ça dans la chambre de Thomas, tu sais où elle est à présent. Thomas, quand à toi ce n'est pas parce que tu as un copain à la maison que tu dois t'abstenir de faire tes devoirs. Tyler, il en est de même pour toi. Allez les faire pendant que je prépare le repas.




- Fais pas ci, fais pas ça, fais comme ci, fais comme ça ! Et ben franchement je suis bien content de pas avoir de mère ! Moi au moins mon père me laisse faire tout c'que je veux et il m'oblige pas à faire mes devoirs. Allez, pendant que tu obéis bien sagement à maman moi j'vais lire. File-moi tes comics !

Lui ordonna-t-il en essayant de faire le fier, de faire croire à Thomas que cette situation ne l'atteignait pas. Il sortit sa couette de son sachet t s'installa par terre tout en s'y enroulant à l'intérieur afin de se réchauffer un peu pour y feuilleter confortablement installé sans véritablement s'y intéresser un comics tiré des X-men. Levant son nez des pages dessinés, il jeta un regard vitreux sur cette chambre dans laquelle se trouvait tant de choses qui lui faisaient envie. Mais plus que tout, ce qui l'attirait, c'était de jouer au jeu vidéo, mais pour l'heure il était beaucoup trop fatigué pour ça, ce qu'il ne comprenait pas parce qu'il avait pratiquement dormi toute la journée chez Brad. S'allongeant en boule sur le sol il ferma les yeux durant un instant, ça irait surement mieux après mangé et ensuite il pourrait jouer

- T'as quoi comme jeu ? Marmonna-t-il avant de s'endormir sans entendre de réponse

C'est la voix de Mme Pea, les appelant pour le repas, qui le réveilla en sursaut et lui fit comprendre qu'il s'était écroulé de fatigue. Complétement endormi, et frigorifié, il frotta ses yeux, tout en se levant péniblement de son cocon bien chaud. Grelottant, il attrapa son sweat en espérant se réchauffer un peu avant de rejoindre tout le monde dans la salle à manger. Alors que chacun des membres de la famille Pea s'installait à sa place autour de la table rectangulaire, Tyler resta debout durant un instant, ne sachant pas où se placer jusqu'à ce que le père de Thomas ne tire la chaise qui se trouvait à coté de lui et ne l'invita à s'y assoir. Une fois tout le monde installé Mme Pea leur servit un délicieux rôti dont la simple odeur était succulente  et attisait votre appétit. Tyler n'arrivait pas à se rappeler s'il avait déjà eu une assiette aussi garnit, pourtant il ne toucha pratiquement pas à son assiette ce qui inquiéta quelque peu la maman de Thomas qui pensant qu'il n'aimait pas ce qu'elle avait cuisiné, s'était approché de lui. S'attendant à se faire frapper, il ferma les yeux et eut un léger mouvement de recul mais au lieux de ça, elle lui demanda simplement s'il voulait autre chose. Tyler lui jeta un regard surprit, se demandant pourquoi elle n'était pas fâchée, pourquoi était-elle aussi gentille avec lui ? Réalisant qu'elle attendait toujours une réponse à sa question, il baissa le regard sur son assiette. Hier encore il se serait jeté dessus pour se goinfrer jusqu'à s'en faire exploser la pense mais aujourd'hui, ça n'allait vraiment pas, il se sentait vraiment mal.

- Pas faim.

- Pas étonnant que tu sois aussi maigrichon, il faut manger pour avoir des forces plaisanta le père de Thomas

- Chuis fatigué

- Ne le force pas s'il n'a pas envie, chéri. C'est normal, avait-elle dit en lui caressant l'arrière de la tête, ça ira mieux demain, je te laisse passer dans la salle de bain en premier si tu veux

Sans se faire prier davantage, Tyler se leva de table et se dirigea dans la chambre de Thomas pour y chercher son pyjama et un sous-vêtement propre avant de s'enfermer dans la salle de bain. Refermant la porte derrière lui, il entreprit de se déshabiller. Retirant son t-shirt, il regarda dans le miroir l'état de son dos. Les marques étaient toujours là mais elles commençaient à s'estomper. Grelottant, il enfila finalement son pyjama sans prendre la peine de se doucher, il n'en n'avait de toute façon pas la force puis, il retourna dans la chambre de Thomas et se laissa tomber sur ce qui serait son lit pour la nuit.



La nuit était tombée depuis longtemps et tout était calme dans la chambre, pourtant bien qu'épuisé, Tyler ne parvenait pas à trouver le sommeil, trop de choses se bousculaient dans son esprit. Suite à l'arrestation de son père, il se trouvait dans une famille qu'il détestait encore plus à présent. Leur bonheur familiale dont il se moquait lui faisait envie, et comble de l'ironie, il se retrouvait à partager la chambre de celui qu'il rackettait et martyrisait tout simplement parce qu'il le jalousait. Pourquoi avait-il tout et pourquoi lui n'avait rien ? La gentillesse avec laquelle la mère de Thomas s'occupait de lui, lui faisait plus de peine que de bien, car elle lui faisait prendre conscience de tout ce qu'il n'avait jamais eut et n'aurait jamais. Ici il se sentait mal, il ne se sentait absolument pas à sa place, tout ce qu'il voulait c'était rentrer chez lui. Après un sanglot étouffé, il repoussa sa couette et se leva du lit.  

C'était à prévoir, la première réaction de leur "invité" en réalisant qu'il n'était plus seul dans le salon, fut agressive. Oui, c'est ce que Thomas avait plus ou moins envisagé mais malgré ça, le petit garçon ne put s'empêcher de reculer devant le ton menaçant - et ce, même s'il restait un murmure - de son voisin. Alors qu'il brûlait de l'envie de le contredire, aucun mot ne parvint à sortir de sa bouche serré. Bien sûr que non que cette situation ne le faisait pas rire ! Tyler le prenait donc vraiment pour un idiot ? Il n'était pas assez stupide que pour railler son racketteur.
Sa mère ne lui donna pas le temps de vaincre ses peurs en les appelant pour qu'ils la rejoignent dans la cuisine. Malgré l'odeur appétissante - Mme Pea venait de terminer sa troisième crêpes et ne comptaient pas s'arrêter de si tôt, Tyler refusa de manger quoique ce soit. Elle le conduisit alors dans sa chambre, à la plus grande horreur de Thomas. Il n'aimait pas le fait que son voisin découvre sa chambre sans sa supervision, car sa mère lui avait donné la tâche de continuer à faire les crêpes. Sans parvenir à mettre des mots sur ce qu'il ressentait, il n'aimait pas le savoir dans son refuge, il n'aimait pas le regard qu'il imaginait que Tyler donnerait à son chez lui et aussitôt, une vague de culpabilité l'envahit. Il était bien méchant et égoïste de penser de la sorte.
Son calvaire ne dura néanmoins même pas le temps de la cuisson d'une seule crêpe. En effet, sa mère le rappelait pour qu'il accompagne "son ami" aller chercher des affaires chez lui.

Et c'était encore plus répulsif et terrifiant que le fait de savoir Tyler au milieu de toutes ses possessions.

Tom n'en avait jamais parlé à ses parents - et il savait qu'il aurait dû - mais il avait déjà eu des preuves que le père Lennox frappait son fils en plus de cette pauvre madame qui avait prévenu les policiers. Un jour, il avait déjà poussé Tyler dans les escaliers après une violente torgnole.
Tom n'avait pas réagit mais depuis lors, le dégoût qu'il avait depuis toujours quand il croisait Monseiur Lennox (qui puait tant) s'était transformé en profonde crainte. Et quand la porte se refermait sur le palier voisin, Tom ne pouvait alors qu'imaginer ce qui se passait à l'intérieur. Du coup, il n'avait vraiment pas envie de découvrir leur appartement.
Et pourtant, il n'avait pas le choix. Réticent et toujours silencieux, il suivit un Tyler bien décidé à l'ignorer.
C'est d'abord l'odeur qui le saisit par la gorge. Un odeur de tabac froid et de bière renfermé dans une pièce qui avait grandement besoin d'aération.
Alors que Tyler se dirigeait pour éteindre un télé qui fonctionnait encore, Tom resta planté un instant dans le salon, exact au sien si on oubliait le désordre, la puanteur et les crasses. Les bras ballants le long du corps, il réussit à marmonner un "Quessque jpeux fairepour taider?" mais soit Tyler ne l'avait vraiment pas entendu, soit il continuait à l'ignorer superbement. Se sentant profondément malpoli et pas à sa place ici, il suivit, la boule au ventre, son voisin vers sa chambre. Ce dernier n'avait même pas de sac convenable pour transporter ses vêtements, il utilisait un sac poubelle à la place !
Il ne dit rien en l'observant mettre une bouteille de vodka là dedans, qui se cogna à d'autres trucs de verres.
Pourtant, alors que Tyler lâchait dans une grimace ce sac de fortune, Tom s'avança vers lui sans réfléchir, main tendue que son voisin repoussa méchamment.

Résigné, Tom ne put que le suivre et l'observer trainer le sac par terre dans les escaliers. Qu'avait-il au poignet pour avoir été surpris par une douleur soudaine ?

-Voyons Tommy, qu'est-ce que c'est que ses manières de ne pas aider ton copain ? S'indigna sa mère en voyant les deux garçons revenir.  

Puis se baissant jusqu'à sa petite soeur, Khloe de cinq ans sa cadette, sa mère tenta de faire les présentations. Terrifiée, elle refusa de dire bonjour, ce qui fendit le coeur de son grand frère. Elle ne devait pas attiser la colère de Tyler ! Si un jour il s'attaquait à elle, Tom savait qu'il serait incapable de l'aider...
Baissant les yeux, Tom fit ce qu'on lui demandait de faire : ses devoirs. Il n'aimait pas ce qui l'attendait, des exercices de sciences. Il avait tout de même de bonnes notes dans cette matière mais n'aimait pas trop en faire.
Aussitôt dans sa chambre, Tyler ne se pria pas pour critiquer sa mère. Au moins, il ne dit rien sur Khloé ce qui était déjà ça de gagné.
Il lui donna ses quelques comics alors que, terrifié, Tom lui tourna le dos pour s'attabler à son bureau et sortir son classeur de cours.
Incapable de se concentrer, Tom priait pour que son "invité" ne déchire pas ses comics qu'il avait lu et relu et auxquels il tenait beaucoup. Mais apparemment, il n'était pas le seul à avoir des problèmes de concentration car Tyler lui-même lui demanda d'une voix qui ne ressemblait pas à celle qu'il avait l'habitude d'entendre, quels jeux vidéos il avait.
Posant son stylo sur à côté du cahier, Tom réfléchit vite pour lui faire un topo rapide et complet.

- Un jeu de tennis, un des Sims, un de...

Mais une respiration plus forte que la normale l'interrompit. Perplexe et toujours un peu craintif, il se tourna vers Tyler qui avait les yeux fermés, allongé sur le parquet de sa chambre, enroulé dans ses couvertures. Son torse montait et descendait à un rythme apaisé. Il dormait.
Abasourdi, Tom l'observa bien cinq minutes d'affilé. Comment faisait-il ça ? Tom ne parvenait jamais à trouver le sommeil avant deux à trois heures, retournant toujours ses problèmes dans son esprit. Et alors que son père était en prison et qu'il se faisait frapper par celui-ci, Tom l'envia un instant.

Grâce à la respiration calme de Tyler endormi, Tom put enfin se détendre un rien et se pencha sérieusement sur ses exercices. Ayant terminé, Tom, se la jouant ninja silencieux, s'empara du livre entamé qui se trouvait sur sa table de chevet et s'éclipsa de sa propre chambre pour rejoindre ses parents, en grande discussion dans le salon.

-Comment va-t-il ?

-Il dort profondément.

Les yeux de sa mère se mouillèrent alors de larmes. Ce n'était pas étonnant. Elle n'était pas assez forte pour supporter la peine des autres.

-Pauvre petit... Les policiers sont certains qu'il se fait battre par son père. Tommy, il ne t'en a jamais parlé ?

-Non, affirma-t-il, mal à l'aise.

Deviat-il avouer ce qu'il avait surpris un jour ? Etait-ce le moment ? Est-ce que c'était ce que voulait Tyler ? Incapable de répondre à ces questions complexes, il préféra se taire, pourtant terrifié de prendre la mauvaise décision.

-Comment c'est chez eux ? Questionna son père.

Tom revit la vision du véritable taudis qu'était l'appart voisin.-, pourtant si semblable au leur. Il haussa les épaules, restant évasif.
En soupirant lourdement, comme si elle portait toute la misère du monde sur ses épaules, sa mère se leva du fauteuil pour aller préparer le repas.
Son père resta silencieux,, perdu dans ses pensées, ce qui ne dérangea pas Thomas, à nouveau replongé dans son bouquin du moment.

***

Le repas fut une aussi grande réussite que le goûter. Tyler réagit de la même manière, refusant de manger le repas. Ca commençait vraiment à ressembler à de l'impolitesse mais ses parents ne firent aucune remarque, l'autorisant même à aller le premier utiliser la salle de bain.

-Qu'est-cequ'il a le garçon ? Il est malade ? Demanda alors la voix fluette de sa petite soeur.

-Non, il est surtout très fatigué. Il a vécu des choses  difficiles alors son esprit doit...reprendre des forces, expliqua son père.

Klhoé, très attentive, hocha la tête, ce qui fit sourire Thomas. Le dîner familiale se déroula alors autour de ce sujet, tandis que l'éclat de leurs voix était le même que s'ils avaient été à l'hôpital au lit d'un mourant, respectueux.
Tom aida sa mère à mettre les assiettes sales dans le lave vaisselle et retourna lire un peu avant de rejoindre à son tour la chambre.
Tyler ne dormait pas. Silencieux, Tom se faufila dans son lit mais ne trouva pas le sommeil lui non plus.
Devait-il lui dire quelque chose ? Mais quoi ? Il prenait tout mal. Et tout ce qu'il dirait pourrait se retourner contre lui. Ou pire, contre sa famille. Tyler avait son grand frère qui avait un gang de voyous...

Toujours perdu dans ses pensées alors que le sommeil commençait doucement à arriver, un bruit bizarre l'empêcha de plonger enfin dans les bras de Morphée. Par réflexe, Tom alluma sa lampe de chevet pour retrouver Tyler, debout dans sa chambre, aussi pâle qu'un vampire.

-Qu'est-ce que tu fais ? Marmonna Tom en se redressant, perplexe.

Est-ce qu'il allait voler des trucs chez eux ? Attaquer ses parents ? Sa soeur ? Ou simplement faire une fugue de son foyer momentané ?
Tom devait rester vigilent, bien qu'il sentait le peu de courage qu'il avait déguerpir aussi vite en croisant le regard de Tyler.

The Kids aren't alright

  D’avoir dormi quasiment toute la journée l’avait tenu éveillé une bonne partie de la nuit, mais il n’était pas le seul dans ces conditions, car bien qu’il ne bougeait pas ni ne prononçait le moindre mot, il savait avec certitude que Thomas ne dormait pas non plus, et c'était sans peine qu'il en imaginait les raisons. Comment le si innocent petit Pea pourrait dormir sur ses deux oreilles en sachant qu’une brute comme lui se trouvait dans sa chambre, il devait même être entrain d’en mouiller son lit. Si Tyler ne se sentait pas aussi mal, nul doute qu’il se serait amusé à le martyriser cette nuit, pour le simple plaisir de le tourmenter.
Le fait d’avoir pioncé une bonne partie de la journée n’était pas la seule explication à son manque de sommeil. Ce qui le tenait éveillait c’était son mal de tête persistant, ses tremblement et son mal de ventre. Ça avait couvé toute la journée et il savait d'où cela venait, c’était dû à la nuit qu’il avait passé dehors en pyjama et pieds nus mais ce soir, l’arrestation de son père, et le fait de se retrouver ici, chez les Pea, avait fini de l’achever nerveusement malgré lui. Tyler tombait rarement malade, mais lorsque cela arrivait, ce n’était jamais à moitié. Lorsqu’il était affaiblit c’était comme si toutes ses tensions qu’il enfermait soigneusement au plus profond de son être se déversait en lui sans qu'il ne parvienne à l'en empêcher, le rendant vulnérable à tous les pires symptômes de la maladie. Ne se sentant pas bien, il éprouva le besoin de se lever, mais s’était sans compter son encombrant voisin qui ne dormait toujours pas et qui alluma sa lampe de chevet. Il n’était pas question qu’il le surprenne à être aussi faible et pathétique, pourtant il ne put tenir l’illusion très longtemps. Dès l’instant où il lui demanda ce qu’il fabriquait, Tyler fut prit d’un haut-le-cœur, plaqua sa main sur sa bouche et quitta la chambre sans prévenir pour foncer en direction de la salle de bain. Malheureusement son estomac n’attendit pas qu’il atteigne les toilettes et à peine avait-il atteint le seuil de la salle de bain qu'il rendit le peu qu’il avait dans l’estomac, aspergeant au passage l’entrée de la pièce. Flageolant, incapable de se tenir debout plus longtemps il se laissa tomber à genoux sur le sol froid. L’odeur de son vomi lui donna un nouveau haut-le-cœur qu’il fut encore une fois incapable de retenir.
Son raffut avait bien évidemment fini de réveiller tout le reste de la maisonnée et la lumière du couloir suivit de pas précipités lui firent comprendre, sans avoir à se retourner que les parents Pea allaient arriver. Tyler senti alors les larmes lui monter aux yeux. Il avait tout dégueulassé, ils allaient le tuer.

- Pardon, j’voulais pas, bafouilla-t-il terrorisé… chuis désolé, chuis désolé !!

Fiévreux et nauséeux, bien trop affaibli pour parvenir à bouger le corps en coton, assis dans son vomi, il se sentit être soulevé du sol par quelqu'un qui l'attrapa par les bras. Tremblant de froid, il sentit un gant de toilette humide passer sur son visage qui lui fit le plus grand bien. Suffisamment de bien pour le réveiller légèrement et comprendre qu'on voulait l'aider à retirer ses vêtements pour qu'il puisse se changer. Après avoir assuré qu'il allait mieux, il prit d'une main tremblante son t-shirt qu'on lui avait ramené. La dernière chose dont il se souvint s'était d'être parvenu à se changer avant que le trou noir ne l'envahisse.

Tyler avait passé une nuit agité alternant pleurnicherie et gémissement dans son sommeil, avant de se calmer aux premières lueurs de l'aube. Lorsqu'il battit péniblement des paupières pour ouvrir les yeux, la lumière du jour filtrait à travers les rideaux de la chambre, une chambre qu'il ne reconnu pas comme étant la sienne... où était-il ? Toujours emmailloté dans ses couvertures, il aperçu la silhouette de Mme Pea avant de sombrer à nouveau. Il était 14h20 lorsqu'il se réveilla pour la seconde fois. Il se sentait encore très affaiblit et fiévreux mais il pouvait malgré tout sentir une nette amélioration par rapport à la veille au soir. Son regard croisa celui d'une petite fille blonde qui était accroupie, penchée au-dessus de lui à le regarder dormir. Dès qu'il ouvrit les yeux la fillette se sauva hors de la chambre. La présence de Khloe lui rappela qu'il état actuellement chez les Pea et qu'il se trouvait dans la chambre de Thomas. Son père s'était fait arrêter à cause de l'autre pute qu'il avait sauté et qu'il avait rémunéré à coup de poings dans la tronche. Il se souvenait qu'il était tombé malade et qu'il avait vomi partout mais c'était bien là tout ce dont il se rappelait. Il resta éveillé une partie de la journée sans pour autant bouger de ses couvertures au creux desquelles il se sentait bien. Seul dans cette chambre avec ses pensées, ces dernières étaient parfois interrompues par les visites surprise de la petite blondinette qui ne s'approchait pas trop du moins jusqu'à ce qu'il découvre un dessin d'enfant prêt de son lit. Surpris il le regarda le dessin qui représentait deux garçon et une fillette blonde qui jouaient ensemble ballon. Jetant un regard en direction de la fillette il brandit le dessin dans sa direction

- Reprends-le

Joueuse l'enfant lui sourit tout en lui répondant négativement d'un signe de tête.

- C'est pour toi, lui dit-elle finalement en le pointant du doigt. C'est moi qui l'ai fait. C'est moi, mon grand frère et toi. Tu es content ?

- J'm'en branle, répondit-il avec indifférence

- ça veux dire quoi ?

Il se tourna surprit vers l'enfant avant de réaliser qu'en effet, vu son âge, il aurait été plutôt inquiétant qu'elle sache ce que signifie cette expression. Un petit sourire moqueur se dessina sur ses lèvres

- T'auras qu'à demander à ton grand frère quand il rentrera

Il imaginait déjà la tête que ferait ce pauvre Thomas lorsque sa soeur lui sauterait dessus pour lui poser la question fatidique. Il espérait sincèrement être réveillé pour assister à ça. Un Thomas rouge comme une tomate balbutiant dieu sait quoi en guise de réponse, cela promettait d'être un très grand moment. Il se mit à rire discrètement à cette simple idée, avant de se tourner sur le coté et d'apercevoir les comics que Thomas lui avait prêté la veille mais qu'il n'avait finalement pas lu. Il les prit et les feuilleta un peu avant de s'endormir.


Lorsqu'il se réveilla à nouveau une délicieuse odeur se mit à lui chatouiller les narines tandis que son ventre se mettait à hurler famine, lui rappelant douloureusement qu'il n'avait plus rien avalé depuis plus de 24h et que la faim commençait à le tirailler. Il ne se sentait plus aussi mal que la veille au soir, son mal de ventre et de tête avaient totalement disparu. Retirant ses couvertures il réalisa qu'il était en caleçon et t-shirt, hésitant durant un instant, il fini par sortir de la chambre sans oser en quitter le seuil. Dans la salle à manger les Pea mangeaient gaiement et Tyler les regarda sans oser se manifester jusqu'à ce que Mme Pea l'aperçoive. S'avançant vers eux à son invitation, il prit place à coté de son mari, comme la veille au soir et la regarda lui servir un plat fait à base de pâtes qui lui donnait très envie. Cette fois il vida son assiette sans se faire prier, c'était tout simplement délicieux et il se régala. Il en aurait bien mangé une seconde assiettée mais n'osa pas demander du moins jusqu'à ce que Mme Pea lui demande s'il en re voulait. Il faillit accepter mais se ravisa à la dernière minute

- Est-ce qu'il vous reste encore des crêpes ? Demanda-t-il en se triturant nerveusement les doigts sous la table

Les crêpes, hier il ne se sentait pas bien pour en manger mais aujourd'hui il le regrettait et espérait vraiment pouvoir en gouter...


A la fin du repas, il retourna dans la chambre de Thomas mais cette fois-ci, il n'avait absolument plus envie de dormir. Assis sur son lit, il demanda à Thomas de lui montrer les jeux vidéos qu'il avait. En entendant les trucs pourris qu'il possédait Tyler ne pu s'empêcher de grimacer tout en râlant après lui d'avoir des jeux aussi nuls. Lui qui avait enfin l'occasion de pouvoir jouer à des jeux vidéos voyait son enthousiasme être douché en se retrouvant avec le seul joueur au monde à n'avoir aucun super jeu d'aventure ou de baston. Tyler se sentait frustré d'avoir à sa disposition une console sans aucun jeu passionnant pour l'accompagner. La tentation étant cependant trop forte et il fini par se résigner à choisir le jeu de tennis en espérant que ce ne serait pas trop pourrit.

- Montre moi comment en joue et joues avec moi ! Ordonna-t-il

Comme il le redoutait le jeu était absolument soporifique mais ça ne l'empêcha pas de mourir à chaque partie très rapidement à cause d'un manque de pratique évident ce qui le gava très rapidement, mais refusant de se laisser mener par Thomas il persévéra jusqu'à ce Mme Pea leur fasse arrêter leur jeu, estimant qu'ils avaient assez joué pour la soirée. Pour la première fois, même si le jeu de Thomas l'avait énervé, il devait reconnaître qu'il s'était bien amusé.


Le lendemain, Tyler se sentit suffisamment en forme pour prétendre aller en cours. Après avoir dégusté un copieux petit-déjeuner les deux garçons quittèrent l'appartement et pour la première fois, en se retrouvant dans ce couloir, Tyler se souvint que tout ceci n'était pas sa vie, que ce n'était que temporaire... Il avait levé la tête pour observer la porte de son véritable chez lui. Pour le moment son père n'était toujours pas rentré, pourquoi ? Quand rentrerait-il ? Peu importait, cela finirait par arriver, tout ceci n'était pas fait pour durer. Redevenant presque aussitôt maussade, il avança en silence avec Thomas mais dès qu'ils tournèrent à gauche et qu'ils furent hors de vision de Mme Pea, il l'abandonna sans un mot et bifurqua pour emprunter une ruelle qui allait à l'opposer de celle qui menait vers l'école.


Ce n'est qu'en fin de journée lorsque la sonnerie qui retentissait annonçait enfin la fin des cours, que Tyler adossé contre un mur en briques sur le chemin du retour aperçu son jeune voisin qui tardait arriver.

- Ben alors t'en a mis du temps !! Lui reprocha-t-il. Allez dépêche-toi ! Regardes ce que je nous ai trouvé ! Fit-il en ouvrant son sac pour en sortir deux jeux vidéo et les donner à Thomas.

Le premier était un Assassin's creed et le second un jeu de course de voiture. Tyler avait passé la journée dans des boutiques de jeux vidéos d'occasion qui se trouvaient dans des petites ruelles de New-Phoenix. La console de Thomas était un peu obsolète, aussi, trouver des jeux vidéo qui lui correspondait limitait quelques peu le choix, mais il était parvenu à trouver ces deux jeux qui lui plaisait bien et qu'il était impatient d'étrenner. Bien sur, n'ayant pas les moyens de se les acheter, il avait été obligé de les chaparder. Ça n'avait pas été facile mais il y était parvenu sans se faire prendre.

- T'auras qu'à les garder, mais cette fois c'est moi qui gagnerait.

Alors qu'ils montaient les escaliers et qu'ils s'arrêtèrent devant l'appartement de Thomas prêt à entrer une voix désagréablement familière se mit à résonner dans le couloir derrière eux. Une voix qui le raidit presque aussitôt. Tyler ne pouvait plus parler, sa gorge était nouée et il se sentit transpirer de panique

- T'as assez emmerder les voisins, allez ramènes-toi ! Et sans attendre, l'homme disparu dans leur appartement.

Jusqu'à ce matin, en revoyant ces escaliers qui menaient jusque chez lui, il en avait presque oublié jusqu'à son existence, mais il ne pensait pas que la réalité le rattraperait aussi vite. Il aurait pu retarder encore un peu l'échéance en prétextant qu'il avait encore ses affaires à chercher, mais à quoi bon ? Cela n'aurait servi qu'à énerver le vieux. De plus, il n'avait aucune envie de rentrer dans cette maison, pour y voir une dernière fois ces occupants et ce à quoi il devait renoncer. Il le savait pourtant, il savait que cette vie n'était pas la sienne, qu'il n'était pas fait pour ça et qu'il n'aurait jamais du s'y habituer. Plus il gravissait les marches qui le menait jusque chez lui, et plus il en voulait à ces gens de lui avoir fait découvrir une nouvelle façon de vivre auquel il n'aurait jamais le droit. Sans un mot, ni même un regard, il claqua la porte de leur appartement derrière lui.

Tom, qui tentait de trouver le sommeil malgré les circonstances aussi exceptionnelles que contraignantes, alluma sa lampe de chevet dès qu'il entendit Tyler se lever.
Méfiant mais surtout, effrayé, il lui demanda ce qu'il faisait. Son voisin n'eut pourtant pas le loisir de lui répondre. Un haut le coeur lui fit placer sa main devant sa bouche et il fila vite fait hors de sa chambre. Un peu dégoûté malgré lui du bruit confirmant qu'il n'avait pas pu atteindre les toilettes, Thomas sortit à son tour de son lit pour aller le rejoindre dans le couloir. Malheureusement pour lui, il n'en avait pas fini et Tyler vomit une deuxième fois avec un spasme qui retourna l'estomac du plus jeune.
Son racketteur n'en menait pas large. Très pâle, il semblait complètement à l'ouest. Ne sachant pas trop quoi faire pendant ces quelques secondes, Tom resta planté là. Mais alerté par le bruit, ses parents firent à leur tour irruption dans le couloir, la mine très inquiète.

-Tommy va chercher la serpillière, lui ordonna sa mère, tandis qu'elle aidait Tyler à se relever et qu'elle le dirigeait vers la salle de bain.

Obéissant, Tom fit ce qu'on lui demandait. Et il n'attendit même pas la demande maternelle pour nettoyer, il le fit lui-même de bon coeur, bien content de ne pas se retrouver dans la même pièce que Tyler.
Pendant ce temps, son père, indécis, se tenait devant la porte ouverte de la salle de bain, si bien que Tom n'y voyait rien. Tout juste pouvait-il distinguer que Tyler était assit par terre et que sa mère l'aidait à se changer.
Ensuite, c'est son père qui se mit en action une fois l'adolescent propre. Il le releva et le porta à moitié jusqu'à son lit. Ses parents ne cessaient de se jeter des regards inquiets et Tom comprit que quelque chose n'allait pas car ceux-ci allèrent jusqu'à oublier de lui dire merci d'avoir nettoyer le couloir sans se plaindre.

-Tom, viens ici...ordonna son père, une fois que leur voisin était endormi.

Perplexe, et un peu effrayé d'avoir mal fait quelque chose, Tom suivit son père dans le salon. Bientôt, ils furent rejoint par sa mère qui avait fait le détour par la chambre de Khloé pour rassurer la petite fille, effrayée des bruits dans la nuit.
En nettoyant le vomis, il s'était peu à peu habitué à la lumière mais à présent, il sentait toute la fatigue pesée sur ses paupières bien lourdes.
Dans un murmure grave et rapide, sa mère, déjà dans tous ses états, lui demanda très vite.

-Est-ce que Tyler s'entend bien avec son père ?

Tom déglutit, mal l'aise. Il avait déjà été témoin d'une monumentale torgnole qui avait fait valser son voisin dans la cage d'escalier de l'immeuble.

-J'en sais rien, répondit-il, évasif mais sincère également, refusant de lancer de fausses accusations.

-Parce que...

-...Pour rien, la coupa autoritairement sa mère. Va te recoucher maintenant.

De nouveau, Tom obéit sans poser de question, pourtant un peu frustré que sa mère le prenne encore et toujours pour un petit bébé.
Leur fils n'était pourtant pas stupide et il n'y avait qu'une seule chose qui avait pu les mettre dans cet état : ils avaient vu quelque chose sur le dos nu de Tyler, quelque chose en rapport avec son père violent. Probablement des marques de coups.

Il se faufila sur la pointe des pieds dans la chambre, rassuré d'entendre la respiration profonde qualificative d'un véritable sommeil.
Ca serait donc ça qu'ils auraient vu ? Des coups sur le dos de Tyler ? Il se faisait battre alors ?
Son coeur battit plus vite. Il s'était toujours douté que la vie de son voisin ne devait pas être top entre son grand frère le voyou et son père qui puait tant. Il avait vu la saleté dans laquelle il vivait. Et il savait que sa mère avait été tué dans un incendie peu de temps avant qu'ils n'emménagent en face de chez eux.
Jamais Tom n'en avait voulu à Tyler d'être devenu son punching ball personnel. Il était simplement terrifié par sa silhouette. C'est tout.
Et maintenant ? C'est en tentant d'analyser ses pensées qu'il finit enfin par s'endormir à son tour au petit matin, malgré les gémissements de son voisin.

Le lendemain, il se réveilla plus tard que d'habitude et pourtant complètement crevé. Sa mère l'avait fait dormir une demi-heure de plus car elle allait le conduire à l'école.
Sur le trajet, ni l'un ni l'autre ne dirent quoique ce soit. Tom était trop fatigué pour sentir la gêne de sa mère qui cherchait désespérément quelque chose à lui dire mais qui, de toute évidence, ne trouvait pas.
La journée se passa très lentement pour le pré adolescent. Il faillit même s'endormir en cours de science et eut la honte de sa vie lorsqu'il comprit qu'il n'avait pas réagit à une question du prof.

A quatre heure, il chercha avec espoir la voiture de sa mère mais fut déçu de ne pas la voir. La fatigue aidant, il se sentit subitement très seul.
Trainant des pieds, certain que ses parents ne remarquaient même pas s'il était là ou pas, il marchait en regardant le sol.
Montant péniblement les marches, il ouvrit la porte pour être directement assailli par sa petite soeur.

-Tommy ! Lança-t-elle en le prenant dans ses petits bras.

Surpris mais heureux de l'attention, il lui donna un bisou.

-Dois t'demander un truc !

Ah, elle était là l'astuce ! Elle devait lui demander quelque chose, elle n'était pas venue l'accueillir simplement parce qu'elle était contente de le revoir.
Mais il perdit complètement son sourire quand elle lui demanda la signification de "Zmen branle". Rouge comme une tomate, Tom se racla la gorge.

-Euh...ça veut dire je m'en fous... je crois...

Pour une raison inconnue, les yeux de sa petite soeur s'humidifièrent et elle le planta là sans demander son reste. Il tenta d'ignorer le fait qu'il se doutait très bien de qui cela pouvait venir sinon, il n'aurait pas su comment faire pour gérer sa colère.
Sa mère l'accueillit enfin et lui indiqua que Tyler dormait encore et que donc, il ne pourrait aller faire ses devoirs (presque rien, mais tout de même) dans sa chambre.
Résigné, il alla les faire sur la petite table du salon, à côté de la bibliothèque. Dès qu'il eut fini, il se replongea dans l'univers du dernier roman qu'il était en train de lire et il fut bientôt appeler à table.

La peine de Kloé semblait s'être envolée et son rire communicatif détendit l'atmosphère tendue de l'appartement.
Tyler finit par les rejoindre, un peu hésitant.
Tom était incapable de dire s'il était content, fâché ou effrayé de le voir s'attabler avec eux.
Il avait en fait surtout peur de le voir dire quelque chose de déplacé qui choquerait non seulement sa mère mais également sa petite soeur. Mais il n'en fit rien à son grand étonnement. Il reprit même les crêpes qu'il restait en dessert et qu'il n'avait pas mangé la veille.

Après le repas, la fatigue heurta le petit garçon de plein fouet. Il se dirigea dans sa chambre mais, malheureusement, Tyler fit pareil et lui ordonna de jouer avec lui à son jeu de tennis (pourtant après qu'il lui ait dit à quel point ses jeux étaient pourris).
Balbutiant car encore peu habitué à prendre la parole en sa présence, Tom lui expliqua les diverses mouvements et coups du joueur. Et malgré la fatigue et son envie de ne pas gagner de peur des représailles, il pulvérisait à chaque fois son score. Il n'y avait rien à faire, Tyler était nul à ce jeu.
Un peu réveillé grâce à l'écran et l'action demandant concentration, Tom fut presque déçu lorsque sa mère vint les prévenir du couvre feu. Mais une fois dans ses draps, il s'endormit bien plus vite que la normale.

Le lendemain, Tyler se leva et décida d'aller avec lui à l'école. Pourtant, dès qu'il fut hors de la vue de sa mère, il tourna les talons sans un mot envers son voisin et disparu dans une petite ruelle, laissant un Thomas bien ahuris. La journée se passa plus vite que la veille, ne serait-ce que par son jeu mental d'éviter toute personne susceptible de lui poser des questions sur Tyler qui, selon la rumeur, dormait chez lui.

Lorsque la sonnerie retentit, Tyler l'attendait déjà. Derrière lui, une voix de garçon leur cria "Hééé bande de PD ! Vous dormez encore ensemble ce soir ?" mais Tom fit comme s'il n'avait pas entendu, espérant que ce téméraire n'allait pas retenter l'exploit en voyant que Tyler n'avait pas entendu.
Celui lui présentait en fait deux jeux où il se vantait d'être bien meilleur que lui.
Ils marchèrent en silence, Tom remarquant peu à peu qu'il commençait à s'habituer à cette silhouette - pourtant bien dangereuse - marchant à ses côtés.

Mais ils comprirent tous les deux que quelque chose n'allait pas en montant la cage d'escalier. La voix tonitruante du père résonnait dans l'immeuble et Tom vit le visage de Tyler se figé. Comme lui, il éprouvait beaucoup de crainte mais était également soulagé de connaitre que son sort serait de terminer la journée auprès de ses parents à lui.

Sans un regard pour lui où sa mère qui était sur le seuil, Tyler disparu dans son appartement avec sa brute qui lui servait de père.

Thomas ne su jamais que sa mère, déjà dépressive à la base, s'en voulu toute sa vie de ne pas avoir osé parler lorsque ce monsieur violent était venu récupérer son fils.
Il ne sut jamais non plus que son père tenta plus d'une fois de rassembler le courage nécessaire pour aller sonner chez eux.
En réalité, le Thomas qui deviendrait adulte pensera toute sa vie que ses parents avaient appelé les services sociaux mais que ceux,ci, débordés, n'avaient jamais fait suite à la plainte.
Alors qu'en vrai, trop terrifiés des conséquences de leurs actes, le couple Pea ne contacta personne et s'en mordit les doigts depuis lors et pour toujours.

The Kids aren't alright

  La voix qui avait résonné dans la cage d'escalier lui avait glacé les sang. Il n'avait dormi que 2 nuits chez les Pea et passé une après-midi dont il ne se rappelait pas de grand chose puisqu'il était dans le colletard les trois-quart du temps, pourtant sans s'en rendre compte il avait commencé à s'habituer à ce calme, à ne pas se faire frapper et à manger à sa faim. Qu'il était stupide ! Il savait pourtant que cette situation était provisoire et qu'elle n'était pas faite pour durer ! Il savait que son père finirait par rentrer et que sa vie reprendrait son court normale.
Lorsqu'il lui tonna l'ordre de rentrer sans attendre de réponse de sa part, Tyler entendit le lourd pas de son père regagner leur appartement et lorsqu'il ne senti plus sa présence dans le couloir, il leva la tête en direction de leur pallier sur lequel son père n'était plus. Il fut un instant tenté de retourner chez les Pea pour au moins récupérer ses affaires et surtout sa couette mais il connaissait son père et il savait que s'il le faisait trop attendre il allait déguster d'autant plus que ce dernier devait être de sale humeur après avoir passé pratiquement 48h en cellule. Sans un mot, ni même un regard pour Thomas Pea, Tyler avait gravis les marches des escaliers avec le même empressement qu'un condamné à mort. Lorsqu'il referma la porte derrière lui, le premier son qui lui vain aux oreilles fut celui de la télévision que son père avait rallumé.

- Va m'chercher une bière au frigo et ramènes tes fesses ici !

Se dirigeant vers la cuisine, Tyler posa son sac dans un coin de la pièce et ouvrit la porte du frigo qui était quasiment vide. L'adolescent prit la dernière bière et s'en retourna au salon. L'odeur de tabac avait envahit la pièce et son coeur se mit à cogner dans sa poitrine redoutant le moment où son père allait à nouveau lever la main sur lui, parce qu'il ne doutait pas une seule seconde qu'il comptait bien lui faire regretter dieu sait quoi. Affalé dans son fauteuil, regardant sans la regarder une émission quelconque, le vieux se tourna dans sa direction lorsqu'il le vit franchir la porte du salon. Tyler lui, tout ce qu'il voyait dans cette pièce c'était cette ceinture en cuire qui pendait sur le coté droit du fauteuil. Tyler se sentit trembler alors qu'il s'avançait douloureusement vers lui. N'allant visiblement pas assez vite à son goût son père lui saisit le poignet et le tira vers lui

- Qu'est-ce que tu as dit aux flics espèce de sac à merde ?!! Lui demanda-t-il en se levant de son fauteuil sa ceinture déjà en main

- Rien, j'te l'jure ! S'écria-t-il au sentant déjà les larmes lui monter aux yeux.

- Et aux Pea ?! Rien non plus ?! Tu m'prends pour un con espèce de sale cul terreux ?! Tu crois vraiment que je vais te croire ?!! Hurla-t-il en abattant sa ceinture en cuir sur son dos.

- J'te l'jure, j'leur ai pas parlé, c'est qu'des cons j'te promet !

- Files-moi tout d'suite ce que tu leur as ch'taré ? Ils sont pétés de tunes, un sale petit voleur comme toi leur a forcément volé du fric ! Fais tes poches ! Tout de suite !!

Obéissant, d'une main tremblante, il n'en sorti que 5 cens pour toute richesse. Furieux, son père l'accusa d'avoir tout dépensé et abattit sa ceinture pour lui cingler le dos, les épaules, les jambes et les fesses. Les coups pleuvaient et durant tout ce temps les mots « petite merde », « bon à rien », « fils de pute » jaillissaient de sa bouche. Il n'en pouvait plus, il avait tellement mal et tellement peur, tout ce qu'il voulait c'était juste mourir et échapper à ce supplice quotidien pour toujours, mais ses prières n'étaient jamais exaucés. Peu importait le nombre de fois où il s'était retrouvé à la merci de la ceinture de son père, peu importait la gravité de ses blessures, il était toujours en vie. Pourquoi ? « Les mauvaises herbes ne meurt pas comme ça », avait pour habitude de dire son père.
Il finit par s'arrêter et Tyler se mit à trembler compulsivement son dos et ses jambes le brûlant de douleur. Lorsque son père lui ordonna de dégager, il ne se fit pas prier et fila dans sa chambre où il se pelotonna sur son lit, recroquevillé sur lui-même pleurant à chaude larmes. Sa couette, chaude et rassurante dans laquelle il aimait se réfugier lui manquait terriblement en cet instant...

- Tyler !!! Beugla son père quelques temps plus tard, alors qu'on sonnait à la porte.

Se traînant hors de son lit, ce dernier fila rapidement jusqu'à la porte d'entrée avant que le visiteur ne vienne à s'impatienter en sonnant une seconde fois, ce qui aurait pour conséquence d'énerver à nouveau le maître des lieux. Il passa ses mains sur ses yeux rougis et ouvrit la porte. Face à lui se tenait Mr Pea qui resta durant un instant sur le seuil de la porte sans mot dire, visiblement indécis avant de lui tendre ses affaires qu'il avait réunit dans un très beau sac qui ne lui appartenait pas.

- Tu peux le garder, lui avait-il dit gentiment en posant une main compatissante sur son épaule.

Tyler avait tressaillit à son contact parce qu'il détestait qu'on le touche mais aussi et surtout parce que le père de Thomas venait de poser sa main sur l'un nombreux hématomes que venait tout juste de lui infliger son père. En guise de remerciement, il vida ses affaires sur le sol du couloir avant de balancer le sac dans la cage d'escalier et de refermer la porte derrière lui sans un mot. Abandonnant sa brosse à dent et son pyjama qui se trouvait sur le sol du couloir, il récupéra le seul bien auquel il tenait vraiment : sa couette.  

La nuit était tombée lorsqu'il traversa le couloir du salon pour y chercher son pyjama qu'il avait abandonné un peu plus tôt dans le couloir et qui avait soigneusement été lavé et repassé par Mme Pea. Au passage, il en profita pour récupérer son sac d'école qu'il avait laissé dans la cuisine après avoir cherché la bière que son vieux lui avait réclamé. Filant directement dans sa chambre il s'asseya sur son lit et en ouvrant son sac de cours eut la surprise de constater qu'à l'intérieur se trouvait l'un des comics X-Men de Thomas qu'il lui avait emprunté pour s'occuper durant la journée. Il pensait le lui rendre ce soir, mais finalement, il n'en n'aurait plus l'occasion. L'espace d'un instant il songea à le laisser dans son sac pour le lui rendre le lendemain, mais au moment de le glisser à nouveau à l'intérieur il se ravisa. Pourquoi le lui rendrait-il ? Il en avait tellement il ne remarquerait sûrement pas qu'il avait disparu de sa pile, et puis il ne le méritait pas. Décidé à le garder, il le sortit de son sac à dos et se leva de son lit pour se diriger vers son armoire. Dans le fond de cette dernière, il avait démonté une planche sous laquelle il pouvait y dissimuler à la vue de son père ses trésors, les choses à laquelle il tenait véritablement et que son père, s'il venait à mettre la main dessus, se ferait un plaisir de lui jeter, juste pour lui faire du mal. Oh bien sur il n'y avait pas grand chose dans cette cachette, de toute manière, il n'en n'avait pas la place. On pouvait y trouver une balle de base-ball qu'il avait chaparder en cours de sport, un CD de Motley Crue que lui avait offert Bradley il y a deux ans, et à présent ce comics. Remettant tout en place, il retourna dans son lit. Son exclusion de trois jours de l'école venait officiellement de prendre fin, demain il retournerait en cours où une dure journée n'allait pas manquer de l'attendre comme toujours.


La cloche sonna pour signaler la fin des cours et alors que Tyler accompagné d'Elias s'apprêtait à sortir pour attendre Tallin et traîner en ville, une voix désagréable l'apostropha. Mu par un très mauvais pressentiment, Tyler s'arrêta et se tourna en direction de Mace et de ses deux copains portoricains. S'il n'était pas surprenant de les voir ensemble ce qui l'était un peu plus c'était de voir Thomas Pea à coté d'eux.

- Ben quoi Lennox, ça y est c'est déjà fini ? Tu dors plus avec ton petit chéri ce soir ?

Sentant le rouge de honte empourprer ses joues, il jeta un regard furieux sur Thomas. Pourquoi ce crétin avait-il crié sur tous les toits qu'il avait dormi chez lui ?!! Qu'est-ce qu'il s'imaginait ?!! Qu'ils étaient devenus potes ? Jamais de la vie ! Il se sentait à la fois en colère et humilié

- C'est moi qu'tu traites de pédale ? Lui demanda Tyler sur un ton menaçant tout en s'approchant de Mace prêt à en découdre et à sauver son honneur

- Tu crois jouer les durs, c'est ça Lennox ? C'est ça que j'ai devant moi ?

- Un gland qui parle ? C'est ça que j'ai devant moi ?

Se tenant juste derrière Tyler, Elias jeta un regard menaçant aux copains de Mace qui eut pour réaction de faire ricaner ce dernier

- Un arriéré qui chiale et 2 p'tit durs

- Non trois ! Intervint la voix de Tallin qui venait de les rejoindre

Tallin qui avait beau être une fille, n'en n'avait ni le comportement, ni l'apparence mais c'était justement cette différence qui lui plaisait chez elle. Elle n'avait pas besoin de savoir ce qui s'était passé, ni qui avait provoqué qui ou pourquoi. Ce n'était pas le genre de question qu'ils se posaient, aucun d'eux. Ils n'étaient que 3 gosses paumés qui avaient rejoint la bande de son frère et qui se soutenaient mutuellement. Leur amitié était une tactique de survie. Chacun d'entre eux trouvait du réconfort et de la sécurité dans leur relation. Ils étaient si liés qu'ils savaient qu'il n'y aurait jamais de trahison entre eux, pour la simple et bonne raison qu'ils ne possédaient rien d'autres que cette amitié. Et s'était d'autant plus vrai pour Tallin et lui qui vivaient exactement dans les mêmes conditions. Elias avait beau être son meilleur ami, Tallin et lui partageaient autre chose... Ni l'un ni l'autre n'avaient d'argent, de vélo, de jeu vidéo ou de vêtements neufs. Aucun d'eux ne connaissait la douceur d'un foyer et si personne n'en parlait, tous trois avaient parfaitement conscience que deux d'entre eux étaient régulièrement battus.  
Soutenu par ses amis, Tyler lava l'affront que venait de lui faire Mace en le traitant de tapette. Mace serait l'exemple à ne pas suivre ! L'exemple de ce qui arrivait lorsqu'on les cherchait que ce soit lui, Tallin ou Elias. Son frère c'était fait un nom dont il avait commencé à profiter mais Tyler voulait se faire un prénom et il comptait bien inspirer non pas plus, mais au moins autant, le respect que son frangin.

Trois adversaires pour trois autres adversaires. Tyler décocha une droite et manqua son coup, plus rapide, Mace le frappa au niveau de la hanche tandis qu'un deuxième coup le frappa à la mâchoire. Légèrement sonné, il lui fallu peu de tomber sur une borne d'incendie avant de se relever et de se jeter sur son adversaire. Ensemble tous deux chutèrent et Tyler réussit à le frapper à deux reprises au niveau de la mâchoire après lui avoir asséné un bon coup de coude sur le nez. Mace tenta de le frapper à son tour mais son coup manquait de puissance et avait été plus balancé en guise de désespoir que de rage ou de colère. Tyler en profita pour le frapper à nouveau à trois reprise avant de se relever et de lui asséner 3 autres coups de pieds dans les côtés pour faire bonne mesure en lâchant du « sale merde », « Crétin », « fils de pute ». Attrapant l'adversaire de Tallin qui se trouvait à califourchon au-dessus d'elle, par le col, aidé d'Elias qui en avait fini avec son adversaire, ils assommèrent à deux reprises celui de leur amie contre le muret qui se trouvait derrière eux avant de le laisser tomber. L'abandonnant sur le trottoir aux cotés des deux autres, Tyler s'approcha d'un pas menaçant vers Thomas et le coinça contre le mur.

- Ouvre-là encore une fois, racontes quoi que ce soit sur ce qui s'est passé ces dernière 48h et j'te jure que j'te bute ! C'est clair ?!


Tyler avait passé le reste de la soirée avec ses deux amis aux abords des immenses Tour Yaxley, après avoir chapardé de quoi manger au Centre commerciale. Ils avaient bouffé dans le parc en sa gratifiant de la bonne dérouillé qu'ils avaient donné à Mace et aux deux autres bouffons. En levant les yeux vers les Tours démesurés qui se dressaient devant eux Tyler se demandait ce que c'était que d'être un Yaxley. Ils étaient de véritables célébrités qui appartenaient à un monde tellement différent et inaccessible du leur…
Il était proche des 22h lorsque Tyler regagna leur appartement. Son père n'avait probablement pas du faire attention à son absence, en tout cas, il l'espérait. Il s'attendait à voir son vieux affalé dans son fauteuil au salon, comme toujours. S'il n'y était pas, c'est qu'il se trouverait à la cuisine et dans ce cas, il était préférable pour lui de détaller immédiatement dans sa chambre s'il ne voulait pas se prendre une nouvelle correction en s'entendant être traité de vermine ou de petite merde. Rien en tout cas, de ce qu'il s'était imaginé, ne l'avait préparé à se retrouver face à un tel spectacle.

Alors qu'il entrait dans son appartement, une main robuste le saisit par le bras et le poussa à l'intérieur de l'appartement. Un homme, qu'il ne connaissait pas referma la porte d'entrée derrière lui et se plaça devant, bien décidé à l'empêcher de sortir. Le coeur battant, et ne comprenant rien à ce qui se passe, un autre homme referma sa main sur lui et le tira dans le couloir pour l’entraîner dans sa chambre. Tyler avait eut beau se débattre il ne parvenait absolument pas à se dégager de son emprise, faisant augmenter en lui un sentiment de terreur lorsqu'une voix provenant du salon, se mit à résonner  

- Amène-le ici, qu'il profite du spectacle

L'obligeant à entrer dans le salon, Tyler se figea en apercevant son père à quatre pattes au milieu du salon, au pied d'un homme que Tyler ne connaissait que de trop puisqu'il s'agissait du proxénète de la mère de Tallin, un homme qui trempait dans pas mal d'affaires louches et qui se faisait appeler Silas.
La position que l'on occupait dans le quartier dépendait uniquement de la manière et de la rapidité avec lesquelles les représailles étaient exercées. S'il n'y avait pas de réaction, on était traité de couard ou de lâche, et lorsqu'on répliquait, plus on frappait fort, et plus on inspirait la peur et le respect. Silas était de ceux-là. Ce dernier asséna un violent coup dans les côtes de son père, Tyler fit un mouvement dans sa direction mais on l'en empêcha.

- Tu pensais vraiment que tu pouvais baiser ma pute comme ça, gratuitement et me la rendre amoché sans en payer le prix ? Tu pensais vraiment que j'allais lui demander de retirer sa plainte et te laisser tranquille sans qu'il y ait de conséquence ? Tu es stupide ou est-ce que c'est moi que tu prends pour un con ?

Silas, qui tenait une barre métallique dans sa main frappa son père à l'épaule, puis un second coup déchira sa peau sous son oeil droit tandis que le troisième coup frappa son bras droit jusqu'à lui en briser l'os. Le hurlement de son père le glaça d'effroi et les larmes s'écoulèrent sur ses joues alors qu'il le suppliait d'arrêter. S'il aurait pu se réjouir de voir le monstre tâter du bâton, il n'en n'était rien. Tout d'abord parce qu'il se voyait à la place de son père, ensuite parce qu'il ignorait ce que ces types comptaient faire d'eux, lui compris, enfin s'il tuait son père qu'adviendrait-il de lui ? Loin d'en avoir fini avec sa victime, les coups se mirent à pleuvoir et la barre de métal frappa ses cotes, ses bras, ses jambes en évitant toutefois de s'abattre sur sa tête. Lorsque le corps devint flasque, n'étant plus qu'un amas de chaire et de sang Silas fit signe à l'homme qui maintenait Tyler de le relâcher. Ce dernier tomba à genoux au chevet de son père et se retourna en direction de Silas

- Ton vieux à 2 semaines pour me payer les 700$ qu'il me doit et qu'il s'estime heureux que je n'en demande pas plus

Si Silas lui avait donné un hypercut cela aurait exactement le même effet sur lui que d'entendre que son père lui devait 700$ ! 700$ ?!! Mais où voulaient-ils qu'ils trouvent une telle somme ? Jamais il n'en n'avait possédé autant ! Comment son père avait-il fait pour se retrouver dans des dettes pareilles ?!! Le souffle coupé et les yeux exorbités de panique Tyler fixait son regard sur le truand, espérant avoir mal compris mais ce dernier se retira avec ses hommes en les laissant seul dans l'appartement. Tout était redevenu étrangement calme et seul la voix de la journaliste qui évoquait une poursuite en voiture dans les rues de New-Phoenix venait perturber le silence ambiant.


Deux semaines durant, Tyler avait pris soin de son père. N'ayant pas les moyens de faire venir un médecin ou de l'emmener à l’hôpital faute de couverture sociale, il avait soigné lui-même les plaies de ce derniers qui fut totalement immobilisé dans son lit pendant 3 longues semaines. Tyler était resté à son chevet pendant une dizaine de jours, veillant avec soin sur l'état de santé de son bourreau, changeant ses bandages et le nourrissant comme un enfant. Ce ne fut qu'en réalisant que l'échéance donné par Silas se rapprochait qu'il commença sérieusement à paniquer. Où allait-il pouvoir trouvé 700$ ?!! Il ne pouvait pas en parler à Brad parce que ce dernier ne ferait absolument rien pour l'aider et se réjouirait de cette situation, laissant à Silas le bon soin d'éliminer le monstre une fois pour toute sans songer une seule fois aux conséquences que cela aurait pour lui.

Contraint de se débrouiller par lui-même, il décida de vendre en premier lieu la télé de son père qui l'insupportait de plus en plus. Il connaissait un receleur qui pourrait le lui acheter pour une misère mais ce serait toujours ça de pris.  Cependant la seule idée de vendre ce à quoi son père tenait le plus lui noua l'estomac, il le tuerait quand il en serait capable… au pire, il pourrait toujours prétendre que c'était Silas qui l'avait embarqué en dédommagement, ce n'était sûrement pas son père qui irait lui demander des comptes. Satisfait de cette idée ainsi que de l'argent qu'il pourrait en tirer, il était surtout heureux à la seule perspective de ne plus entendre ce fond sonore du matin au soir.
La date butoir arrivant bien trop rapidement à son goût, Tyler n'était parvenu qu'à réunir 250$ sur les 700 réclamé par Silas. Pour se faire, il avait vendu la télé dont il n'était parvenu à retirer que 35 malheureux dollars le reste de la somme c'était aux différents vols qu'il avait commis qu'il devait d'être parvenu à réunir cette coquette petite sommes qui était pourtant loin d'éponger les dettes de son père. Il n'avait qu'une seule autre idée pour parvenir a régler la somme manquante et il espérait que Silas serait d'accord…

Cela faisait 15 jours, depuis que son père avait été passé à tabac par Silas lui-même que Tyler avait déserté l'école et que personne ne l'avait vu mais aujourd'hui il était de retour, il était même le premier sur place afin de guetter l'arrivée de Tallin. Dès que la jeune fille arriva il lui demanda de l'attendre après la fin des cours pour le conduire chez son protecteur. C'était la première fois qu'il laissait son père seul toute une journée depuis son agression, mais en théorie il devrait être capable de se débrouiller sans lui pendant quelques heures, puisqu'il avait pris soin de déposer près de son lit tout ce dont il pourrait avoir besoin : de l'eau, des anti-douleurs, un sandwich et un seau.
Cette journée se déroula à la fois beaucoup trop vite mais également beaucoup trop lentement à son goût jusqu'à ce que la sonnerie ne retentisse pour sonner la fin des cours. Alors que son principal l'interpella pour qu'il reste, Tyler l'ignora superbement avant de le gratifier d'un magnifique doigt d'honneur en quittant la salle de classe. Il n'avait absolument pas de temps à perdre surtout si c'était pour entendre toujours la même choses concernant ses absences à répétitions. Comme convenu Tallin l'attendait à la sortie de l'établissement et ensemble ils s'aventurèrent dans leur quartier jusqu'au repère de Silas...


Lorsqu'il regagna enfin son domicile, Tyler avait l'impression qu'on venait de lui retirer un terrible poids de ses épaules. Si ce matin il n'était sur de rien et redoutait sa confrontation avec cet homme qui détenait la vie de son père et la sienne par ricochet entre ses mains, à présent il se sentait intouchable car Silas avait accepté sa proposition…. Désormais, et jusqu'à ce que les dettes de son père soient réglés, il travaillerait pour lui. Silas avait besoin de gamins débrouillards et de confiance pour certaines de ses affaires. En général, il prenait les gosses de son âge pour faire ses commissions. Parfois, en fonction de ses besoins, Tyler devait passer chez lui après la fin des cours pour chercher un paquet et le déposer à une adresse précise qui variait en fonction des destinataires. Parfois il devait ramener quelque chose à Silas, parfois pas. Ce n'était pas un travail très difficile, ni très contraignant mais il pouvait s'avérer dangereux s'il était intercepté par des rivaux de Silas. Les flics il ne les craignait pas et Silas non plus. Certains touchaient un pot de vin, quand aux autres, ils ne pouvaient rien lui faire, il n'était qu'un gosse et c'était la raison pour laquelle Silas aimait employer des garçons de son âge. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il puisse faire, Tyler n'était qu'un enfant et son statut lui faisait bénéficier de plusieurs avantages et protection qu'un adulte arrêté dans la même situation ne pourrait jamais bénéficier. Jamais Silas ne pourrait tomber à cause de lui parce que jamais les flics ne pourraient faire pression sur lui comme ils pourraient le faire avec quelqu'un de majeur.

En rentrant chez lui, après avoir fait sa première course pour Silas, Tyler rendit visite à son père dans sa chambre qui lui reprocha d'avoir trop traîné pour rentrer. Sans lui parler de ce qu'il faisait désormais pour éponger ses dettes, de craintes que son père n'en profite pour les alourdir, Tyler alla préparer une soupe pour son père puis après que ce dernier eut terminé de la boire, il changea ses bandages. Sans le faire exprès, il serra un peu trop fort ce qui fait crier son vieux dans un long gémissement. D'abord effrayé, Tyler relâcha immédiatement le bandage avant de poser son regard craintif sur son père. Une mauvaise idée se mit à germer dans son esprit. Etait-ce le fait de travailler désormais pour un homme comme Silas et de se retrouver en quelque sorte sous sa protection qui lui donnait l'impression d'être invincible ? C'était fort possible, toujours est-il que dès cet instant, il avait décidé de faire souffrir son père le temps de sa convalescence. L'air de rien il ne prenait plus le moindre gants lorsqu'il devait s'occuper de lui, serrant plus que nécessaire les bandages de ce dernier, appuyant "accidentellement" sur ses cotes cassées ou désinfectant ses plaies avec l'alcool le plus fort qu'il puisse trouver,… entendre son père crier comme un goret qu'on égorge à chaque fois qu'il s'occupait de lui, et le voir gesticuler comme un ver qui se tortille, était devenu une véritable source de plaisir. Bien sur le vieux n'était pas stupide et il avait rapidement fini par comprendre que son jeune fils le faisait exprès malgré ce qu'il prétendait mais il ne pouvait rien y faire pour le moment. Tyler avait bien conscience qu'il lui ferait chèrement regretter sa bravade et son insolence mais il s'en moquait, de toute manière Tyler ne se faisait aucune illusion. Ce n'était pas en le soignant gentiment qu'il serait pour autant récompensé et que son père cesserait de le torturer, dès qu'il irait mieux son père le battrait à nouveau il n'avait aucun doute à ce sujet alors autant que ce soit mérité. Pour une fois qu'il pouvait lui rendre la pareille, il n'allait pas se priver d'avoir l'avantage sur lui. Un avantage qui dura 2 bons mois durant lesquels son père était obligé de s'en remettre à ses bons soins aussi douloureux étaient-ils. Il eut ensuite un mois de sursis en plus lorsque son père pu enfin se débrouiller seul pour changer ses bandages mais durant lequel il n'avait pas encore assez de force pour lui faire regretter d'être né. Trois mois durant lesquels, il se sentit pousser des ailes, qui le mettait d'excellente humeur, et qui en plus de son travail pour Silas, lui faisait gagner en assurance. Une assurance provisoire qui s'envolerait si tôt que la vie aurait reprit son cour,… et bien qu'il en avait parfaitement conscience, il ne désirait pas y penser.


Son sac balancé sur son épaule il referma la porte derrière lui lorsqu'il aperçut Thomas sortir de son  l'appartement pour se rendre à l'école. Dévalant les escaliers pour le rejoindre Tyler continua sa course après l'avoir dépassé, non sans l'avoir gratifié d'une bonne tape à l'arrière de la tête

- Grouilles-toi Pea ou tu vas être en retard à l'école ! Se moqua-t-il rieur

Durant ces trois mois, et bien que toujours dissipé et bagarreur, Tyler s'était montré un peu plus assidu dans ses cours même s'il lui était impossible de rattraper le retard qu'il avait cumulé tout le long de l'année. Le printemps était de retour, les jours s’allongeaient et tout ceci annonçait la fin prochaine des cours et la perspective de débuter les vacances d'été à traîner toute la journée dehors sans la moindre contrainte…

Thomas avait très mal dormi cette nuit là. Bien qu'il soit heureux d'avoir enfin récupéré sa chambre pour lui, il n'aimait pas savoir son voisin chez avec son ivrogne de père. Il était certain qu'il était en ce moment en train de se faire battre et Tom avait la boule des lâches qui regrettent mais qui ont peur au ventre.
Il ne pouvait rien faire si c'est parents eux-même avaient échoué...

Le lendemain, la journée de cours se passa sans incidents. C'est à la sortie que les choses se gâtèrent.
Mace, Rico et un troisième dont le futur éditeur avait oublié le nom l'entourèrent dangereusement. Fatigué de connaitre déjà ce qui allait se passer, Tom courba les épaules.

-Et ben quoi Pea ? T'es pas content que pour une fois d'autres personnes que ton ptit ami t'adresse la parole ?

Le trainant par le col dans le couloir, ils l'emmenèrent face à Tyler qui était entouré de ses deux seuls - mais fidèles - amis. Les insultes ne mirent pas longtemps à s'estomper pour une bagarre digne de ce nom. Le clan de Tyler parvint à avoir le dessus, malgré la non intervention du cadet.
Tom en effet, ne faisait que reculer, évitant de peu les coups perdus, ne parvenant pourtant pas à fuir la scène.

C'était à parier d'avance, une fois la bande de Mace mit hors d'état de nuire, Tyler, furieux, se précipita vers lui et le colla au mur.

-J'te jure que j'ai rien dit !

Il ne le rackettait pas assez souvent pour savoir qu'il n'était pas le genre à se vanter de ce qu'il faisait dans les couloirs ? Ne savait-il pas qu'en réalité, il était incapable de parler en public ?
Les trois mousquetaires disparurent et le laissèrent seul.
Tom prit alors enfin ses jambes à son cou et alla se cacher sur un banc solitaire du parc public. Là, à l'abri des regards, il éclata en sanglots, sachant qu'il ne pouvait plus retenir plus longtemps sa honte. Il se dégoutait. Comment pouvait-il se montrer si lâche ? Il savait ce que Tyler endurait, et pourtant il ne disait rien. Silencieux il restait. Il était incapable de faire la moindre des choses si ce n'est de lui pardonner les violences qu'il lui faisait subir.

Il se calma de lui-même et reprit aussi naturellement possible, le chemin de la maison.
Suite à cette altercation, il ne vit plus Tyler pendant plusieurs semaines. Mais Mace, honteux d'avoir subit la raclée de sa vie par son ennemi, ne se pria pas pour se défouler sur lui.
Pas si stupides qu'ils en avaient l'air, ils évitaient désormais son visage car cela leur avait valu le regard vigilent de l'éducateur sur eux. A présent, ils visaient les côtes. Les pieds. Et parfois même les mains.
Tom, lui, continuait de se taire. Ne se plaignait pas.
Il méritait ce qui lui arrivait et peut-être même prenait-il cette douleur avec un certain apaisement. Le karma sans aucun doute. Les coups et son silence l'aidaient à le décharger de sa culpabilité rongeante.
Bien sûr, ce n'était pas tous les jours. Bien sûr, parfois ce n'était qu'une petite bousculade, un petit croche pied.
Hier, ils avaient frappé plus fort et Tom avait dû cacher ses grimaces à ses parents. Il avait plutôt bien réussit mais, le lendemain, dans l'escalier, il ne pu dévaler les marches à toute vitesse, comme était en train de le faire Tyler qui, d'ailleurs prit le temps de le railler.

Il était donc toujours vivant. C'était une bonne nouvelle. Même s'il aurait préféré le savoir et ne plus jamais le revoir.
Il ouvrit la bouche, voulant délivrer le message que ses parents lui avaient confié dès qu'il reverrait le petit voisin mais aucun son n'en sorti.
Perplexe, Tom fronça les sourcils. Un véritable blanc lui submergea le cerveau. Il venait d'oublier et c'était déconcertant pour l'enfant qu'il était et qui n'oubliait presque jamais rien.

Haussant les épaules, il continua de descendre l'escalier en se tenant à la rampe, plus lentement que Tyler mais plus vite que lorsqu'il était seul.
Manquerait plus que ce dernier lui prenne son repas et la journée promettait d'être un véritable enfer. Bien fait pour lui.

 

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Don't want to wake up

Eliàs avait prit la mauvaise habitude de sécher les cours cette année. Il n'y voyait aucun intérêt de s'y rendre tous les jours. C'était venu comme ça. Un certain dédain pour toute l'institution scolaire. Les cours l'ennuyait, le système l'agaçait et il rêvait simplement de liberté. Au fond de lui, il y avait une sorte de créature malheureusement qui se lamentait. Il savait un peu pourquoi, mais redoutait même d'y penser un seul instant. Cette année, il avait adopté une attitude qui l'empêchait d'avoir à s'expliquer avec ses parents qui ne le comprenait plus. Il faisait le même rituel quand il s'apprêtait à le faire. Il se levait le matin, prenait son petit-déjeuner dans le silence avec sa mère qui tendait désespérément de lui faire sortir plus d'une phrase, mais ça n'arrivait jamais. A cette heure-là son père était déjà parti pour l'université où il travaillait, donc il n'avait pas besoin de jouer la comédie avec lui. Il s'enfuyait ensuite dans sa chambre, prendre son sac bourré de ses livres de cours et redescendait rapidement, pour éviter de croiser à nouveau sa mère, avant de prendre la porte. Parfois, elle le rattrapait pour lui donner un truc à grignoter entre les cours, mais elle n'arrivait pas toujours à le rattraper. Aujourd'hui, elle y était arrivée et il s'était retrouvé avec des biscuits et une pomme en guise de goûter. Elle avait tenté de l'embrasser sur le front, mais il s'était défilé avec dextérité avant de filer en direction de l'école. C'était au prochain carrefour qu'il partait en ville pour éviter les classes, mais cette fois-ci il croisa Tallin et Timmy qui allaient dans la direction opposée. Autant dire qu'eux avait décidé de se rendre à l'école aujourd'hui. En fait, il ne se rappelait pas que Tallin est raté un seul jour de cours. Elle semblait vraiment aimé l'école. Quant à Thomas c'était un petit génie, cours ou pas cours, il s'en sortait toujours. Un vrai crac. Timmy avait le même âge que lui, mais Tallin était plus jeune de deux ans. Ca ne lui faisait pas froid aux yeux, parce qu'elle était carrément imposante quand elle le voulait. C'est elle qui le vit en premier. Elle lui fit de joyeux signes de la main.

« Eliàs ! Est-ce que tu essayais encore de t'enfuir ?! Tout le monde va aller en cours aujourd'hui. Je suis même certaine que Bradley sera là. Tu vas t'ennuyer si tu ne viens pas. » Plaisanta la jeune fille.

Tallin ressemblait à tout sauf à une fille. Elle avait des cheveux coupé très court à la garçonne et était toute fine comme une brindille de bois. Ses vêtements flottaient un peu sur elle et semblait usagé, mais ils étaient propres et repassés. C'était déjà beaucoup pour elle, sachant qu'elle venait d'un milieu plus que difficile. Ils n'en avaient jamais parlé exactement, mais il savait que sa mère avait un travail particulier et que là où elle vivait, on n'allait pas pour se donner de grands airs au risque de payer les pots cassés. La jeune fille avait un franc parlé qui lui valait souvent d'être confondu avec un garçon malgré sa voix fluette. A côté d'elle, Timmy semblait tellement plus âgé. Le vrai nom de Timmy, c'était Timothée, mais personne ne se risquait jamais à l'appeler comme ça, depuis qu'il avait fait comprendre avec force à un élève des classes supérieures d'arrêter de le faire. Il n'osait jamais la voix et semblait faire preuve d'un flegme incroyable en toute situation. Il aimait les beaux vêtements et ne s'en cachait pas. Pourtant, lui aussi était le genre de garçon à avoir un côté rebelle. A la base, c'était une fréquentation de Bradley. Aussi surprenant soit-il, il était très proche de Tallin et passait plus de temps avec elle qu'avec quiconque dans le petit groupe de marginaux qu'ils étaient tous. Pour Eliàs , Timmy était une énigme, qu'il n'était pas certain de vouloir déchiffrer. Il y avait cette aura autour de lui qui vous empêchait de poser trop de questions indiscrètes. Eliàs se dit qu'aujourd'hui, il allait donc devoir faire l'effort d'aller en cours. Ce n'est pas qu'il ne pouvait pas rester seul, mais la lueur d'espoir dans les yeux de Tallin le forçait à aller dans son sens. Il pensait lui faire une faveur, alors même qu'elle savait très bien qu'elle pouvait le convaincre comme elle voulait. Il haussa les épaules et décida donc de les suivre. Timmy ne put s'empêcher d'en rire. Ce type semblait prendre tout à la rigolade. Il fallait espérer qu'il n'y aurait aucun examen à faire en classe, parce qu'il n'avait rien révisé. Quelle importance ça avait de réviser ? C'était la question à cent mille dollars qui lui trottait dans l'esprit.

« Pourquoi tout le monde va en cours aujourd'hui ? » Grogna -t-il un peu agacé de s'être laissé convaincre aussi vite.

« Peut-être qu'ils veulent avoir un diplôme. » Proposa Timmy toujours avec son sourire irritant. « Ou bien parce qu'il n'y a rien de mieux à faire. Dit toi qu'au moins on est tous ensemble. »

« Il a raison Eli ! Reste positif en pensant que nous serons tous ensemble. On pourra toujours sortir plus tard. » Ajouta gaiement Tallin qui semblait se réjouir d'aller en cours comme s'il s'agissait d'un du jour de noël.

La mauvaise humeur d'Eliàs ne pouvait qu'être douché par tant d'enthousiasme. Il avait beaucoup de respect pour Tallin. Il savait que sa vie était misérable et pourtant cette dernière semblait s'accrocher à de petites bulles de bonheur comme si ces dernières pouvaient lui apporter plus qu'un maigre réconfort. Il ne pouvait pas passer pour le triste sir pendant tout ce temps alors même que pour elle, aller à l'école était l'équivalent du plus beau des présents. Timmy n'ajouta rien, mais il avait presque l'impression que ce dernier lisait dans son esprit et voyait qu'il n'allait pas continuer à faire la tête bien longtemps. Merde, ce type pouvait vraiment être effrayant. C'était dans ces moments-là qu'il comprenait comment Bradley et lui avait pu devenir proches, alors que tout semblait les opposer. La grille de l'école se dessina devant lui. Au moins, il verrait Tyler. C'était au moins ça de gagner. Les professeurs allaient encore lui reprocher son retard, mais comme il arrivait toujours à s'en sortir plus ou moins dans les matières scolaires, on ne l'embêtait pas trop avec ça. Ou bien ils avaient simplement abandonné d'espérer obtenir quelque chose de lui. Son père passait son temps à lui dire que cela rendait une mauvaise image de lui et que cette image pourrait le poursuivre dans l'avenir. Pour son père, rien de plus important que le fait de faire des études. Sa mère était plus tranquille à ce sujet, puisqu'elle avait voulu poursuivre une vie de bohème et d'artiste en tentant de devenir actrice. Elle estimait que dans le domaine de l'art, les études n'étaient pas le plus important. Par contre les bagarres passaient beaucoup moins bien, car elle trouvait que cela faisait montre d'un grand irrespect. Pour ce point-là, ses deux parents avaient accordés leurs violons. Une fois dans la cour, Tallin leur fit un dernier signe de la main avant de se diriger vers sa propre classe, quant à Timmy il s'éloigna en sifflotant comme si l'école lui appartenait. Eliàs se résigna à se diriger vers sa propre classe, après tout il était arrivé jusque là donc il n'était plus question de reculer.

La cloche finit par sonner la fin des cours. A son bureau Eliàs souffla. Il avait réussi à s'en sortir sans aucune réprimande, bien qu'il eut droit à quelques regards noirs de la part de certains professeurs, notamment celui de mathématiques qui semblait véritablement penser qu'il gâchait son talent. C'était triste à dire, mais la seule réponse qu'il avait trouvé à lui répondre était de garder le silence. En fait, c'était sa réponse à tout, ces derniers temps : un silence ! Il ne parlait pas beaucoup et encore moins à ceux qui ne représentait aucun intérêt pour lui. En fait, s'il y avait une chose qui le perturbait un peu, c'était qu'il n'avait rien à faire de tout ce qui l'entourait au quotidien. Tyler n'était pas loin derrière lui. Tallin leur avait fait promettre de l'attendre avant de partir en ville. Eliàs se demandait si Timmy serait aussi de la partie, il semblait être l'ombre qui suivait Tallin partout. Enfin c'était l'impression qu'il en avait. Alors qu'ils avançaient vers la sortie, une voix apostropha son ami, Tyler. Eliàs ne comprit pas tout ce dont il était question, mais ce qui était certain, ce que Mace cherchait encore des ennuis. Ce type avait vraiment un problème à ce niveau-là. Il était entouré de ses deux gorilles portoricains, parce que comme tous les typse en manque de confiance en soi, il avait besoin d'être entouré pour se sentir exister. Pas trop éloigné d'eux, se trouvait le petit Thomas Peas. Eliàs ne s'intéressait pas trop aux gens. En fait, il avançait dans la vie comme s'il était dans une sorte de gros brouillard. Il accordait peu d'importance et d'attention à ce qui l'entourait. Les rares exceptions se comptaient sur les doigts de la main. Vu le regard furieux que Tyler jetait à Thomas, il ne fallait pas douter que ce dernier était concerné, de près ou de loin, par les paroles stupides de Mace. Eliàs soupira. On ne pouvait pas être tranquille ? Qu'est-ce qui lui avait pris de suivre Tallin et Timmy jusqu'à l'école alors qu'il aurait pu traîner dehors, sans croiser des idiots comme Mace.

Bien entendu, Tyler prit la mouche, ce qui était assez compréhensible. Eliàs se charger de dévisageait les deux clowns, derrière Mace, avec un regard noir, à la fois agacé de leur intervention, mais aussi parce qu'on ne laisse pas tomber un ami. Cela semblait faire rire Mace, qui se prenait vraiment pour un caïd. Il n'avait seulement pas tord concernant Thomas, parce qu'il doutait qu'il puisse être vraiment utile si la situation dérapait. Soudain Tallin fit son apparition, telle une héroïne de bande-dessinée. Elle avait dû voir la scène et n'avait pas hésité à s'interposer parce qu'il s'agissait de ses amis. Elle avait l'air d'un garçon fluet, mais elle n'hésiterait pas à se lancer dans la bagarre. Avec elle, ils étaient enfin à armes égales. Tyler décocha une droite à Mace et cela lança les hostilités. Eliàs se chargea d'un de ses lèche-bottes et Tallin alla s'occuper de l'autre. Les coups ne prenaient pas toujours, mais il avait une détermination à revendre et finit par avoir le dessus sur son adversaire. Tyler, qui en avait fini avec Mace d'une certaine façon, et lui-même finirent par aider Tallin qui se trouvaient dans une mauvaise situation avec son adversaire. Ils assommèrent à deux reprises celui de leur amie contre le muret qui se trouvait derrière eux avant de le laisser tomber. Enfin, ils allaient pouvoir se tirer d'ici et accessoirement avoir la paix. Eliàs ne rêvait que de cela depuis qu'il était arrivé en cours, ce matin. Tallin lui en devait une. Il n'était venu que parce qu'elle avait insisté. Pendant qu'il relevait Tallin et vérifiait qu'elle n'avait rien que des blessures légères, Tyler s'approcha d'un pas menaçant vers Thomas et le coinça contre le mur. Eliàs fermait les yeux sur ce genre de chose parce qu'il ne voyait pas l'intérêt de s'imposer et parce que Tyler était son ami et qu'il avait davantage sa loyauté que Thomas, qu'il ne connaissait pas vraiment et pour qui il n'avait pas de sentiment particulier. Tallin était plus vocale sur ce qu'elle en pensait et allait s'interposer quand Eliàs l'en empêcha :

« Laisse tomber ! Il en à besoin. Ne nous interposons pas, ça ne servira à rien et Thomas l'évitera à l'avenir. Ce qui ne peut qu'être une bonne chose pour tout le monde ici » Murmura Eliàs.

Tallin ne semblait pas être d'accord et elle se dégagea de sa poigne, tout en répondant sur le même ton :

« Je ne suis pas d'accord et tu le sais très bien. »

« Tallin, j'ai passé une journée de merde à l'école parce que tu as insisté sur le fait que c'était tellement génial et important. La seule hâte que j'ai, c'est d'aller en ville. »

La jeune femme n'était pas contente, mais elle laissa courir non sans jeter un dernier coup d'oeil à Thomas lorsqu'ils décidèrent de partir en ville. Ils avaient passé le reste de la soirée avec ses deux amis aux abords des immenses Tour Yaxley, après avoir chapardé de quoi manger au Centre commerciale. Muni de leur butin, ils s'étaient rendus dans le parc pour en profiter tout en sa gratifiant de la bonne leçon qu'ils avaient donné à Mace et à ces larbins. Ils ne se séparèrent que vers 22 heures. Lorsqu'il rentra à la maison, ses parents l'attendaient dans le salon. S'ensuivit une longue discussion ponctuer par l'agacement de son père et les larmes de sa mère. Il était question de son attitude et des changements qu'ils voulaient le voir faire. Eliàs ne les écouta que d'une oreille. C'était comme ça, depuis un moment. Il se fichait de tout autour de lui. Peu de choses avaient réellement une importance. Pour lui, la vie n'était qu'un chemin dur à traverser et se lever chaque matin était d'une difficulté incommensurable. Non pas parce qu'il était paresseux, mais parce qu'il y avait cet étau autour du cœur, incapable de s'en défaire, ni même de comprendre d'où cela venait. A la fin, il finit par rejoindre son lit et s'affaler dessus encore tout habillé de ses vêtements de la journée. Il contempla son plafond, comme s'il pouvait lire dessus la réponse à la raison pour laquelle rien n'avait de saveur ou d'odeur pour lui. Il soupira et resta dans cette position pendant une bonne heure avant de finir par s'endormir, la lumière encore allumé. Les scènes qui peuplèrent son esprit, durant son sommeil, étaient durs et particulièrement tristes. C'était les mêmes cauchemars chaque soir. Un film qui jamais ne s'arrêtait.

Pendant deux semaines, Eliàs n'eut aucune nouvelle de Tyler. Tallin semblait arriver à chaque fois alors qu'il faisait semblant de se rendre à l'école et du coup il se sentait obliger de la suivre. Quand Tallin n'était pas là, il tombait sur Timmy et son sourire agaçant qui semblait dire qu'il pouvait lire en vous ou bien, qu'il connaissait quelque chose que vous ignoriez. Quelque part, ils lui permirent de ne pas complètement perdre pied avec sa scolarité. Il croisa quelques fois Thomas, mais la scène qui s'était déroulé entre lui et Tyler, après le combat contre Mace et ses gorilles, n'était déjà qu'un vague souvenir brumeux dans son esprit et il continua à passer devant lui, sans le voir.


Ses parents pensaient qu'il était sur une meilleure pente, depuis quelques temps. En vérité, les choses étaient exactement les mêmes à la différence que Tallin et Timmy semblaient s'être désigné pour être ses gardes fous. Alors qu'ils marchaient, lui restant silencieux et les deux autres discutant de tout et de rien avec beaucoup d'entrain, ils furent rejoint par Tyler qui se dirigeait aussi vers l'école. Un peu plus loin derrière se trouvait Thomas. Tallin lui fit un petit signe pour le saluer aussi alors qu' Eliàs ne l'avait même pas remarqué. En vérité, les gens qui n'étaient pas ses amis, étaient comme invisibles pour lui.

« Qu'est-ce qu'on fait après les cours ? » Demanda Eliàs.

C'était un peu la seule chose qui lui donnait envie de tenir cette journée. Autrefois, il était un élève qui aimait l'école, mais depuis un certain temps maintenant, cela ne l'intéressait plus… En fait un tas de choses ne l'intéressaient plus et pour quelqu'un qui aurait connu Eliàs enfant, l'adolescent en face ne lui ressemblerait pas du tout et cette personne ne pourrait le reconnaître.