Blue-Ivy était rentré du repas de famille et ça ne s’était pas vraiment bien déroulé mais elle s’en était doutée.  Les années et les rancœurs n’avaient pas pu apaiser les choses. Elle avait bien vu que cela avait déçu sa mère et bien entendu son plus jeune frère.  Ryan lui en avait voulu de ne pas faire plus d’effort.  Elle avait de la peine pour lui et beaucoup de compassion pour les épreuves par lesquelles il passait par sa faute mais elle ne pouvait pas faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Non, Blue-Ivy ne regrettait pas d’avoir laissé derrière elle, son ancienne vie et cette famille auquel elle ne se sentait décidément plus si proche. Il y a avait trop de différence dans leur mode de fonctionnement et leur vision de la vie. Certes, Kansas City n’avait pas été la plus mauvaise des villes pour grandir mais les choses y étaient si différentes qu’elle avait un peu de mal à s’y sentir bien comme auparavant.  C’est pourquoi elle n’avait pas tardé à rentrer là où elle pouvait se sentir chez elle. Si pour sa famile, la savoir du côté des Inquisiteurs était une sorte d’aberration, Blue-Ivy ne pouvait cacher que la plupart des personnes qu’elle considérait comme faisant partie de sa famille de cœur, se trouvait être des Inquisiteurs.

C’était assez étrange de penser que Blue-Ivy Jagger qui avait grandi en tant qu’indépendante au milieu de sorciers et de non-sorciers est décidé de consacrer sa vie à fournir des armures anti-magie à ceux qui combattaient les sorciers. La vérité était pourtant terriblement simple que peu de personnes y pensaient.  La conceptrice d’armure ne voulait pas passer son temps à s’expliquer, les gens qui la connaissaient suffisamment savaient pourquoi elle les avait rejoints. Jusqu’à présent rien ne le lui avait fait regretter son choix. Il y avait tant à faire et à apprendre. Chaque jour lui donnait l’opportunité de faire mieux encore que la fois précédente. Dans l’entreprise pour laquelle, elle travaillait, on lui donnait la possibilité de travailler avec des matériaux de pointe et tout le matériel possible et inimaginable. Cependant, Caleb n’était pas un philanthrope et s’attendait quand même à avoir des résultats et donc par conséquence des bénéfices. Il fallait bien tout cela pour faire vivre Caldwell & Sons.  Mais pour le moment, il n’avait pas à se plaindre de son équipe. Il avait réunis les meilleurs sous le même toit. Dans cette atmosphère studieuse et pleine de challenges, Blue-Ivy s’épanouissait bien mieux qu’à Kansas City.

La maison était encore vide quand elle était rentrée. Matthew n’était pas encore arrivé. Elle était un peu déçue car elle n’aurait pas dit non à un petit câlin réconfortant mais, elle savait qu’avec son travail, on ne pouvait jamais prévoir quand il allait rentrer. Enfin savoir cela et l’accepter sans s’inquiéter était une autre chose. Il était presque l’heure de penser à faire à manger mais depuis le repas de famille, Blue-Ivy n’avait de goût pour aucune nourriture, à cet instant précis. Elle décida de sortir quelques plans et de plancher sur un problème que lui posait une des parties nécessaires à l’élaboration d’une des nouvelles armures prévus. Le boulot lui permettait toujours de se vider l’esprit. Dans sa sacoche, elle avait toujours son fameux bloc-note et deux trois idées jetés en l’air qui méritait d’être étudié. Darius se moquait toujours de son côté un peu old-school alors même qu’elle était capable de maitriser des technologies hautement performantes et pourtant elle continuait de noter tout ça sur du vulgaire papier avec un stylo. Elle n’avait pas toujours la bonne répartie pour l’envoyer baladé mais c’était devenu une vieille blague entre eux.

Elle s’attabla dans la pièce du salon et plongea son esprit dans de nombreuses et compliqués équations qui n’avaient du sens que si vous travailliez dans le même milieu qu’elle. Quand elle était à son travail, plus rien ne pouvait l’inquiéter ou la travailler que la résolution des problèmes ou la création d’armure.  Mais aujourd’hui ça n’arrivait pas à la distraire de tous ce qu’il se passait dans son esprit. Elle se repassait la scène en continue de son arrivé à la demeure familiale et de ce qui s’était passé par la suite. C’était loin d’être une réussite. Elle aurait mieux fait de rester  chez elle. En tout cas, ce qui était certain c’est que Ryan ne serait plus capable de l’attendrir juste parce qu’elle se sentait coupable envers lui. Il en faudrait un peu plus pour qu’elle retourne là-bas et ça ne serai pas avec des coups de fils incessant que sa mère qui parviendrait à rompre sa nouvelle résolution.

Elle repoussa les papiers sur la table et se dirigea vers la cuisine, toujours en pensant à e désastreux repas qu’elle avait partagé avec sa famille.  Blue-Ivy mise en marche la cafetière pour se faire une boisson chaude, histoire de se réconforter avec les moyens du bord. La machine se lança dans un bruit. Dire que Charles avait en plus invité son ancienne femme. Il était si désespérément ennuyant  qu’il ne pouvait pas en trouver une nouvelle ? Ce qui était agaçant chez Tabatha Sanders, ce n’était pas qu’elle soit une sorcière mais qu’elle était particulièrement antipathique. Ryan n’était pas de son avis mais Ryan croyait voir du bien en chaque personne. Elle se demandait vraiment ce qu’il avait pu trouver en la seconde femme de Charles. Ce dernier avait un goût désastreux en matière de femme. Mais ce n’était rien en comparaison de son second frère ainé. Celui-là lui tapait sur le système. Dire que son père avait accepté  cet idiot dans l’entreprise familiale alors qu’il lui avait refusé ça malgré ses supplications. La machine termina son vrombissement par un petit bruit pour indiquer que son café était prêt. Blue-Ivy était encore fébrile en pensant à son frère car quand elle voulut s’emparer de la tasse, elle ne la tient pas bien et celle-ci vint s’écraser sur le sol avec son contenu.

Elle contempla le café coulé sur le carrelage de la cuisine et se traita mentalement d’idiote. C’est alors qu’elle entendit la voix de Matthew. Il était rentré mais elle ne l’avait pas entendu car elle était trop prise dans toutes ses pensées pour avoir entendu la voiture arrivée. Elle était contente d’entendre sa voix. Ravie et rassuré de savoir qu’il était rentré. Elle n’aimait décidément pas ses excursions sur le territoire des Partisans du Nouveau Monde, même si elle comprenait pourquoi il s’y rendait. C’était comme ça et plus fort qu’elle. Elle avait les mêmes peurs en ce qui concernait son plus jeune frère. Qu’il ait décidé de tout abandonné pour rejoindre les Partisans après la soi-disant mort de Jordan en disait long sur les problèmes mentaux qui devaient avoir lieu dans sa tête. Elle n’avait même pas essayé d’aborder le sujet avec lui car il se refermait comme une huître dès qu’elle essayait d’en discuter. Elle regarda la tasse brisée sur le sol et haussa les épaules. Ce n’était pas grave ! Son plus grand réconfort dans a vie venait de rentrer à la maison et c’était plus important qu’une tasse bon marché cassé. Elle s’en occuperait plus tard. La jeune femme quitta la cuisine pour se rendre dans le couloir.


« Matt ! Je suis si contente de voir que tu es rentré ! » Dit-elle avec un grand sourire quand elle l’aperçu.

Elle s’avança vers lui et le serra dans ses bras, véritablement heureuse de la savoir là. La jeune femme se pencha vers lui et embrasse ses lèvres dans un court mais tendre baiser de bienvenu. Enfin, elle s’écarta et le guida vers le salon où, se trouvait encore toute sa paperasse étalée sur la table.  Elle les installa tous deux sur le canapé design qu’ils avaient acheté sur un catalogue en ligne. Whitney avait détesté mais elle adorait tout e qu’ils avaient choisi ensemble pour leur chez eux. C’était un mélange harmonieux de leurs deux personnalités et de leurs goûts parfois différents. En quelque sorte on y trouvait le genre d’harmonie qu’il y avait dans leur relation. Dommage que cette harmonie, elle ne puisse pas non plus l’avoir avec tous les membres de sa famille. Elle avait justement envie d’en parler à Matthew pour lui raconter comment cela s’était passé. Il avait été le premier à croire que ça pourrait s’arranger et elle avait presque fini par y croire mais la vérité c’est qu’il y avait trop de rancœurs et de non-dit chez les Jagger pour avoir une relation saine.


« Tu n’as pas eu trop de mal à rentrer ? Est-ce que tes élèves étaient contents de leur séjour … ? J’imagine que rien de mal n’est arrivé.  Je sais bien que tu m’avais dit de ne pas m’inquiétez mais  c’est plus fort que moi. » Plaisanta Blue-Ivy. « Je te proposerais bien de boire quelque chose mais j’ai fait tomber une tasse dans la cuisine et le résultat n’est pas particulièrement beau à voir. J’étais en train de ruminer le résultat de ce fichu repas de famille jusqu’à ce que tu arrives. »

Elle avait l'impression d’enchaîner les questions un peu trop rapidement. Elle était juste simplement heureuse de le revoir.

C’était bon de le savoir dans leur maison, leur chez eux. Certes ce n’était pas tout prêt de leur travail respectif mais avec la technologie à disposition, Blue-Ivy ne mettait jamais bien longtemps à rejoindre Bâton-Rouge pour aller à l’entreprise Caldwell & Sons. Whitney n’avait pas compris pourquoi elle souhaitait habiter aussi loin mais c’était quand même beaucoup plus pratique pour Matthew d’être à la frontière du territoire des Inquisiteurs et de celui des Indépendants.  C’était peut-être plus difficile pour sa meilleure amie de comprendre que dans un couple il faut savoir faire des concessions. En effet, même si Whitney était très chère à son cœur, il fallait quand même avouer que cela faisait un petit moment que cette dernière n’avait pas partagé la vie d’un homme. Enfin, la dernière fois elle avait semblé vouloir lui dire quelque chose à ce sujet mais elle avait encore filé bien vite sans préciser le fond de sa pensée.   Un jour, peut-être qu’elle lui dirait le fond de sa pensée mais ce n’était pas pour le moment.

Elle avait été amené Matthew vers leur salon et l’avait bombardé de questions comme toujours quand il rentrait d’un de ses voyages vers des territoires pas vraiment sûr. Il sourit et lui assura que ce voyage-là, comme tous les autres précédemment, c’était bien passé et avait été profitable pour ses élèves. La jeune femme admira sa dévotion dans son travail qui lui rappelait à bien des égards sa propre passion. Il était entier dans ses idées et voulait le meilleur pour ses élèves. Ce n’était pas un métier facile de s’occuper d’enfants. Il fallait à la fois leur donnée les connaissances nécessaires mais il y avait aussi un sacré travail de pédagogie à effectuer et aussi il fallait qu’il reste neutre dans la manière dont il enseignait. C’est dans cette optique qu’il faisait ses voyages vers les territoires des Partisans du Nouveau Monde. Même si cela allait à l’encontre de la vision des Inquisiteurs du monde, Blue-Ivy n’était pas entièrement contre. Après tout cela devait être un des restes de son éducation et du fait qu’elle avait grandis dans un lieu où seul votre choix guide vos actions.

« C’est plus fort que moi Matt. Je sais que tu fais attention, que tout ça est arrangé au millimètre près mais depuis la conférence pour la paix, il y a de sacré raisons de ne pas se sentir à l’aise lorsqu’on se trouve en présence des Partisans du Nouveau Monde.  Je ne dis pas qu’à chaque coin de rues, il y a un risque mais, il faut avouer que ma confiance dans la fiabilité du sentiment de protection qu’on peut avoir là-bas, n’est pas particulièrement haute. Mais tu peux me le répéter un tas de fois je risque toujours d’avoir peur pour toi. Ça aurait été pareil si tu m’avais dit te rendre près de la frontière des Mages Fondateurs. Je ne réserve pas ma méfiance uniquement aux Partisans du Nouveau Monde. »  Avoua Blue-Ivy à son fiancé. « Cependant si chaque fois que je te le dis ça se termine comme la dernière fois je ne m’en plaindrais pas. »  Ajouta-t-elle en lui faisait un clin d’œil.

Il est vrai qu’elle n’avait pas oublié l’instant intime qu’ils avaient partagé avant leurs départs respectifs. La jeune femme avait fini par lui dire que le diner familiale où elle s’était rendue n’avait pas eu un résultat particulièrement positif, en mentionnant qu’elle n’allait pas lui proposer quelque chose à boire après les dégâts qu’avait fait la tasse de café dans la cuisine. Il faudrait qu’elle nettoie ça mais, plus tard. Pour le moment ce n’était pas vraiment important. Matthew l’interrogea sur la raison de son sentiment par rapport au diner familiale. Il avait l’air triste. En même temps, il était plutôt proche de sa famille tandis qu’elle ne l’était pas vraiment. Même Ryan qui était son préféré, ne lui parlait plus autant qu’autrefois. Elle le méritait mais elle le regrettait aussi en même temps. Elle essaya de trouver les mots pour expliquer ça. La vérité c’est que rien n’avait changé. Le malaise de se retrouver à la maison n’avait pas arrangé les choses. Blue-Ivy avait eu l’impression  d‘être redevenu une adolescente mal dans sa peau. Pas vraiment un bon sentiment.

« Je ne sais pas Matt. Je pense qu’il y a trop d’histoires compliquées entre tous les membres de ma famille. Nous sommes une famille nombreuse et nous avons toujours vécu sous l’égide de notre père. Ce vieil imbécile n’est d’ailleurs pas au mieux de sa forme et le pire c’est que je n’arrive même pas à avoir mal pour lui. Je n’ai jamais pu lui pardonner d’avoir heurté ma fierté et de ne pas avoir pu m’apprécier à ma juste valeur. La même chose pour Charles. Mon second frère ainé est toujours aussi stupide. Un vrai mouton ! Quant à Ryan, je ne le comprends plus… Ce n’est pas la recette d’un diner parfait même si ma mère à tout tenté pour ça. En plus Charles avait invité une de ses ex-femmes. Le malaise… »  Expliqua Blue-Ivy « Franchement, je me sens davantage proche des gens que j’ai rencontré à Bâton-Rouge que de ma propre famille. »

Même si Matthew l’écoutait, elle avait l’impression qu’il était un peu ailleurs. Ca ne lui ressemblait pas. Elle se tue et l’observa, essayant de deviner ce qui n’allait pas. Il se racla la gorge, bougea sur le divan et tous ses signes semblaient confirmer qu’il y avait décidément quelque chose de pas net. Blue-Ivy fronça les sourcils et allait ouvrir la bouche pour lui demander ce qui se passait quand il la prit de court en lui annonçant qu’il avait quelque chose à lui dire. La jeune femme avait le cœur qui battait un peu plus fort. Ce n’est jamais une bonne chose quand la personne qui partage votre vie vous annonce qu’elle a quelque chose à vous dire. Il avait son regard plongé dans le sien et Blue-Ivy sentait que ce n’était pas une nouvelle sans importance qu’il allait lui annoncer. Il continua, cependant, en lui demandant si elle l’aimerait quoi qu’il puisse arriver. Cela la prit de court. Elle eut un rire nerveux comme si cela allait alléger l’atmosphère qui était soudain devenu assez lourde.

« Matt qu’est-ce qui te prend ?! »

Il reprit la parole et sur son visage on pouvait voir qu’il faisait face à des émotions conflictuelles. Il n’était pas le seul car Blue-Ivy avait vraiment l’impression d’être à un tournant alors même qu’il lui avouait qu’il avait quelque chose qu’il souhaitait lui avouer depuis longtemps. Matthew semblait désolé de ne lui avouer que maintenant et Blue-Ivy commençait à s’imaginer mille et un scénarios dans sa tête.  Plus elle y pensait et plus c’était des scénarios catastrophes. Elle essaya de se calmer et de se concentrer sur ses paroles mais de toute évidence ce n’était pas quelque chose qu’elle allait apprécier. On ne prend pas autant de pincette pour annoncer une bonne nouvelle. La jeune femme n’avait pas vraiment imaginé leurs retrouvailles ainsi mais elle se tenait prête face à la révélation qu’il souhaitait lui faire. Il était mal à l’aise et il bredouillait pas mal. Le reste de ses paroles arrivèrent en décalé dans la tête de Blue-Ivy comme si le son avait été mis sur avance lente. Blue-Ivy resta figée un moment incapable de penser concrètement.

Il y a des moments dans la vie où on a l’impression de se contempler de loin et de ne pas être soi-même. Aujourd’hui était un de ces moments pour la jeune créatrice d’armure. Elle avait entendu tous les mots et comprenaient leurs sens mais elle n’arrivait pas à émettre une idée. Il y avait comme une impression de flotter au loin et de voir la scène comme si elle était au cinéma. Il y avait son visage anxieux e figé. Celui de Matthew était à la fois suppliant et honteux. Moldus c’était le genre de mot qu’une partie de la population utilisait. Elle en connaissait bien le sens mais elle ne l’utilisait jamais comme toutes les personnes qui ne possédaient pas de magie. Il n’y avait que quelques personnes qui utilisaient ce mot. Elle hésita à y penser mais Matthew conclu sa révélation avec la vérité brut et nu : il était un sorcier ! C’est vrai, il n’y avait que les sorciers qui utilisaient ce terme dégradant qui semblait placer les non-sorciers sur une autre échelle de valeur. Mais ce n’était pas tellement ça le problème.  Le vrai fond de la chose c’était que Blue-Ivy avait entendu ça et qu’elle était incapable de réagir.

Elle se releva soudainement du canapé et se mit à déambuler dans la pièce sans dire un mot. Les mots tournaient dans sa tête sans fin. La jeune femme stoppa tout d’un coup son déambulement et contempla l’homme qui partageait sa vie et dont finalement elle ignorait encore beaucoup de choses.  Sa révélation avait tout d’une bombe. Matthew Robinson n’était pas du tout celui qu’elle connaissait. Il lui avait mentit sur une chose aussi importante ! Et sur quoi encore avait-il passé le silence ?! Elle ne pouvait pas le savoir. Il n’y avait aucun moyen de savoir ce genre de chose.  Plus elle y pensait et plus elle se rendait compte que ça avait tout d’un cauchemar.  Blue-Ivy voulu ouvrir la bouche mais là encore les mots étaient trop difficiles à prononcer. Elle allait peut-être se réveiller et tout ceci n’aurait été qu’un songe désastreux.  Ce n’était pas possible ! Il fallait qu’elle dise quelque chose. C’était juste complètement dingue.

« Un… un sorcier… Voyons Matt c’est ridicule. Tu ne peux pas… Ce n’est pas vrai ?... »  Balbutia Blue-Ivy toujours aussi choqué.

Elle s’agenouilla sur le sol près du canapé où il était assis et elle prit ses mains en contemplant son visage comme si la réponse à ses questionnements pouvait y être inscrite. Il avait toujours son regard presque suppliant. C’est ce regard qui la convainquit qu’elle n’était pas en train de dormir mais que le cauchemar était bien vivant. Elle se releva comme si son contact l’avait brulé. Sur son visage à elle on pouvait voir tout le cheminement de ses pensée : tout d’abord l’incrédulité, la tristesse, le désarroi e enfin la colère. Car oui, Blue-Ivy avait un tempérament de feu et parfois la peur ou la tristesse se transformait bien volontiers en colère chez la jeune femme. La colère était mauvaise conseillère mais elle permettait de repousser au loin des sentiments qui la rendaient vulnérable et elle l’était beaucoup en cet instant. Qui était Matthew Robinson ? L’homme assis dans son canapé semblait soudain être devenu une véritable énigme pour Blue-Ivy. A la lumière de sa révélation, la jeune femme ne savait plus démêler le vrai du faux.

Cette soirée semblait tourner dans une direction qui ne lui plaisait pas vraiment. Blue-Ivy n’avait jamais connu rien d’autres que la séparation en faction de son pays. Bien sûr, elle avait grandi à Kansas City sur le territoire des Indépendants, l’unique faction qui avait choisi de ne pas se mêler du grand désastre qui se déroulait depuis quelques temps aux Etats-Unis. Cela voulait dire que pendant une grande partie de sa vie, Blue-Ivy n’avait pas fait de distinction entre sorciers et non-sorciers. Certes, elle savait qu’ils étaient bien différents d’eux mais la politique de tous ceux qui vivaient sur un territoire indépendant était de faire comme si de rien n’était Ceux qui se passe dans le jardin voisin n’est pas de votre affaire et il vaut mieux ne pas trop s’interroger dessus. A l’école il y a des jeunes enfants qu’on ne revoyait pas et le bruit qui court disait qu’ils partaient dans une autre école où ils pouvaient développer les dons que les autres ne possédaient pas. Cela en rendait certains jaloux mais en ce qui concernait Blue-Ivy, elle ne ressentait aucun intérêt quelconque pour ce don que les sorciers avaient.

Sa relation avec les sorciers avait moins d’importance que celle qu’elle entretenait avec sa famille et avec sa passion. Ses jeunes années avaient davantage été rythmées par l’intérêt pour la création d’armure et la nanotechnologie que par les sorciers et leur magie. Sa famille n’avait pas pu reconnaitre son don et sa passion pour les armures. Elle avait voulu les rendre fière mais ils n’avaient pas besoin d’elle. Son père était un indiscutable misogyne et conservateur, quand à ses frères ainés, ils avaient trop de respect pour ce vieux fou que pour elle et avaient préférés taire leurs avis ce qui ne les avaient pas placés dans une bonne position dans le cœur de Blue-Ivy. Elle avait alors décidés d’aller chercher un autre endroit et d’autres personnes qui pourraient mieux l’apprécier et apprécie son talent. C’est Caleb qui était venu à elle dès qu’il avait appris qu’elle n’était pas en bon terme avec sa famille. Il lui avait fait une offre qu’elle n’avait pu refuser car elle lui permettait d’obtenir tout ce qu’elle avait toujours souhaité. La jeune femme avait accepté et elle s’était installée à Bâton-Rouge, la ville dans laquelle se trouvait l’entreprise Caldwell & Sons, son nouvel employeur.

Bâton-Rouge se trouve être la capitale du territoire des Inquisiteurs, la faction composé uniquement de non-sorciers et qui revendique la libération des Etats-Unis. Les inquisiteurs sont intimement persuadés que les sorciers ont pour but de prendre le pouvoir sur les autres humains. Ils sont ouvertement contre les sorciers et tentent de les détruire. Ils utilisent la technologie pour lutter contre la magie et ils ont constamment besoin de meilleures armes. En acceptant de travailler pour Caleb, Blue-Ivy avait accepté par la même occasion de rejoindre les Inquisiteurs. Travailler pour eux était stimulant intellectuellement. Grâce à l’argent de la compagnie et aux commandes des Inquisiteurs, Blue-Ivy avait à sa disposition le matériel et les technologies nécessaires pour mettre au poids des outils très sophistiqué. Avec son aide et celle des autres employés, Caleb avait réussi à faire de Caldwell & Sons une des entreprises d’armement les plus importante du pays. Cependant, même s’il est stimulant d’inventer de nouvelles technologies plus impressionnantes les unes que les autres, il fallait avouer que parfois Blue-vy fermait les yeux sur ce que signifie créer une arme : la mort d’un autre être.

La créatrice d’armure était d’accord avec les inquisiteurs sur le fait que les sorciers n’étaient pas tout blanc. Certains les vénéraient et voyait en eux le reflet des dieux passés. D’autres les aimaient pour leur magie et étaient envieux de leurs dons. Les événements récents avaient fini par montrer que les sorciers avaient en effet un mauvais fond. Entre ceux de Boston qui libéraient une magie non contrôlé et ceux des Partisans du Nouveau Monde qui avaient bâti un empire sur des fondations pourris et sur la mort, il était plus que d’actualité de remettre en question la nature bienveillante des sorciers. Voilà pourquoi, Blue-Ivy avait eu moins de remord à fournir les armes pour que les Inquisiteurs puissent se protéger de ces sorciers qui se croyaient au-dessus des autres et qui pensaient pouvoir faire ce que bon leur semble.

Après avoir vécu tant d’années avec les Inquisiteurs Blue-Ivy ne savait plus trop où allait son attachement. Haïssait-elle les sorciers réellement ou ne le faisait-elle que parce que son travail entrait directement en rapport avec leur meurtre ? Elle ne le savait pas vraiment et quand cette question la taraudait, elle se rappelait qu’elle n’avait pas vraiment besoin de se la poser. Ce n’était pas comme si elle était liée d’une quelconque manière à un sorcier. Le seul qu’elle n’avait jamais connu de vraiment près était l’ex-femme de Charles et comme elle ne pouvait pas la voir en peinture, elle savait qu’elle ne pleurerait pas vraiment si cette dernière venait à trouver accidentellement la mort par le biais d’une de ces armes. Jusqu’à présent la conscience de la jeune femme n’avait jamais eu à s’interroger véritablement sur son allégeance.

Mais aujourd’hui, il y avait un précédent. Bien qu’elle avait encore du mal à y croire. Ce soir-là, son fiancé, l’homme qui partageait sa vie depuis quelques temps déjà venaient de bousculer le château de carte qu’était sa vie et qu’elle croyait fait de ciment. Il n’était pas celui qu’elle avait cru. Il insistait sur le fait qu’il était un sorcier.
Elle était encore sous le choc de cette révélation. Dire qu’elle avait eu peur pour lui chez les Partisans du Nouveau Monde alors même qu’il était tout à fait capable de se défendre par le biais de la magie. Matthew, celui qu’elle croyait connaitre lui avouait tout d’un bloc. Il était tombé amoureux d’elle et avait donc décidé de faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Il lui parla de sa famille et de leur implication de près ou de loin à la magie. C ‘était trop d’information d’un coup. Blue-Ivy n’était pas certaine qu’elle voulait les entendre. Elle était encore tout à la pensée que la personne qu’elle aimait lui avait mentit tout ce temps sur son identité. C’était une douleur bien plus importante que de savoir qu’il était un sorcier. Elle lui avait accordé sa confiance et son amour et la voilà déçu par celui-là même à qui elle s’était promise. Il la suppliait de parler, de dire quelque chose, mais elle ne voulait pas. C’était trop à digérer. La colère bouillait en elle. Cette colère était la conséquence du sentiment d’avoir été bafoué et trompé par la personne qui avait toute sa confiance. Après cela comment croire encore en ce qu’il pouvait raconter. Ne se rendait-il pas compte que de ce fait elle ne pouvait plus accorder la moindre foi à ces paroles ? Comment pouvait-il croire que c’était une bonne chose ? Ce qu’il avait fait était une terrible erreur.

« Qu’est-ce que tu veux m’entendre dire ?! Tu m’as menti, pas une fois, pas deux fois mais continuellement pendant trop longtemps. Comment puis-je encore avoir confiance en toi. ? Tu as vécu à mes côtés tu as vu qui j’étais et cela justifie-t-il que tu m’ais caché pendant aussi longtemps qui tu étais réellement ?! » Elle avait voulu n’être que colère mais on sentait la tristesse dans ses paroles. C’était trop dur.

Elle le regardait assis sur ce canapé qu’ils avaient choisi ensemble. Ils devaient se marier et elle avait voulu croire qu’il ne lui présentait pas sa famille parce qu’ils ne voulaient pas d’elle alors qu’en fait il avait fait ça parce qu’il ne voulait pas lui avouer que lui et sa famille étaient des sorciers. Elle eut un rire nerveux, bouleversé par le court des choses.

« De toute évidence, nous ne savons pas qui est l’un ou l’autre. Tout n’était que mensonge. .. Je ne peux même plus croire que notre amour soit véritable dans ses circonstances. Qui es-tu réellement ? Tu n’es pas celui que je pensais être et de toute évidence tu ne sais pas non plus que je suis.» Dit-elle avec tristesse. « Dire que nous allions nous marier. Quelle folie… »

Blue-Ivy aurait voulu se réveiller de ce cauchemar mais, malheureusement ce n’était pas un de ces horribles rêves qui paraissent plus vrai que nature. Cette fois-ci, il s’agissait bien de la réalité : la sombre, dure et tragique réalité. Ce n’était pas tant qu’il soit sorcier qui plongeait la jeune femme dans cet état mais, bien davantage, le fait qu’il lui ait menti pendant aussi longtemps. Il n’aurait pas pu trouver pire moment pour lui avouer son secret et lui annoncer que depuis le début, il l’avait guidé dans une fausse direction. Il savait pourtant à quel point la franchise et l’honnêteté étaient importantes pour elle. Cependant, au vu de ses révélations elle n’arrivait pas à croire qu’il ait attendu aussi longtemps.  Elle avait l’impression qu’il était un véritable étrange. S’il avait mentit sur une chose, sur combien d’autres choses avaient-ils mentit ? Elle ne pouvait plus démêler le vrai du faux et maintenant qu’il venait de lui avouer une de ses vérités, elle n’était pas non plus certaine de vouloir entendre les autres.  Matthew essayait de plaider sa cause en lui assurant que le fait d’être sorcier ne le changeait pas pour autant.  Il lui disait qu’il ne voulait pas mentir mais que c’est ce qu’il avait trouvé de mieux à faire et qu’il n’avait jamais mentit que sur cela. Comme si ce n’était qu’une broutille.

« Non, Matt je ne sais pas qui tu es. » Répliqua Blue-Ivy avec colère. « Le Matt que je connais est un type qui n’a pas de magie et qui ne recours pas aux mensonges pour me faire voir les choses sous un autres angles, parce que c’est plus simple. Je ne t’ai jamais rien caché de qui j’étais. Tu sais tout de moi : ma vie, ma famille, mes amis, mon travail et mes convictions. »

Comment pouvait-elle accepter ses excuses, alors qu’à ses yeux, c’était une des plus grandes trahisons que celui qu’avait été son geste de ne rien lui dire, pendant trop longtemps. Il y a des tabous qu’on ne peut pas transgresser s’il on veut rester entier avec soi-même. C’était pour cela que Blue-Ivy se sentait tellement mal. Elle avait envie de pleurer, de crier, le tout en même temps. Mais, elle tenait particulièrement à tenir sa colère parce qu’elle pourrait vraiment dire des  choses affreuses. Ce n’était vraiment pas une bonne idée. L’homme qui était en face d’elle avait touché son cœur plus qu’aucun autre homme avant lui. Dire que c’était aussi l’homme qui l’avait blessé plus qu’aucun autre. Quelle ironie ! Cela lui fit presque venir les larmes aux yeux. Matthew lui avoua qu’il se dégouttait lui-même de lui avoir mentit. Comme si ça changeait les choses. Il pensait que leur histoire n’aurait jamais été la même s’il lui avait dit qu’il était un sorcier. Elle-même ne pouvait pas répondre à cette question. Il aurait fallu remonter le temps et recommencer leurs rencontres depuis le premier jour pour savoir comment elle aurait réagi. Pourtant, avait-elle si mal réagit en rencontrant ce Peter machin chose à Kansas City, non ?

« Bien sûr que ce n’est pas une excuse. On ne sait pas ce qui aurait pu se passer. Je ne vais pas te mentir, moi. Je ne sais pas comment j’aurai réagis. C’est quelque chose de trop abstrait pour que je puisse dire cela. Est-ce que être sorcier c’est tout ce que tu es ? Ou y a-t-il autre chose ? C’est plutôt ça qui aurait compté je pense.  Et tu le saurais si tu me connaissais… réellement. » Dit Blue-Ivy avec tristesse. « Je ne suis pas qu’une Inquisitrice. Je suis aussi Blue-Ivy celle qui aime manger du fast-food ou celle qui ne sait pas mentir. Inquisitrice c’est juste une partie de moi. Ce n’est pas que cela qui me définit. »

Toutes les pensées et les souvenirs qu’elle avait de lui s’emmêlaient dans sa tête. Entre la récente révélation et les actions du passé… que croire ? Qu’est-ce qui avait le plus d’importance ? Elle avait l’impression que leur heureux futur lié par les liens du mariage n’était plus si certains. Finalement, l’amour c’était un truc qui ne marchait pas chez les Jagger. Entre Charles qui divorçait comme on changeait de chemise, Ryan qui restait amoureux d’une femme qui était vivante mais qu’il croyait morte, leur père qui avait eu plus d’une amantes, leur mère qui croyait encore être la seule dans sa vie et elle… Les Jagger devaient être maudits. Une terrible malédiction qui les obligeait à rester malheureux en amour, peu importe ce qu’ils faisaient. Une larme coula sur son visage, sans qu’elle puisse la retenir. Elle voulait fuir cette conversation et partir chercher du réconfort ailleurs, en attendant de digérer la vérité ou le mensonge (ça dépend comment on voit ça) de Matthew. Ce dernier se leva et tendit un bras vers elle mais, il ne la toucha pas. Elle préférait. Blue-Ivy n’était pas certaine qu’elle voulait qu’il la touche en cet instant présent où elle se sentait si fragile.

« Tu m’as fait mal. J’ai terriblement mal Matt et je ne sais même pas comment exprimer ça. » Murmura-t-elle presque trop bas.

Il valait mieux qu’ils mettent un peu de distance entre eux pour qu’elle puisse y réfléchir de son côté. Elle entendait les excuses et les désolés de Matt mais pour le moment, elle souhaitait juste avoir un peu de temps à elle pour prendre le temps d’y penser. Son univers était sens dessus dessous. Elle releva la tête pour contempler le visage de l’homme qu’elle aimait, car oui bien sûr, son affection ne s’était pas changé en répulsion simplement parce qu’il lui avait avoué être un sorcier. Il était si beau… Ils avaient tant de souvenirs et d’expériences entre eux.  Matthew continue en lui assurant qu’il l’aimait plus que tout. Il y avait cet amour fou entre eux mais désormais ce trouvais le poids de son mensonge entre eux et cet amour. Il s’ne voulait de l’avoir blessé et un peu au fond d’elle cela la rassura de savoir que son tendre Matt n’était pas qu’une façade qu’il avait mais que c’était toujours ce qu’il était. Cela la faisait souffrir aussi dans le même temps. Il se releva et rajoutant qu’ils feraient mieux d’y réfléchir chacun avant de faire quelque chose qu’ils regretteraient. Il parla d’aller vivre chez sa sœur…

« Je pense que c’est pour le mieux, en effet. Je pense que je ne vais pas rester ici. J’ai besoin de quelque chose de neutre. » Ce qu’elle voulait plutôt dire c’était quelque chose qui ne lui rappellerait pas continuellement Matthew. Leur maison n’était pas le meilleur endroit. « J’irai au Bastion… Il me reste ma chambre de fonction. »

Avant de connaître Matthew, elle vivait là-bas. C’était un endroit un peu impersonnel. De toute manière, la plupart du temps, elle finissait par s’endormir à l’atelier. Darius venait la réveiller pour la forcer à rejoindre sa chambre.  Elle était certaine qu’elle pourrait la retrouver. Sinon elle pourrait toujours aller embêter Whitney ou Thalya. C’est de ses amies dont elle avait besoin maintenant pour savoir quoi faire. Ils sauraient la guide et peut-être l’aider à démêler le vrai du faux. Il fallait y penser. Matthew n’en avait cependant, pas fini car il continua à lui dire qu’il l’aimait. Cela lui faisait à la fois plaisir et du mal en même temps. Elle avait l’impression d’être une boule de nerfs. Chaque nouvelle émotion la touchait plus que la précédente. La jeune créatrice d’armure avait presque les mots « je t’aime » sur les lèvres mais elle n’était pas capable de les prononcer, en cet instant. Il aborda alors le sujet du mariage. Elle se sentait trop mal à l’aise pour y réfléchir. Elle voulait juste fuir en cet instant.

« Matthew… Je ne veux pas parler de mariage en cet instant. Ce n’est pas comme si c’était la première fois que nous le repoussions. Il vaut mieux laisser ce sujet de côté pour le moment. J’ai plutôt besoin de m’éloigner pour pouvoir réfléchir à ce que je veux ou à ce que je crois. Tout ce que je te demande c’est de respecter cela. Le reste on verra bien par la suite. »

Elle voulait prendre sa veste, ses clés et fuir. C’était lâche mais c’était le seul moyen de se préserver qu’elle avait. Il la regardait toujours, affrontant son regard. Cependant, en même temps, elle avait l’impression qu’elle pourrait le perdre pour toujours. Cela faisait si mal. Son cœur était en quelque sorte brisé. Une nouvelle larme coula sur sa joue. Elle s’entoura de ses bras comme si cela pouvait la protéger de ce qui lui faisait du mal.

Blue-Ivy aurait voulu se réveiller de ce cauchemar mais, ma
Matthew Robinson… l’homme avec qui elle avait presque uni sa vie. Aujourd’hui, elle ne savait plus trop où ils en étaient. Les gens les regardaient comme s’ils étaient un couple parfait. La vérité c’est que la révélation de Matthew prouvait qu’ils ne se connaissaient pas si bien. Il ne savait pas quelles étaient ses convictions et elle ignorait que la magie faisait partie de sa vie. Deux amoureux transie qui avaient préféré mettre de côté leurs différences en s’oubliant dans leurs quotidiens et leur amour. C’était dangereux et complètement inconsidéré. Peut-être que le courage de Matthew d’avoir avoué son secret les avait sauvé d’une destinée tragique. Il valait mieux pour les deux jeunes gens de se rendre compte qu’il y avait encore des obstacles sur leurs routes pour décider s’il valait mieux les contourner et estimer qu’ils étaient bien trop haut ou trop difficile à surmonter. Blue-Ivy avait du mal à réfléchir au sujet. Il y avait bien trop de « si ». Des milliers de possibilités qui soulevaient d’autres questions ou d’autres possibilités. Cela prendrait toute une vie pour essayer de les démêler. Il valait mieux laisser tous ces questionnements derrière eux pour le moment, afin de mieux se recentrer. Matthew lui avoua qu’il ignorait ce qu’elle pensait des sorciers. Blue-Ivy ne savait pas quoi répondre. C’était une question qui était tout aussi compliquée que de décider si son mensonge était la ruine de leur couple.

Blue-Ivy avait grandi parmi les Indépendants et avait eu sa part de rencontres avec des sorciers. Pas plus tard qu’avant-hier, elle en avait croisé un : Peter Machin-Chose (elle avait déjà oublié son nom, pour dire vrai). Comme elle l’avait dit à Matthew quelques temps plus tôt, elle était Inquisitrice et avait trouvé en chacun d‘eux une véritable famille. Elle ne retrouvait nulle part cet esprit de camaraderie et ce soutien. Chez elle, la jeune femme n’était que la personne qui avait déserté la famille et l’entreprise familiale. Elle ne s’y sentait pas à l’aise et avait peu de rapport avec les siens. Les Inquisiteurs l’avaient accueilli parmi eux. Certes, Blue-Ivy fabriquait des armures destinées aux affrontements entre Inquisiteurs et Sorciers. Elles étaient principalement construites dans le but de les protéger. Les sorciers pouvaient bien se servir de la magie pour différents usages. Ce n’était pas bien différent de ce qu’elle créait. Détestait-elle les sorciers autant que certains des autres Inquisiteurs ? Elle ne le pensait pas vraiment. La jeune femme trouvait la haine un sentiment bien trop fort pour qu’il soit employé à la légère. Tout comme l’amour, l’autre face de la pièce, la haine ne se distribuait pas comme on donne des bonbons. Il fallait une bonne raison pour haïr quelqu’un.

« C’est bien ce que je disais Matt… Si tu me connaissais aussi bien que tu le penses ou que je le pensais, tu serais ce qu’il en est. Maintenant, ce n’est pas le bon moment pour échanger nos pensées sur ce sujet. » Répliqua la créatrice d’armure.

Il lui avait proposé du temps et c’était juste ce qu’elle voulait. Il fallait de la distance entre eux pour qu’elle y réfléchisse. Le voir si près et si loin d’elle, c’était une chose qu’elle ne pensait pas subir. Le plus dur dans tout ça, c’était qu’elle était persuadée d’avoir trouvé le bon. Celui qui ne pourrait jamais la trahir ou lui faire du mal. Cependant, quand on tombe amoureux, on ouvre son cœur, on le donne à l’être aimé et on oublie que par là même on lui donne notre plus grande faiblesse. Matthew continuait de s’excuser mais, pour le moment ses excuses ne touchaient pas la jeune femme, trop prise par sa douleur et ses pensées sombres. Si on lui avait dit qu’un jour viendrait, elle voudrait être le plus loin possible de son amant, elle n’aurait pas cru la personne et lui aurait même ris au nez, tellement l’idée lui semblait incongru. Aujourd’hui, elle ne rigolait plus et se rendait compte que même la plus belle des histoires d’amour peut avoir son lot de tristesse. La jeune femme ne rêvait plus que de prendre sa veste et de fuir. La fuite n’est jamais une bonne action, la plupart du temps elle est une réaction lâche mais, aujourd’hui, Blue-Ivy n’avait pas la force d’être forte. Elle était blessée et meurtrie.

Matthew fut d’accord mais, cela n’avait pas vraiment d’importance. En cet instant, elle n’écoutait qu’elle-même. Elle voulait se protéger et essayer d’arrêter cette douleur qui se formait dans sa poitrine. Cependant, rien ne semblait pouvoir véritablement l’arrêter. C’était béant et ça lui faisait un mal de chien. Une douleur qui n’était pas physique mais, qui était tout aussi douloureuse. Elle s’entoura de ses bras et tenta de s’imaginer que cette protection pouvait être comme un bandage sur son cœur. Une réaction qui n’avait pas beaucoup d’effet. L’amour ne se guérit pas aussi facilement. Avait-elle envie de guérir ? Perdre tout l’amour qu’elle avait pour cet homme ? C’était des questions encore et toujours des tas de questions dont les réponses étaient de plus en plus difficiles à trouver. Matthew lui dis qu’il avait envie de la serrer dans ses bras mais, qu’il se doutait au fond de lui qu’elle ne le voudrait pas. Comme il avait tort. Elle avait juste l’impression qu’un mur invisible se dressait entre eux. Pourtant, tout au fond, c’est de lui dont elle avait le plus besoin. Comment faire ?

Elle cessa son étreinte et regarda son amant, les yeux pleins de larmes qui ne coulaient pas. Matthew l’avait charmé dès leur première rencontre. C’était un souvenir doux-amer maintenant qu’elle savait qu’il lui avait caché une part de lui qui était bien plus que d’avoir un grain de beauté caché. Les sorciers qu’elle avait croisés à Kansas City, disaient que la magie faisait partie d’eux et que sans elle, ils se sentaient comme amputé d’un membre. Un tel aveu ne pouvait pas minimiser l’apport que la magie avait dans leur vie. Quel gâchis que tout cela. Elle pouvait voir tous les souvenirs qu’ils avaient entre eux et les moments passés en ne vivant que d’amour et d’eau fraiche. Ils étaient bien jeunes, à tomber amoureux dans un monde qui va de mal en pis et un futur incertain. A bien voir, ils avaient eu du courage de croire en quelque chose de bon et de beau comme l’amour dans un tel contexte. Blue-Ivy suivit l’impulsion qui était encore au fond d’elle et se pencha vers la joue de son amant. Elle posa ses lèvres un instant, puis se redressa. Pendant un dernier instant, elle contempla le visage de Matthew, gravant ses traits dans son esprit, comme si elle ne le reverrait pas avant longtemps… ou bien jamais.

« Fait attention à toi, Matt… » Furent ses dernières paroles, d’une voix brisée.

Elle prit le chemin du couloir et s’empara de sa veste et de ses clés. Sans un regard en arrière, elle franchit le palier de leur maison. La voiture l’attendait dans le garage. Elle ne perdit pas de temps et fit gronder le moteur avant de prendre la nationale qui menait à Bâton-Rouge. Tout le long du voyage elle pleurait comme si on lui avait arraché son cœur. Elle n’avait pas de magie mais, elle se sentait aussi amputé. La sensation même dont on lui avait parlé, elle pouvait la ressentir.