L'aventure ne s'était pas terminé avec le retour d'Aurélia chez elle pour Zach et Ernie. Une fois qu'ils s'étaient assurés qu'elle était saine et sauve (quoique Ernie devinait que les réactions parentales n'allaient pas être très réconfortantes pour la jeune fille) Zach avait tenu à l'accompagner à l'hôpital.
Compte tenu de son état physique assez faible, il n'avait fait que semblant de protester. Mais pour dire vrai, les talents de guérisseur de son neveu l'aidait à avancer, sans oublier ses bras autour de ses épaules qui le guidaient à travers les rues du Petit Salem.
Ils n'auraient pu transplaner car cela aurait pû endommager la blessure et ils paradèrent donc entre les maisonnées.
Certains passants reconnurent le fabricant de baguettes et s'approchèrent avec gentillesse d'eux, lui demandant s'ils pouvaient faire quelque chose pour les aider.
Les soins de Zach lui avaient redonnés des couleurs, si bien qu'il était capable de rassurer tout le monde avec un sourire poli.

Ernie regardait en biais le gamin. Il ne parvenait pas à faire disparaitre de son regard son inquiétude pour lui.

-Tout va bien Zach, lui dit-il entre deux souffles rauques, ils vont me retaper en trois secondes là bas.  

Cependant son neveu ne serait rassuré qu'une fois qu'il serait face à un guérisseur. Quant à Ernie, il serait soulagé. Il avait une confiance aveugle en St Pervenche où il avait déjà séjourné quelques fois, et il savait très bien que ceux ci parviendront à apaiser sa douleur.
Enfin, ils arrivèrent devant le grand bâtiment et Ernie laissa à son neveu les soins de les guider. La marche l'avait épuiser et sa tête lui tournait un peu suite aux douloureuses souffrances que lui infligeaient sa blessure.
Cependant, le fabricant fut un rien surpris qu'il puisse dépasser la file d'attente des urgences. Il reconnu Maria, une infirmière bien en chair qui avait toujours un sourire énorme sur les lèvres et qui adorait son métier. Dès qu'elle le vit, elle accourut vers eux.

-Qu'est ce qui vous est encore arrivé M'sieur Beller ? Demanda-t-elle en se penchant directement sur son torse pour l'examiner brièvement.

Remarquant qu'il ne tenait debout que grâce à son neveu, elle le fit assoir. Zach ne quittait pas d'une semelle son oncle.

-Dites lui un peu que ... tout va bien. C'est mon neveu, dit-il fièrement.

Elle releva la tête vers lui et salua Zach avec un petit sourire préoccupé.

-Vous avez bien fait de l'amener ici. Il nous faut le docteur Harrelson, et une fois entre ses mains, tout ira bien.

-T'as vu gamin ? Tout va bien.

Son sourire était néanmoins tordu par une grimace de douleur. Mais il n'était pas inquiet.

Comme un père

   
La culpabilité le rongeait. Depuis quand ne s'était-il pas senti aussi mal ? Depuis 6 ans au moins, à l'époque de cette stupide chasse au Wendigo qui avait bien faillit mal tourner. S'il n'avait pas eut cette stupide idée, il n'aurait pas risqué stupidement sa vie et surtout celle de Livie. Livie et lui n'auraient pas été séparé, et surtout Livie n'aurait actuellement aucun problème à vivre avec la magie, mais on ne refaisait pas la vie avec des « Si » il en était bien conscient, mais on était censé apprendre de ses erreurs. Or lui, il n'apprenait jamais rien. Il prétendait le contraire, et sur le coup il était toujours sincère, persuadé qu'on ne l'y reprendrait plus mais à chaque fois il recommençait. Il n'écoutait jamais rien et se retrouvait toujours dans les pires des situations. On lui disait de ne pas aller quelque part et il s'empressait d'y courir. Il disait qu'il n'était plus un gosse et pourtant il se comportait comme tel, risquant à chaque les vies qui lui étaient les plus précieuses en ce monde : Livie tout d'abord, et aujourd'hui Ernie.
Ernie qui peinait à avancer alors même qu'il avait ralentit son rythme pour ne pas l'épuiser davantage qu'il ne l'était, supportant son poids sans se plaindre ni laisser entrevoir le moindre signe de fatigue. Ernie, qu'il avait bien faillit perdre à cause de son irresponsabilité, Ernie, qui malgré sa douleur essayait de le consoler et de le rassurer comme il le pouvait. Il ne semblait absolument pas lui garder rancune de ce qui était arrivé alors même qu'il en aurait absolument eut tous les droits, si on omettait l'épisode de la baffe retentissante qu'il n'avait absolument pas volé.

A vrai dire, après qu'ils eurent déposé Aurélia chez elle, et qu'ils se retrouvèrent seuls, Zachary s'était attendu à quelques remontrances ou pire encore, à ce qu'il lui demande de faire ses bagages une fois rentrée de l'hôpital, ce que Zach aurait parfaitement comprit, même si cette simple idée lui nouait davantage encore l'estomac. Pourtant l'attitude d'Ernie n'avait absolument pas changé de celle qu'il avait eut lorsqu'Aurélia était avec eux.
Aurélia... il espérait sincèrement que tout se passerait bien pour elle et que sa famille ne lui tiendrait pas trop rigueur de sa petite escapade. Zachary se tourna vers Ernie et repensa à la manière dont son oncle avait réagit après avoir comprit qu'Aurélia souffrait d'un trouble de la personnalité multiple. Il avait été exceptionnel et compatissant, se préoccupant davantage de la jeune sorcière que de ses propres blessures. Dire qu'il avait faillit perdre cet homme exceptionnel à cause de sa stupidité. Rien que d'y songer, rien que de penser au corps inerte d'Ernie écrasé sous le poids de la manticore et des rochers, il sentait les larmes lui monter aux yeux. Cette image allait le hanter encore bien longtemps... Il comprenait mieux à présent ce que son père avait ressenti lorsque c'était lui qu'il avait retrouvé baignant dans son sang, Livie en larmes à son chevet

Avait-il repéré ses yeux vitreux ? Son inquiétude se reflétait-elle tant que ça sur son visage ? De toute évidence puisque le souffle rauque son oncle lui assura que tout allait bien. Non tout n'allait pas bien. Par sa faute son oncle avait été blessé et qu'arriverait-il si jamais il en gardait des séquelles à vie ? Comme pour approuver les paroles rassurantes de son maître, Salem lui donna un bon coup de truffe dans les jambes, ce qui tira un sourire légèrement crispé au plus jeune

- Oui, c'est évident, répondit-il pour se rassurer, mais je serais beaucoup plus tranquille quand un médicomage me le dira.

Zachary avait pu constater à quel point son oncle était connu et aimé à Boston. Beaucoup de personnes qu'ils croisèrent s'arrêtèrent avec inquiétude pour prendre des nouvelles d'Ernie. Il n'y avait là aucune curiosité mal placée, juste une sincère inquiétude. Au bout d'un moment, cela commença même à agacer franchement Zachary car tous ces sorciers ne faisaient que les ralentir alors que lui n'avait qu'une hâte c'était de voir son oncle être pris en main par des spécialistes qui pourraient enfin le soulager. Mais son oncle gardait toujours un sourire et un mot gentil et rassurant pour chacun d'entre eux. Le jeune sorcier avait apprit à mesurer les efforts de son oncle et il voyait quand il profitait de ses arrêts inopinés pour se reposer un peu, mais lorsque cela durait trop longtemps, Zach y mettait fin et ils reprenaient leur marche en direction de Sainte-Pervenche, jusqu'à la prochaine halte.

Lorsqu'enfin ils arrivèrent devant le grand bâtiment, Zachary éprouva un sentiment d'angoisse et de soulagement étroitement emmêlé. Sans perdre un instant, ils pénétrèrent dans le centre hospitalier où une infirmière leur indiqua la salle d'attente mais lorsque Zachary réalisa le nombre de sorciers présent avant eux il cru qu'il allait défaillir. Il était absolument hors de question que son oncle attende une minute de plus. Il ne doutait pas que tous ces gens avaient une bonne raison d'être là, mais l'état de son oncle était beaucoup plus préoccupant que le leur. Dépassant allégrement la salle d'attente, Zachary conduisit Ernie vers une salle de soin en quête d'un médicomage ou d'une infirmière. Il n'eut pas longtemps à chercher car une infirmière courut vers eux si tôt qu'elle les aperçut et s'inquiéta immédiatement pour son oncle qu'elle connaissait bien de toute évidence, comme la plupart des gens. Lorsqu'elle lui demanda ce qui lui était arrivé, un sentiment de honte s'empara de lui, il avait l'impression d'être resté cet enfant qui n'écoutait rien et qui allait devoir rendre des comptes pour ses bêtises. Des bêtises qui auraient pu avoir de terribles conséquences. Il s'apprêtait à répondre pendant que la dénommé Maria installait Ernie sur une chaise pour qu'il puisse se reposer mais son oncle le devança. Zachary lui jeta un regard courroucé lorsqu'il l'entendit dire à la femme qui leur était venue en aide de le rassurer. Comment pouvait-elle le rassurer alors qu'elle-même avait été catastrophée en l'apercevant ! Non décidément Ernie ne se voyait pas parce que si c'était le cas, il se rendrait compte qu'il avait une tête à faire peur et qu'il ne pouvait pas demander aux gens de prononcer des paroles rassurantes juste pour lui faire plaisir. Mais son froncement de sourcils se transforma presque aussitôt en haussement de surprise en entendant son oncle expliquer à l'infirmière avec une certaine fierté qu'il était son neveu. Comment pouvait-il être fier de lui après ce qu'il venait de se passer ? Ernie était décidément d'une bonté inégalable. Au fond de lui, il était persuadé que le fabricant de baguette se serait merveilleusement entendu avec son père. Deux hommes d'une générosité sans égales, animé par une même passion, et auquel il aimerait un tant soin peu ressembler un jour....

- Vous avez bien fait de l'amener ici. Il nous faut le docteur Harrelson, et une fois entre ses mains, tout ira bien, fit-elle non sans dissimuler une pointe d'inquiétude.

Evidemment Ernie s'empressa de rebondir aussitôt sur cette affirmation. Zachary leva les yeux au ciel avant de porter la main à sa taille.

- Non ce n'est pas ce qu'elle a dit, elle a dit que tout ira bien quand tu auras vu le Dr Harrelson, réctifia Zach en s'accroupissant à sa hauteur avant de lui sourire et de poser une main réconfortante sur la cuisse de son oncle. Mais tu as raison, tout va bien se passer à présent.

Le Dr Harreleson ne tarda pas à venir. Le temps qu'il adresse ces quelques mots à son oncle, Maria était déjà de retour avec lui. Le Dr Harrelson était un homme très grand et très maigre, aux cheveux d'un blond cendré, le teint mate et les yeux d'un bleu perçant dissimulé derrière une père de lunette ronde. Il était très difficile de lui donner un âge, à vu de nez Zachary estimait qu'il devait avoir la quarantaine bien entamé, mais il sentait qu'il en avait bien plus que ça. L'homme s'accroupit à la hauteur d'Ernie, et commença à jauger son état avant de l'inviter à le suivre. Tous les quatre quittèrent donc le couloir pour le confort d'une pièce un peu plus intime. Aidé de Maria, Ernie retira son pull pour y dévoiler son torse et sa blessure. Un frisson parcouru alors Zach qui était toujours en t-shirt puisque sa crise de claustrophobie l'avait fait se délester de son pull et son blouson. En plein mois de mars qu'elle idée ! Mais ce n'était pas le froid qui l'avait fait frissonner cette fois-ci car la température y était bien plus douce qu'à l'extérieur, c'était la blessure de son oncle, celle que lui avait infligé la créature en le perforant de son appendice.

- Quelle créature vous a infligé une telle blessure ? S'enquit aussitôt le médecin

- Une manticore, répondit Zach sans hésitation

Le dr Harrelson leva son regard claire par-dessus de ses lunettes avec une petite lueur amusé. Une manticore ! Quelle imagination !!

- Jeune homme, si c'était réellement une manticore qui avait blessé votre oncle il ne serait plus là actuellement, vous pouvez me croire

Faisant fi du ton condescendant du médecin, qui visiblement le prenait pour un idiot, ce qu'il était indubitablement mais pas dans ce domaine, Zachary poursuivit

- C'est son appendice qui lui a perforé la poitrine de part en part. Si Ernie est toujours vivant c'est parce qu'elle n'avait plus son venin

- ça c'est strictement impossible, répondit le Dr, avant d'arquer un sourcil. Et où étiez-vous pour vous retrouver face à une "manticore"

- Dans le No Man's land, répondit-il après avoir déglutit

Maria et le docteur sursautèrent d'effrois, et il pouvait sentir dans leur regard qu'ils se posaient mille et une question, dont la raison de leur présence dans ce lieu interdit, mais il y avait beaucoup plus urgent que de satisfaire leur curiosité personnelle et les deux professionnelles étaient les premiers à en avoir conscience. Le Dr programma donc toute une batterie de bilan puis, il demanda à Zachary de bien vouloir sortir ce que ce dernier refusa de faire obstinément. Il était absolument hors de question qu'il laisse son oncle tout seul. Gentiment, Maria l'entraina avec elle

- Ne vous inquiétez pas, il est entre de bonnes mains, je vous promet que dès que tout est fini, je reviendrais vous chercher, mais vous ne pouvez pas rester pendant qu'il le soigne. Tout ira bien, faites nous confiance, d'accord ?

Un peu a contre coeur, Zachary quitta la pièce Salem sur ses pas, qui lui lécha le bout des doigts, comme s'il cherchait à le soutenir, ou en tout cas, à manifester sa présence. Zachary se laissa tomber sur la chaise qui se trouvait dans le couloir, exactement là où Maria avait fait s'assoir son oncle un peu plus tôt. Enfuyant son visage dans ses mains, il s'apprêtait à attendre dans cette position jusqu'au retour de Maria lorsqu'il sentit les deux pattes avant de Salem se poser sur ses cuisses avant de recevoir un coup de langue bien baveux sur le visage. Se retournant, il sourit et caressa la tête du fidèle compagnon de son oncle.

- Oui tu as raison, ça va bien se passer, ils vont bien s'occuper de lui et ensuite nous rentrerons tous les trois à la maison...  c'était du moins son voeux le plus cher. Salem, si tu savais ce que je regrette avoua-t-il en sentant la culpabilité le ronger.

Il aurait tant aimé que Livie soit là, à ses côtés en ce moment même
.

La brave Maria ne mit pas trop de temps à amener le docteur Harrelson. Ernie n'avait eu affaire à lui qu'indirectement, lorsque une maladie foudroyante s'était emparée de son père il y a deux ans. Il avait apprécié comment il leur avait expliqué à tous ce qui allait se passer : sans détours pour ne pas leur laisser de quelconques espoirs. Sa froideur professionnelle avait suffisamment donné de force à sa grand-mère pour ne pas pleurer.
Elle s'était écroulée après, seule dans sa chambre. Son petit fils avait entendu ses douloureux sanglots qu'elle tentait vainement de faire taire. Elle n'avait pas pu survivre à son fils et était partie de chagrin, un an plus tard.

Il fit un petit sourire à son neveu quand il l'aida machinalement à se lever alors que Maria et Harrelson les invitèrent à un peu plus d'intimité qu'un couloir.
Ils pénétrèrent dans une salle de consultation et l'infirmière lui fit gentiment comprendre qu'il fallait enlever son pull et sa chemise par dessous.
Ernie regardait en biais le gamin. Il savait à quel point retirer les deux couches de vêtements allaient être douloureux mais il ne tenait absolument pas à le montrer à Zachary, déjà suffisamment inquiet pour le moment.  
Il connaissait déjà bien le jeune homme et il savait donc à quel point la culpabilité devait le ronger. A vrai dire, ça se voyait sur son visage. Voilà pourquoi Ernie n'avait pas jugé utile de la bassiner de reproches. La blessure du fabricant était une punition amplement suffisante.
Des larmes de douleur lui montèrent aux yeux quand il leva les bras et que les vêtements frôlèrent sa blessure. Mais il parvint à garder pour lui un léger gémissement.

Une fois sa blessure à la vue de tous, il vit dans leurs yeux que ca ne devait pas être très joli. Aussitôt, le guérisseur s'enquit de savoir quelle créature lui avait infligé ça.
Ernie n'en avait aucune idée, il n'avait pas vu grand chose et s'était contenté de glisser sur le sol quand un animal l'avait heurté.
Zachary répondit donc immédiatement à la question. Un manticore.
Ernie fronça les sourcils. Il ne mettait pas en doute les dires de son neveu, mais il se demandait comment il pouvait être encore en vie. Harrelson ne cru quant-à-lui pas un instant l'information que lui transmettait le jeune homme. Même Maria avait une once de perplexité dans son regard.
Zach continua donc son explication qui clarifia tout pour le fabricant mais qui ne convainquit néanmoins toujours pas Harrelson.

-Vous pouvez le croire, les animaux c'est son métier, jugea-t-il bon d'intervenir.

Autant qu'ils sachent la créature derrière sa blessure et il pourrait donc guérir plus vite.
Cependant c'était comme si personne ne l'avait entendu car son neveu informait difficilement en même temps où ils se trouvaient pour s'être retrouvé face à face avec un manticore.
Les adultes réagir comme lui-même avait réagit en comprenant où le gamin était allé se balader.
Le No Man's Land. On pouvait lire dans le regard des deux professionnels mille questions mais ils savaient que ce n'était pas le moment idéal.
Le guérisseur programma quelques tests pour faire un bilant complet et Maria entraina Zachary dehors tandis qu'Harrelson l'allongeait sur le dos. Il tenta de lui faire un petit clin d'oeil rassurant mais son neveu n'eut pas le temps de le voir.
Concentré, le médecin commença à marmonner diverses formules inconnues à l'oreille de l'inculte qu'il était dans le domaine hospitalier.

-Très bien, je viens de vous endormir le torse.

Ernie ne répliqua rien, fixant le plafond. C'était un sensation étrange d'entrevoir le guérisseur le toucher sans pour autant le sentir.

-Si votre neveu a raison, vous êtes un véritable miraculé Monsieur Beller.

-Oh, je ne mets pas en doute ses paroles. C'est son domaine. Je suppose qu'il y a un trafic de venin de manticore. Soyez en conscient si on vous demande votre avis sur des empoisonnements inexpliqués.

Une douce chaleur envahissait peu à peu son corps et Ernie tourna la tête vers Maria qui avait la baguette pointée sur lui.
Bois de noisetier. 29 centimètres. Crin de licorne. Il reconnu la touche de son père et sourit.

-Le guérisseur est en train de vous nettoyer la plaie tandis que je vérifie qu'il n'y a bien aucune trace de venin dans votre organisme, expliqua-t-elle.

-C'est normal la tête qui tourne ? Croassa-t-il en fermant les yeux.

-Tout à fait normal M'sieur Beller, pas de soucis. Quand on aura finit on vous donnera une potion toutes les heures.

-Comment ça on vous donnera ? Ne me dites pas que vous allez me garder ici ?

-Juste jusqu'en fin de journée. Vous serez dans votre lit ce soir.

Ernie grommela. Combien est-ce que ce mini séjour hospitalier allait encore lui couter ?

-Est-ce véritablement nécessaire ?

Maria jeta un regard au guérisseur, trop concentré pour répondre.

-Oui, nous préférons vous garder en observation quelques heures.

Le fabricant soupira de mécontentement alors que l'infirmière s'éloigna vers une armoire en concoctant une potion.
Elle revint vers eux deux minutes plus tard, deux gobelets contenant une liquide rougeâtre et un autre plus claire en mains.

-Vous serez un petit peu vaseux après avoir bu cela.  

Harrelson l'aida à se redresser et lui fit un sourire satisfait.

-Ca va être douloureux quelques jours mais vous n'avez plus rien à craindre à présent.

-Dites ça au gamin dehors.

Il but la première boisson en grimaçant. Le visage d'Ernie reprit aussitôt des couleurs. La potion avait régulé le sang qu'il venait de perdre, faisant reproduire magiquement les globules rouges.

-Je ne savais pas que vous aviez un neveu. Il semble vraiment s'inquiéter pour vous.

Le fabricant sourit. Maintenant que Zach était dans sa vie depuis quelques mois il avait vu le bien qu'il lui avait fait. Il avait aussi réalisé comment les décès consécutifs de son père et de sa grand-mère l'avait laissé seul et désemparé lui qui avait toujours l'habitude d'évoluer dans un monde familial. Se retrouver sans aucun autre repère que son métier avait été quelque peu déprimant. La solitude ne lui allait pas bien. Et puis voilà qu'on lui avait envoyé Zach et il avait senti ce sentiment d'isolation peu à peu disparaitre.
En voyant le visage d'Ernie s'illuminer, l'infirmière sourit à son tour.

-En tout cas, vous faites bien la paire vous deux. Je vous avais déjà dit que vous preniez trop de risques avec votre métier et voilà qu'un jeunot vient vous encourager !  

Ernie pouffa et sa tête tourna plus violemment, sans pour autant qu'il ne ressente aucune douleur ou gêne au niveau de son torse toujours endormi.
Il but d'une traite le deuxième gobelet que lui tendait Maria.
Cette dernière le recoucha alors que sa bouche devenait vaseuse. Les deux professionnels entreprirent de refermer la blessure alors que le fabricant commençait peu à peu à divaguer.

-Pou'quoi...plus...a'tic'ler ?

Ernie s'amusa des regards concernés des guérisseurs. Ils essayaient de déchiffrer ce qu'il venait de dire. La deuxième potion avait un effet plus puissant, mettant l’entierté du corps au repos, évitant des mouvements brusques lorsqu'on refermait les blessures.
Le fabricant se sentait flotter et il ferma les yeux, profitant de la sensation enivrante.

-'ahahy ?

-Il vous attend dehors.Arrêtez d'essayer de parler, votre bouche s'endort.

Il voulut pointer un doigt sur son torse pour demander s'il allait s'endormir lui aussi mais il remarqua que ses bras ne lui obéissaient plus.
Il referma donc de nouveau les yeux, gazouillant à demi conscient et ne remarqua pas qu'on poussait son lit dehors et que Zach le rejoignait. On l'installa dans une chambre et ce n'est qu'une heure et demie plus tard qu'il reprit possession de son esprit et de son corps.
Il tourna la tête pour apercevoir son neveu, la tête appuyée contre sa main, somnolant. A ses pieds, Salem se leva directement en entendant son maitre bouger, ce qui fit immédiatement ouvrir les yeux de Zachary.

-Tu aurais pu rentrer tu sais, lança Ernie, un sourire gros comme une maison indiquant clairement qu'il était heureux qu'il soit en fait rester.

Comme un père

   
Combien de temps avait-il attendu dans ce maudit couloir d’hôpital à regarder les gens passer devant lui ? A voir les infirmières lui sourire en faisant d'incessant aller-retour ? Il n’en n’avait pas la moindre idée, mais ça lui avait paru durer des heures. Des heures interminables alors qu’en réalité, c’était loin d’être aussi long que ça en avait l'air. Mais Zachary n’avait jamais été quelqu’un de très patient, ni même de très calme. Il détestait rester ainsi en place et sans bouger, dans une attente aussi longue qu'angoissante, mais surtout dans l’ignorance, car en fait, ce qu’il détestait le plus dans cette situation actuelle c’était de rester dans l’ignorance. Pourquoi était-ce si long ? Que se passait-il derrière cette porte ?

Il avait beau essayer de se raisonner, de se convaincre que tout allait forcément bien, il ne pouvait taire l'inquiétude qui lui nouait douloureusement l'estomac. Le pire était pourtant derrière eux, tout irait bien à présent, il ne pouvait en être autrement, il n'avait aucune raison de s'angoisser, essayait-il de s'en convaincre. A présent qu’ils étaient ici, à Sainte-Pervenche, Ernie était définitivement hors de danger. Si c’était aussi long, c’était uniquement parce que les personnes qui s'occupaient de lui faisaient toute une batterie de test pour s’assurer que tout allait bien et qu’Ernie n’aurait pas d’autres séquelles, et aussi,... parce que lui, Zachary Heel était un insupportable impatient.

Les mains jointes devant lui, les bras reposant sur ses cuisses, il attendait avec Salem à ses cotés. Si tôt que la porte de la pièce dans laquelle se trouvait son oncle s’ouvrit, Zachary se releva d’un bond prêt à s’enquérir de la santé d’Ernie. Mais dès qu’il vit le grand lit sortir dans le couloir avec son oncle dessus, inconscient, Zachary sentit l’inquiétude s’emparer de lui. Pourquoi Ernie était-il inconscient ? Où l'emmenaient-ils ? Que s'était-il passé ? Ce n'était pas du tout comme ça que les choses aurait du se passer ! Lui, il s'était attendu à voir Ernie franchir cette porte sur ses deux pieds avec son indécrottable sourire en lui disant sur un ton enjoué mais aussi un peu moqueur « Ben alors gamin, qu'est-ce que tu fais encore ici ? Allez, en route pour la maison. », mais au lieu de ça...

Alors que l’infirmière conduisait son patient vers une chambre, le Dr Harrelson le prit à part et se chargea immédiatement de balayer toutes ses inquiétudes. Son oncle était sorti d’affaire. Il ne risquait plus rien, ils allaient simplement le garder pendant quelques heures encore afin de lui administrer régulièrement une potion qui l’aiderait à se rétablir au plus vite. Son oncle souffrirait pendant encore quelques jours, mais cela finirait par passer et il n’en garderait aucune séquelle. Zachary se sentit aussitôt soulagé d'un énorme poids en entendant ces mots sortir de la bouche du médicomage. Il lui était sincèrement reconnaissant pour tout ce qu’il venait de faire.

- Il devra se reposer pendant quelques jours, l’avertit le Dr Harrelson

- Vous pouvez compter sur moi, je m’en assurerais, lui promit-il en lui serrant la main. Dites-moi, où puis-je régler les frais de son hospitalisation ?

- A l’accueil, tout en bas, adressez-vous à Melle Piksy, vous ne pouvez pas la rater, c’est une gobelin. C’est elle qui a en charge tout l’aspect financier de notre établissement.

- Très bien, je vous remercie, et où l’emmenez-vous… ?

- Dans sa chambre, il va dormir pendant 1 ou 2h grand maximum, vous avez du temps avant qu'il ne se réveille

- Merci Docteur.

Zachary lui serra la main une dernière fois et emprunta les escaliers qui menaient aux différents étages pour régler les frais d’hospitalisation de son oncle, Salem sur les talons. Vu le monde qui patientait avant lui, il dut attendre pendant une vingtaine de minutes avant que Melle Piksy s’occupe enfin de son dossier, mais une fois fait ce fut très rapide et il put ainsi régler tous les frais que les soins avaient nécessité, sans rechigner. Après tout, c’était bien la moindre des choses qu’il pouvait faire pour son oncle. C’était quand même de sa faute s’il était allongé en ce moment même dans ce lit d’hôpital. Lorsqu’il regagna le 2ème étage, et qu’il pénétra dans la chambre que l'on avait attribué temporairement à son oncle, il constata que ce dernier avait une chambre pour lui tout seul et qu'il dormait toujours comme un bien heureux, ce qui lui tira un sourire amusé. Vidé par toutes ces émotions, il se laissa tomber sur la chaise qui se trouvait à proximité du lit, et la tête appuyé contre sa main, Salem couché à ses pieds, il attendit qu’Ernie ouvre à nouveau les yeux. Ce ne fut que lorsqu’il sentit Salem s’agiter à ses pieds que Zachary ouvrit les yeux en sursaut et qu'il comprit qu’il s’était assoupit. Allongé dans son lit, souriant comme un bien heureux Ernie le fixait avec bonheur. Zach se leva immédiatement de sa chaise pour s’approcher du lit, et sourit à son tour à son oncle qui était justement en train de lui dire qu’il aurait pu rentrer, qu'il n'était pas obligé de rester ici à attendre avec lui.
Rentrer ? Sans lui ? En le laissant ici, tout seul ?! Voilà bien une idée qui ne lui aurait absolument jamais traversé l’esprit, et dans le fond, il voyait bien que le regard de son oncle disait exactement le contraire de ce qu'il venait de dire.

- Mais bien sûr, pour que tu puisses draguer tranquillement toutes les jolies infirmières et médicomages qui viendraient un peu te dorloter ? Tu crois que je n’ai pas vu le charme que tu faisais à Maria, le taquina-t-il avant de reprendre plus sérieusement, comment te sens-tu ?

Son oncle venait de lui causer une belle frayeur. Lorsqu’il l’avait vu allongé dans cette grotte, presque inconscient baignant dans une mare de sang, le corps écrasé sous le poids d’une créature et de roches en béton, il avait bien cru qu’il l’avait perdu, et davantage encore quand il identifia la dite créature qui lui avait impitoyablement perforé la poitrine : un manticore
Lui qui maudissait habituellement les braconniers et qui ne leur faisait pas de cadeau lorsqu'il tombait sur eux, pour une fois, oui pour une fois, il les avait remercié. Sans leur intervention, s'ils n'avaient pas volé le venin mortel de cette créature, son oncle ne serait plus de ce monde aujourd’hui, et rien que d'y penser, il en frissonnait de terreur. Il ne voulait pas le perdre, pas lui, il avait perdu assez de monde, il n'aurait pas supporter qu'Ernie l'abandonne à son tour.
Son oncle avait eu une chance inouïe, et lui aussi du reste...
Quand il y repensait, il se maudissait. Par Merlin, mais qu'est-ce qui lui avait prit ! C’était toujours la même chose avec lui, il n’écoutait jamais rien. Comme disait toujours si justement Ben, il fallait toujours qu'il se croit plus malin que les autres, mais au final ses fabuleuses idées tournaient toujours à la catastrophe, et en règle général c’était ceux qu’il aimait qui payaient le prix de sa stupidité….

- Je te dois des excuses, fit-il tout penaud. Autant pour ce que j’ai fait que pour ce que je t’ai dit. Je le regrette. Je suis sincèrement désolé, et... merci d'être venu me chercher. Je te promet que ça ne se reproduira plus. Je n'aurais pas supporté qu'il t'arrive quelque chose par ma faute.

Il avait bien conscience que s’excuser ne servait plus rien, que le mal était fait, mais c’était hélas tout ce qu’il pouvait faire.

- La prochaine fois, je ferais plus attention, je sais à quoi m'attendre à présent, rajouta-t-il comme s'il était en pleine réflexion intérieur avant de croiser le regard d'Ernie. Je plaisantais. Rassure-toi, je plaisantais, c'est mon humour douteux comme dirait Livie, lui sourit-il

Zachary devait reconnaître qu'il trouvait le No Man's Land incroyablement attirant et si cela n'avait tenu qu'à lui, il y serait probablement retourné un jour ou l'autre mais là, avec ce qui venait d'arriver à Ernie, aussi attrayant soit cet endroit, jamais il ne recommencerait. Plus jamais, il ne voulait mettre à nouveau la vie d'Ernie en danger. Esquissant un sourire rassurant, tout en posant une main réconfortante sur son épaule, il répéta à Ernie, mot pour mot, ce que le Docteur Harrelson lui avait dit.

- Tu es sorti d’affaire, lui assura-t-il. Il a dit que ce serait encore douloureux pendant quelques jours mais que ça aller passer et surtout tu ne garderas aucune séquelle de cette mésaventure. Tout est bien qui fini bien. Par contre tu dois te reposer dans un premier temps. Alors j’ai décidé de rester avec toi jusqu’à ce que tu ailles mieux. Et tu n'as pas le choix, de toute manière Sarkan n’arrête pas de me tanner pour que je prenne quelques jours de congés alors c’est parfait !

Au départ, Zachary avait craint pendant un instant qu'Ernie lui en veuille tellement, il s'était même attendu à ce qu'il lui demande de faire ses bagages, ce qui aurait été parfaitement compréhensible. Mais à présent, quand il se retrouvait face à cet homme, il se disait qu'il avait été idiot de penser ça. Jamais Ernie ne le rejetterais. Quelque soit sa bêtise ou son erreur, il serait toujours là pour lui...

- Enfin, sauf si bien sur tu préfères la compagnie de Maria en quel cas, je m’effacerais, en bonne âme que je suis rajouta-t-il taquin, en s'inclinant de manière théâtrale. D’ailleurs en parlant d’elle, elle m’a demandé de te faire boire ces deux verres dès que tu te réveillerais. Je ne sais pas ce que c’est, fit-il en s’emparant d’un des deux verres tout en fronçant du nez d'un air de dégout, mais… c’est pour ton bien alors… courage, fit-il en lui tendant le verre, et pas de manière.

Il observa son oncle d'un oeil amusé avant de reprendre place sur sa chaise qu'il rapprocha du lit.

- J'espère qu'Aurélia n'a pas eut trop d'ennuis. Tu connais bien sa famille ? Quels genre de personnes sont-ils ?

Ernie faisait quelques grimaces avec sa bouche, vérifiant qu'elle n'était entièrement plus endormie. Du coup le sourire précédant son rire suite à la taquinerie de son neveu, était un rien tordu.

-Maria est prise, dit-il en mettant théâtralement sa main sur son coeur, elle est venue acheter une baguette pour son fils l'été dernier.

Il laissa retomber son bras, et analysa s'il avait une quelconque douleur sur son corps avec attention. Il plaqua sa main sur son torse (un peu trop durement ce qui lui laissa échapper un léger "hou") et souleva sa chemise d'hôpital pour apercevoir les bandages. Il aurait bien aimé voir ce qui se cachait dessous mais il savait que ce serait déconseillé.

-Tout va bien. Je suis juste toujours un petit peu sonné par ce qu'ils m'ont donné pour m'immobiliser, à part ça, je vais bien. Je suis encore assez jeune pour pouvoir récupérer, ajouta-t-il sur le ton de la plaisanterie.

Il réalisait seulement à présent la chance inouïe qu'il avait eu : quelle était la probabilité que le manticore le blessant se retrouve sans venin ? Une sur cent, une sur mille ?
Mais ce n'avait pas été son heure. Et encore heureux ! Il n'avait toujours pas trouvé la femme de sa vie. Et puis, maintenant qu'il avait Zachary dans sa vie, il se mordrait les doigts s'il ne le verrait pas le petit grandir.
Le visage de ce dernier était devenu tout penaud et l'oncle qu'il était écouta sans l'interrompre ses excuses et son merci.

-J'accepte tes excuses, dit-il d'un ton sérieux. Je ne supporterai pas non plus qu'il t'arrive quelque chose.

Zach semblait avoir compris leçon. Un peu d'aventure quand on était jeune était une chose logique, mais il fallait tout de même l'attention d'un adulte pour superviser tout ça.
Ernie était bien placé pour savoir ça.
Sa première expédition sur un balai fut une belle frayeur pour sa famille. Il avait huit ans, la veille son père lui avait montré les bases et il s'était cru suffisamment doué pour partir seul explorer la région dans les airs. Or, il avait mal évalué l'écart entre la cime d'un arbre et sa trajectoire et il tomba de son balai tête la première, se rattrapant de justesse à une branche. Trop en hauteur pour oser tenter redescendre, il était resté planter là jusqu'au petit matin suivant.
C'est Monsieur Madden qui le retrouva et sa grand-mère arriva sur un balai, ses cheveux déjà blancs emmêlés à cause du vent. Il fallu toute la persuasion de sa mamie pour qu'il ose lâcher le tronc de l'arbre et ce n'est qu'une fois sur la terre ferme qu'elle lui administra une baffe retentissante.
Ainsi, quand il entendit son neveu lâcher un fatidique "la prochaine fois, je ferai plus attention", il se souleva légèrement de son lit, les yeux écarquillés.
Il retomba lourdement en marmonnant dans sa barbe, jouant les indignés, avant de glisser un regard rieur vers Zach pour lui prouver qu'il avait compris la blague.

-Plus que douteux, si tu veux mon avis ! Déclara-t-il avec un grand sourire.

Le gamin se contenta d'un petit sourire espiègle avant de lui dire tout ce que le guérisseur lui avait appris : comme il s'en était douté, il était sorti d'affaire. Sainte Pervenche avait toujours eu toute sa confiance. Il était plusieurs fois passé par la case hôpital et il en était toujours sorti sur ses deux pieds.
Alors que Zachary lui déclara qu'il avait décidé de rester pour veiller un peu sur lui, Ernie se senti ému et tenta de le cacher.

-C'est gentil à toi gamin.

Il aimait avoir son neveu auprès de lui. Il lui rappelait tellement Samy que s'en était parfois douloureux. Il avait son même tempérament. Parfois, les mêmes expressions.
Mais surtout, il amenait de la vie dans sa boutique. Et puis Salem l'adorait. Avec lui, Ernie s'était inconsciemment reformé un petit cocon familial dont il avait besoin pour être heureux.
Il lui tendit par la suite deux potions dont l'odeur excusait les grimaces de dégout de Zachary.
Il était à deux doigts de faire l'enfant et de rouspéter avant de se souvenir qu'il était l'adulte responsable dans la pièce.
Zach avait comme deviner ce qui se passait dans sa tête, puisqu'il ajouta un "et pas de manière" ce qui fit sourire le fabricant.
Il ingurgita le liquide sans enthousiasme et eut un haut-le-cœur en reposant le deuxième verre sur la petite table de nuit.
Avec un grimace dégouté, il se recoucha et releva la tête de son lit pour être en position assise alors que Zach rapprochait sa chaise.

-Tu sais l'heure à laquelle on pourra partir ? Demanda-t-il, pressé de rentrer chez lui.

Son neveu lui répondit puis il lui demanda ce qu'il savait sur les Jenkins.

-Bien les connaitre c'est un grand mot. Ses parents sont des gens très respectés à Boston. Ils n'aiment pas trop mettre en avant les soucis de leur fille, et à présent que je sais ce dont elle souffre, j'espère que c'est pour la protéger du monde extérieur.

Il soupira un peu avant de continuer. C'était un fait qui mettait peu en valeur les Mages Fondateurs mais c'était un fait indéniable. La consanguinité était coutume courante pour les plus vieilles familles ici. Ilaria, Aurélia... Combien de jeunes filles se voyaient liés à un membre de leur famille ? Ernie se sentait un peu gêné de parler de ça avec Zachary. Parce qu'au fond de lui, il voyait très bien le côté malsain de tout ça et il endossait la honte de sa communauté.

-Les Jenkins sont connus pour se marier entre eux, ce qui a pu causer la maladie d'Aurélia. Il faut continuer la lignée de sang pur, et pour cela, beaucoup pense qu'il n'y a que cette solution disponible. Il me semble qu'elle est promise à son frère ainé.

Continuer la lignée... Il était mal parti pour perpétuer celle des Beller. Bien qu'il espérait trouver la perle rare parmi les sang-pur, il n'avait plus vraiment le temps de jouer au difficile.

-Comment as-tu rencontré Aurélia ? Demanda-t-il, curieux.

Comme un père

Alors que Zachary rapprochait sa chaise du lit, il pouvait sentir le regard d’Ernie se poser sur lui avec beaucoup d’affection. Dire que ce regard pétillant et ce sourire réconfortant, il avait bel et bien faillit ne plus jamais les voir… Il savait très bien qu’il ne devrait pas penser à ce qui aurait pu se passer et profiter de ce qui était. De cette chance inouïe qu’ils avaient eu, mais c’était plus fort que lui. Ernie avait survécu à l’attaque d’un Manticore, un manticore… Qui pouvait se vanter d’avoir une telle chance ? Le jeune sorcier avait pleinement conscience qu’il devait absolument arrêter de tenter le diable en se mettant systématiquement dans des situations impossibles qui le mettait en danger, parce que bien malgré lui, en ayant ce genre de comportement, il entrainait dans son sillage ceux qu’il aimait et la chance ne serait pas toujours de leur côté. Oui s’était décidé, dorénavant il écouterait ce qu’on lui dirait et éviterait de n’en faire qu’à sa tête. Zach, les mains jointes devant lui, se mit à froncer des sourcils saisit d’un doute. La résolution était bonne mais…. Etait-elle réellement vraiment crédible venant de lui ? Etrangement il ne se faisait absolument pas confiance sur ce coup-là… Le tirant de ses réflexions internes, la voix de son oncle se mit à résonner dans la pièce. Une voix qui lui fit se lever la tête d’étonnement. Ernie avait tout de l’enfant impatient qui n’avait qu’une seule hâte : quitter cet endroit au plus vite pour rentrer chez lui. Cette attitude eut le don de faire rire doucement le plus jeune qui afficha dès lors une mine amusée. Il balaya la pièce du regard avant de s’arrêter sur son oncle.

- Pourquoi es-tu si pressé de rentrer ? Tu n'es pas bien ici ? Tu as une chambre pour toi tout seul, avec en prime tout un tas d’infirmières qui sont aux petits soins rien que pour toi. Que pourrais-tu vouloir de plus ? C’est le paradis sur terre non ? Oui, bon d’accord, admit-il sur un ton faussement sérieux, Maria t’a brisé le cœur mais il y a plein d’autres jolies femmes dans ce service qui n’ont d’yeux que pour toi.

Zach ne mentait pas, il avait croisé 2 autres infirmières qui étaient venues s’affairer dans la chambre d’Ernie. Ni l’une ni l’autre ne s’étaient départies de leurs sourires durant tout le temps où elles étaient dans la pièce, et chacune s’étaient occupées d’Ernie avec le plus grand soin en déployant des trésors d’attention. L’une d’elle, remarquant qu’il n’avait revêtu qu’un t-shirt, était même revenue avec un sweat pour lui. Une attention qu’il avait accueillie avec beaucoup de plaisir et qui lui avait permis de pouvoir enfin se réchauffer un peu. Le personnel hospitalier semblait aussi serviable que compétant, bien loin en réalité des stéréotypes de l’infirmière revêche et toujours pressée.

- Tu sais que c'est la première fois que je mets les pieds dans un hôpital ? Lui avoua-t-il

Zachary croisa alors un regard on ne peut plus ébahit. Il ne comprit pas immédiatement pourquoi Ernie l’observait avec autant de scepticisme avant de comprendre. Depuis qu’ils s’étaient rencontrés, Ernie avait pu constater par lui-même qu’il était assez prompt à se mettre dans des situations pas possible et qu’il était assez casse-cou, ne serait-ce que lors de leur rencontre dans la réserve, lorsqu’il s’était retrouvé coincé dans les griffes d’Ecarlate ou à faire un plongeons dans le vide. Et il ne parlait même pas d’aujourd’hui.

- Non évidemment, ce n'est pas parce que je ne me blessais jamais, simplement, comme on habitait en montagne, mon père possédait déjà quelques notions de bases et puis surtout il y avait Joey, notre guérisseur. C'est lui qui m'a appris tout ce que je sais, sans son savoir j’aurais été bien incapable de te soulager toute à l'heure. Il ne me l'a jamais dit franchement, mais je crois qu'il aurait aimé que je prenne sa suite, plus tard. Malheureusement j’avais d’autres projets…. j'ai commencé à travailler comme guide forestier. Il y avait déjà beaucoup à faire, et avec l’enseignement de Joey j’étais capable de venir en aide aux personnes qui en avaient besoin. J’aimais sincèrement ce que je faisais mais… j’ai toujours été fasciné par les dragons… Le soir dans mon chalet, ou quand je n’avais rien à faire, j’étudiais afin de tenter le concours pour devenir Gardien de dragons... Je l’ai passé comme ça, sans en parler à qui que ce soit, juste pour voir si j’en étais capable…

Un petit sourire satisfait se dessina alors sur ses lèvres, et son regard se fit rieur

- Je t’ai dit que j’étais arrivé premier de la liste ? Lui demanda-t-il non sans fierté. Je te jure, le jour où j’ai reçu le résultat je n’arrivais vraiment pas à réaliser moi qui n'avais jamais été une lumière, enfin, sauf dans les domaines qui m'intéressaient. Malheureusement ça signifiait que j'allais être obligé de faire un choix. Un choix qui n’était vraiment pas facile. Partir accomplir mon rêve en me coupant de mes racines, sachant très bien que j’aurais le mal du pays si je venais à m’en aller, ou rester et vivre avec des regrets en me demandant si je n’étais pas passé à côté de quelque chose en refusant de venir à New-Phoenix... Finalement c'est le destin qui a choisi pour moi...

Si ses parents n'avaient pas péris dans cet incendie, si Ben ne lui avait pas révélé toute la vérité à son sujet, qu'aurait-il fait ? Il n'en savait rien et ne le saurait probablement jamais. Lorsqu’il pensait avoir arrêté une décision, il hésitait et revenait sur l’autre choix. La vie avait décidé pour lui…

- Je ne pensais pas que je dirais ça un jour, mais quitter le Montana a été la meilleure chose que j'ai faite de toute ma vie. Si je n'avais pas quitté le Montana, si j'étais resté attaché à mon passé, je n'aurais pas ce présent si merveilleux et cet avenir si prometteur. Je t'ai rencontré toi, et j'ai retrouvé Livie. Si j'étais resté, rien de tout cela ne serait arrivé. Il me serait surement arrivé d’autres choses, approuva-t-il, c’est vrai, mais rien de comparable. Jamais je n’aurais pu être aussi heureux que je le suis aujourd’hui. Et puis j'ai fait de magnifiques rencontre... fit-il en songeant à Saevus, Hères, Virginia, Sarkan, et même Aurélia qu’il espérait bien revoir,... Mais, je vais éviter de nommer certaines de ces personnes, je ne ferais pas ça à un convalescent, plaisanta-t-il.

Un sourire bienheureux s’afficha sur les lèvres de Zachary. C’est vrai que quitter le Montana c’était fait dans la douleur. Il avait perdu ses parents, Ben lui avait révéler une vérité qu’il n’aurait jamais soupçonné et qui l’avait complétement assommé, mais au final, depuis qu’il s’était installé à New-Phoenix, tant de belles choses lui étaient arrivées. Il avait fait la connaissance d’un oncle merveilleux qui l’aimait pour ce qu’il était avec ses qualités et ses défauts, sans le juger, ni essayer de le changer, et surtout, surtout, Livie était revenue dans sa vie. Elle qu’il pensait ne plus jamais revoir était réapparue comme par magie pour lui faire connaitre ce qu’il pouvait sans hésiter qualifier comme étant les plus beaux moments de sa vie. Et ce n’était que le début.
Même si les terres de sa naissance avaient un écho particulier dans son cœur, jamais il n’avait été aussi heureux que depuis qu’il vivait ici…

- J'étais très proche de Joey. Je l'aimais beaucoup, je le considérais un peu comme un oncle, mais depuis que Livie m'a appris ce qu'il avait fait, je lui en veux énormément. Elle l'avait appelé tu sais, plusieurs fois en cachette de sa mère, pour prendre de mes nouvelles, mais je n’en savais rien, il ne me l'a jamais dit. Pourtant il savait, il savait à quel point j'avais de la peine, à quel point je culpabilisais et à quel point je m'en voulais. Pendant plus de 2 ans j’ai toujours cru que Livie me reviendrait, ou du moins qu’elle me contacterait. Mais je n’avais pas la moindre nouvelle, et j’ai fini par penser qu’elle me détestait ou pire encore qu’elle m'avait oublié alors qu'en fait ce n'était pas le cas. Si j’avais su qu’elle l’avait appelé j’aurais tout fait pour la rejoindre. Il m'a horriblement déçu et je compte bien le lui faire savoir, mais pas maintenant. Je suis encore trop en colère contre lui pour le moment. Je n'ai aucune envie de dire des choses que je regretterais par la suite, et si j'y vais maintenant, c'est ce qui risquerait d'arriver. Tu sais,… j'ai l'impression que toute ma vie on s'est évertué à me mentir, que ce soit mes parents, Joey,... A croire que je suis trop stupide pour qu'on puisse me dire les vérités telles qu’elles sont. Plus je vieillis et plus je déteste le mensonge, surtout par omission. Je crois que c'est le pire. Il n’empêche, on pourra dire ce qu’on veut de Ben, c’est le seul à avoir toujours été honnête avec moi, enfin… hormis toi et Livie s’entend. Désolé, tu n'y es pour rien je sais pas pourquoi je te raconte tout ça.

C'est vrai ça ! Comment en était-il venu à ça ? Zachary se mit à froncer des sourcils, signification de sa profonde réflexion à ce sujet, avant que ça ne lui revienne. Tout ça était partie d'une simple question, quand Ernie lui avait demandé s'il savait quand est-ce qu'il pourrait sortir d'ici et lui en guise de réponse c'était mis à lui raconter sa vie. Le pire dans tout ça, c'est qu'il n'avait toujours pas répondu à Ernie.

- On m'a dit que tu pourrais sortir lorsque le médecin passerait te voir au moment des visites, pour juger de ton état et donner son aval. Mais je ne sais pas du tout à quelle heure ont lieu ces visites, lui avoua-t-il. Tu veux que j'aille me renseigner ?

Sans même attendre de réponse, il s'était aussitôt levé de sa chaise, prêt à sortir de la chambre afin d'obtenir la réponse tant désiré de son oncle.
La discussion porta par la suite sur Aurélia et sa famille. Comme il avait cru le deviner en discutant avec sa nouvelle amie, et en observant ses manières et sa façon de parler, Ernie lui confirma que la jeune sorcière était issue d'une très ancienne et respectable famille de sorciers.
Il ne releva pas lorsqu'Ernie évoqua que cette famille n'aimait pas évoquer ses problèmes. En règle général, c'était le genre de chose que les gens évitaient effectivement de crier sur les toits Il garda le silence mais haussa toutefois un oeil intéressé sur son oncle lorsque ce dernier admis que ce dont souffrait Aurélia pouvait trouver son origine dans la consanguinité dont les mages fondateurs étaient si friands. Il avait lu un article assez tapageur sur ce sujet dans le USA Today au moment des fiançailles de Charles Hopkins avec sa petite-fille Ilaria Andropova. Il pouvait sentir toute la gêne d'Ernie à évoquer cette pratique qui n'était pas la sienne et qu'il était loin d'approuver tant c'était malsain et déplacé, mais Zachary décida de ne rien dire. Après tout, même s'il n'approuvait pas, ce n'était certainement pas à lui d'émettre la moindre remarque à ce sujet. Perdu dans ses réflexions, il ne fit pas attention à ce qu'Ernie lui avait dit au sujet du frère d'Aurélia, mais cela n'avait aucune importance puisqu'Ernie ne semblait pas du tout attendre de réponses de sa part car il avait presque aussitôt enchainé sur une question qu'il lui adressa et à laquelle cette fois Zachary fit pleinement attention

Zach avait levé son regard franc sur son oncle dans une moue légèrement contrarié. Lui révéler comment il avait fait la connaissance d'Aurélia n'était franchement pas très valorisant, cela ne ferait qu'ajouter une connerie de plus au compteur de ses bêtises de la journée. Il allait vraiment le prendre pour un gamin irresponsable... mais mentir était évidemment exclu

- Et bien... je lui ai foncé dedans, avoua-t-il dans une grimace.

Et il n'y avait pas été de main morte maintenant qu'il y pensait. Lâchant un soupir, il entreprit de raconter en détail à son oncle ce qui était arrivée.

- Ses premières écorchures, c'est à moi qu'elle les doit, avoua-t-il dans un sourire navré. En fait ce matin avec Salem, fit-il tout en caressant vigoureusement le chien qui était visiblement en manque d'attention, on est parti très tôt. Il faisait beau et tout était calme, la ville était encore endormi, il n'y avait pas un chat dehors, alors pour dégourdir un peu les pattes de Salem et parce que j'en mourrais d'envie aussi, on a fait a course. J'étais sur mon flyboard et on a dévalé les ruelles, mais je te promet que tant que nous étions en ville on restait malgré tout vigilent. Par contre, finit-il par reconnaître, une fois que l'on a commencé à en sortir du petit Salem j'avoue que je n'ai plus prêté attention à ce qui nous entourait... je me croyais seul au monde et franchement s'il y avait bien un endroit où je ne m'attendais pas à tomber sur quelqu'un c'était bien celui-là mais c'est à ce moment précis qu'elle a surgit de nulle part devant moi et... j'allais beaucoup trop vite, je ne pouvais plus rien faire pour l'éviter ! C'est comme ça qu'on s'est rencontré, Évidemment je me suis excusé, je l'ai soigné et on a fini par sympathiser. C'est une personne très gentille, mais je comprends mieux à présent certaines de ses réactions. Si j'avais su j'aurais réagit autrement dans certaines situations.... Lorsque nous étions dans ce tunnel, j'étais complétement en panique, parce que... je suis claustrophobe, et lorsque j'ai entendu pleurer j'ai d'abord cru qu'il y avait une enfant coincée avec nous dans ce tunnel jusqu'à ce que je réalise que ces pleures venaient en réalité d'Aurélia. Alors je l'ai un peu secoué et je lui demandé de nous sortir de là. Je n'avais pas compris... si j'avais été un peu moins obnubilé par mes propres peurs j'aurais peut-etre deviné que quelque chose n'allait pas, songea-t-il en relevant la tête vers Ernie avant de lui afficher un grand sourire. Mais bon, à présent je suis au courant et je ferais plus attention, et au moins grâce cette mésaventure m'aura permis de me faire une nouvelle amie, et toi tu rencontrera peut-être la femme de tes rêves grace à moi glissa-t-il en lui jetant un regard de connivence au moment où la porte de sa chambre s'ouvrit sur une jeune infirmière. Vous tombez bien, fit-il à la jeune femme en se levant de sa chaise pour lui laisser la place, je crois qu'il a besoin qu'on vérifie sa tension :p
.

Son neveu était un bavard, Ernie l'avait déjà remarqué. Mais il avait dû s'ennuyer profondément pour avoir autant de choses à partager ! Ce qui ne déplaisait pas au fabricant, bien au contraire !
Il aimait en apprendre toujours plus sur le gamin.
Lorsque Zach lui avoua n'avoir jamais mis les pieds dans un hôpital, Ernie ne put s'empêcher de lever ses sourcils, très étonné.
Le jeune homme était...quel mot pouvait-il mieux décrire les actions casse-cou de son neveu ? Imprudent ? Inconscient ? Jeune ? Téméraire ? Avide d'aventures ?
Le fabricant se dit qu'aucun de ses expressions plutôt péjoratives ne convenaient à Zach, qu'il qualifia plutôt de "passionné".
Ses passions lui faisaient trop souvent perdre la notion de danger et le mettaient toujours dans des situations...délicates.
Zachary clarifia les choses en affirmant qu'il avait, forcément, déjà été blessé mais que c'était un guérisseur qui s'occupait de ses blessures.
C'était logique. Les forêts du Montana collaient parfaitement à l'image de carte postale de lieu pouvant subvenir d'elle-même à ses besoins.

Attentif, Ernie écouta le jeune homme lui raconter comment il avait étudié, en secret, pour le concours de Gardien de Dragons.
Il se souvint de ses propres études, qui n'avaient rien d'une cachoterie pour sa famille : son père, et sa grand-mère, l'aidaient à retenir toutes les formules, les noms des ingrédients, des plantes utiles et l'histoire des animaux. Inlassablement, ses plus proches parents lui faisaient répéter les termes, les textes et les contextes historiques jusqu'à ce qu'il soit incollable. Heureusement pour lui, comme pour Zach en fait, la théorie s'était imprégné beaucoup plus facilement avec la pratique qui avait suivit.
Sa petite lueur de fierté dans les yeux le fit sourire quand il lui raconta qu'il avait été premier de sa promotion. C'était un fait certain pour le fabricant de baguettes : si on était passionné, les études se passaient sans problèmes.
Quand il mentionna que venir à New-Phoenix avait été la meilleure décision de sa vie, Ernie ne put, cette fois ci, cacher son émotion. Du moins, dans toute la dignité d'un homme. Le fabricant n'était pas non plus une femmelette qui fondait en larmes à toutes les occasions.  
En bien des points, le jeune homme lui faisait penser à lui-même, si on mettait de côté les divergences politiques.  
Néanmoins, le fait le plus attachant du gamin était qu'il s'était rapidement attaché au fabricant lui-même, sans qu'Ernie n'en comprenne réellement la cause. Oui, il était d'ordinaire très populaire auprès des personnes, mais cela restait généralement une popularité de surface qui le faisait tout de même rentrer en fin de journée dans un appartement vide.
Rien n'était plus solide que des liens de sang.

Le fabricant continua d'écouter religieusement les propos de son neveu.
Zach en était venu à présent à parler de ce fameux guérisseur qui l'avait néanmoins terriblement déçu et plus le jeune homme avançait dans son récit, plus Ernie comprenait pourquoi.
Pourquoi est-ce que Joey avait caché les appels de Livie - dont il devait être déjà épris dans son adolescence - alors qu'il voyait très bien que ce silence faisait du mal à Zachary ? C'était incompréhensible.
Il savait qu'en tant qu'adulte, il devrait lui dire que le pardon était toujours la chose la plus sage à faire, mais Ernie ne s'était jamais réellement senti comme un vrai adulte.
D'ailleurs, le gamin faisait preuve de bien plus de sagesse que lui-même en jouant la prudence : ne pas aller le trouver alors qu'il était toujours très en colère envers lui. Alors que Zach partait de cet exemple pour faire une généralité, la maturité revint soudainement chez l'artisan.

-Je ne pense pas que tes parents, ou même Joey, te considéraient comme un imbécile. Pour une quelconque raison, ils devaient essayer de te protéger en agissant de la sorte.

Le préserver de la vérité qu'ils jugeaient trop dur à entendre, pouvait être compréhensible du point de vue des parents. Celui de Joey restait pour autant bien sombre.
Lorsqu'il mentionna son frère, Ernie fut pris d'une vague de curiosité.

-Est-ce que tu en veux toujours à Ben ?

Le fabricant ne savait en réalité que peu de choses de leur relation. Il voulait connaitre l'opinion de son neveu sur ses relations fraternelles. Lui qui avait été enfant unique, il espérait que les deux hommes puissent un jour tourner la page des révélations fracassantes que lui avait révéler Ben.
Ce dernier avait sans doute eu raison de lui avouer la vérité, mais il aurait certainement dû y mettre la forme.

-D'accord, dit Ernie en souriant en le voyant déjà se lever pour aller chercher les informations tant désirées.

Il revint trois minutes plus tard avec une bonne nouvelle : il pourra quitter l'hôpital dans moins de deux heures.

La conversation dévia par la suite sur la rencontre entre Aurélia et Zachary.
Ernie ne put s'empêcher de lever les yeux en l'air, clairement amusé par la scène qu'il imaginait dans sa tête.

-Hé ben bravo... marmonna-t-il, un grand sourire sur ses lèvres.

Il lui raconta alors sans tabous - ce que le fabricant apprécia - le déroulement de la matinée.

-Je pense qu'elle n'a pas beaucoup de véritables amis et tu ne peux lui faire que du bien.

C'était vrai. Zachary était d'une gentillesse à toute épreuve et d'une tolérance sans égal.

-...sauf si tu décides de l'entrainer encore dans tes aventures.

Certes, la jeune femme se trouvait également dans le no man's land au moment de la rencontre, mais le fabricant avait du mal à imaginer Aurélia prendre la tête de leur exploration inconsciente.
Zachary avait soif d'aventures et Ernie regretta soudainement qu'il soit si jeune.

-C'est dommage que tu aies été trop jeune pour connaitre autre chose que ce dôme qui nous enferme. Il y a des tas d'endroits à visiter sur cette planète, bien moins dangereux que le Boston moldu. J'espère que nous pourrions voyager à nouveau un jour, et ce jour là, je te prendrai avec moi.

Ernie adorait les voyages et partager cela avec Zachary lui sembla une excellente idée. Le fabricant avait grandit avec des envies d'explorations, toujours plus loin, plus reculé. Il avait pu assouvir ces besoins jusqu'à ses trente ans mais Zach quant-à-lui se voyait confiner dans le pays.
C'était vraiment dommage. Le monde était bien trop vaste que pour ne pas l'explorer.
Une infirmière coupa court ses réflexions et tandis qu'Ernie lançait un regard d'avertissement au petit morveux qui le mettait dans l'embarras avec ses réflexions.

-Comment allez vous Monsieur Beller ?

-Très bien je vous remercie. Mon neveu m'a informé que je pourrai rentrer dans deux bonnes heures ?

-Oui, vous avez récupéré bien plus vite que prévu.

-Parfait. Pourriez-vous préparer tous les papiers pour payer s'il vous plait ?

-Ho, mais votre note a déjà été payée.

Surpris, Ernie leva les sourcils. Il devait avoir une erreur, il n'avait pas quitté la chambre où cette salle de consultation en étant conscient.
Puis, il comprit et il tourna un regard furieux vers Zachary. Il ne dit rien tant que l'infirmière était là, lui faisant boire un autre mélange dégoutant, mais quand elle se retira avec un sourire - auquel Ernie ne fut pas en mesure de répondre - le fabricant se tourna vers son neveu, des éclaires dans les yeux.
Il ne pouvait accepter qu'on paye pour lui. Surtout son invité. Surtout la famille, plus jeune qui plus est. Son énervement cachait en réalité le fait qu'il était vexé. Vexé et honteux que ses problèmes financiers soient venus jusqu'aux oreilles du gamin.
Certes, Zachary avait du faire ça parce qu'il s'était senti coupable de son hospitalisation mais ce n'était pas une raison. Son orgueil avait été touché.

-Zach, dit-il, tentant de rester calme. Je refuse tout net que tu payes pour moi. Combien est-ce que je te dois ?

Comme un père

 
Zachary avait relevé son regard sur Ernie le visage fermé. Cette excuse, il n'en pouvait plus de l'entendre. Il n'avait nul besoin d'être protégé de quoique ce soit. Il voulait bien admettre que certaines vérités pouvaient être dur à encaisser, et il ignorait comment il aurait réagi si ses parents lui avaient révélé la vérité sur ses origines, mais une chose était sûr, cela n'aurait pas pu être pire que la manière dont il l'avait découvert.

- Je pense surtout qu'ils voulaient se protéger eux plutôt que moi, lâcha-t-il un peu trop sévèrement.

Plus il y pensait et plus c'était évident. Lorsque l'on garde un secret aussi important, et aussi lourd plus le temps passe et plus il est difficile de le révéler. Ses parents avaient probablement craint de perdre leur fils dès l'instant où ils lui auraient révélé la vérité. Comme s’il aurait pu leur en vouloir... Quand à Joey, il s'était plié aux exigences de la mère de Livie pour ne pas avoir d'ennuis. Le fait est qu’ils se servaient tous de lui comme prétexte pour justifier leurs mensonges, alors qu’en réalité, les seuls qu'ils désiraient protéger, c'était eux.
Bien sûr, il s'en voulu presque aussitôt d'avoir partagé le fond de sa véritable pensé et de ses rancoeurs. Il était fâché contre eux, oui c'était vrai, mais il ne les détestait pas pour autant, jamais il ne pourrait les détester, pas même Joey. Pourtant c'est ce qu'il avait l'impression de faire en tenant ce genre de propos, parce que de toute manière, râler après eux, leurs décisions et leurs actions, n’y changerait plus rien à présent, le mal était fait.
Alors qu'il passait ses mains dans ses cheveux, dans un signe évident de contrariété, son mouvement fut interrompu par une question d’Ernie qui s’inquiétait de savoir s’il en voulait toujours à Ben. La réponse était clairement évidente et devait probablement se lire dans son regard, mais pas pour les raisons que son oncle s'imaginait. Il y avait eu un clash assez sévère entre les deux sorciers après la mort de leurs parents, et d’un point de vu extérieur il paraissait évident que Zach en voulait à Ben de lui avoir révélé la vérité alors qu’en fait, il n’en n’était rien. Au contraire, il lui était reconnaissant de la lui avoir révélée, mais pour ce qui était du reste, oui il était en colère contre celui qu’il avait toujours considéré comme son frère. Passe encore qu’il le traite de bâtard, ou de parasite ingrat, ça il pouvait l’encaisser, mais qu’il se serve du décès tragique de leurs parents pour servir sa compagne politique, où qu’il ait osé dire que leur mort avait été une délivrance ça c’était une autre histoire. Les paroles assassinent de Benjamin résonnaient clairement dans sa tête…

«Jaloux de toi ? Moi ? Tu crois vraiment que j’enviais la relation que tu entretenais avec mon père. Victor Heel était un raté. Il n’avait aucune ambition et aucun talent. Comme toi, en fait. Il n’est pas étonnant qu’il est eu un plus intérêt pour toi que pour moi. Il se savait depuis longtemps dépassé, Zachary. Il préférait plonger les mains dans la bouse de dragon plutôt que dans les véritables affaires. Je n’ai jamais eu besoin de lui pour être quelqu’un et j’en suis extrêmement fier...»

Il n’en n’avait parlé à personne, pas même à Livie, ni de ce que Ben lui avait dit, ni de leur bagarre dans le bureau le jour de l’anniversaire de Tamara. Au fond, il avait fait exactement ce que Ben lui avait dit. Il avait fait comme si tout allait bien pour ne pas gâcher l’anniversaire de leur sœur. Mais ce n’était pas pour Ben qui l’avait fait, ni même pour Tamara à vrai dire. S’il avait pris sur lui et s’il n’avait pas quitté la fête comme il en avait été dans ses intentions, c’était uniquement pour Livie. Elle l’avait rejoint alors qu’elle n’avait pas prévu de venir et si elle l’avait fait il savait très bien que c’était uniquement pour lui, parce qu’elle s’inquiétait or, il n’avait pas voulu lui donner de raison de s’inquiéter davantage, tout comme il ne tenait pas à entrainer Ernie là-dedans.

- On a mis les choses au clair, mais je préfère parler de toi, répondit-il dans un sourire pour clore le sujet

Et parler c’est ce qu’ils firent, mais pas vraiment d’Ernie, plutôt d’Aurélia et de leur rencontre quelque peu… chaotique. Il aimait cette complicité qui existait entre lui et Ernie et qui s’était établit si naturellement entre eux. C’était comme si le fabriquant de baguettes avait toujours fait partie de son existence alors que cela ne faisait à peine que quelques mois, qu’ils se connaissaient. Un immense sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu’Ernie lui parla du monde extérieur qui se trouvait au-delà du dôme, et il se prit à rêver l’espace d’un instant, ce que ce serait que de voyager en compagnie d’Ernie. Pourtant, ce Dôme, lui, il était content qu’il existe. Cela pouvait paraitre égoïste, ou totalement stupide, mais il n’avait pas besoin de découvrir les autres pays, tout ce dont il avait besoin se trouvait ici, aux Etats-Unis, sous le Dôme. Et puis surtout, tant que ce bouclier né de l’ancienne magie existait cela signifiait que jamais plus le père de Livie ne pourrait l’approcher, ni elle, ni sa mère, et ça, cela justifiait à lui seul son existence.

- Tu sais, lui avoua-t-il, avant de venir à New-Phoenix, j’étais bien dans mon cocon, dans ma petite bulle. J’étais persuadé que rien ne valait le Montana, et je n’avais aucune envie d’aller voir ce qui se passait ailleurs, mais j’avais tort. Lorsque je devais partir étudier à Salem, puis par la suite à New-Phoenix, j’y allais toujours en rechignant comme un enfant capricieux alors qu’une fois sur place, je retrouvais mes amis et m’amusait très bien. Découvrir ce qui existait au-delà du Dôme ne m’a jamais intéressé. Mais depuis que j’ai quitté le Montana, j’ai découvert beaucoup de nouvelles choses, c’est bien simple je n’ai jamais autant voyagé que ces derniers mois : Boston, New-Phoenix… je te jure tu n’imagines pas le changement que c’est pour moi, ria-t-il. Cela étant j’aimerais beaucoup qu’on voyage tous les deux, et ce n’est pas parce que le Dôme existe que l’on ne peut pas le faire : l’Amérique du Sud, l’Australie, sans oublier l’Amérique elle-même et ces 50 Etats… il y reste encore beaucoup de possibilités du sais, on pourra toujours se programmer ça quand tu iras mieux, si ça te dis. D’ailleurs tu savais que l’Australie était le pays dans lequel se trouvaient les espèces animales les plus dangereuses. Je me demande si c’est pire que le No Man’s Land, fit-il le regard pétillant et rieur tout en passant sa main sur le menton

Un petit rire signifiant qu’il était ravi de sa boutade et de la réaction de son oncle s’échappèrent de ses lèvres au moment où les infirmières pénétrèrent dans la petite chambre. Sa bonne humeur était revenue et il n’avait pu s’empêcher de taquiner Ernie davantage en lançant une petite réflexion à l’égard des infirmières. Il eut bien du mal à ne pas rire ouvertement devant le regard courroucé de son oncle, mais il réussit à se contenter d’offrir un grand sourire tout en se reculant pour céder sa place aux deux jeunes femmes avant de reprendre son sérieux pour écouter ce qu’elles avaient à dire. De toute évidence son oncle se remettait très bien et très vite ce qui était une excellente nouvelle. Mais le regard ravi d’Ernie se transforma bien vite en un regard avada kedavresque dans… sa direction ? Surprit, Zachary jeta un rapide coup d’œil par-dessus de son épaule pour voir après qui Ernie était soudainement si furieux. Il constata cependant bien vite qu’il n’y avait personne derrière lui et qu’il était bel et bien l’objet de ces éclairs rageurs. Surprit, il se pointa du doigt comme pour demander silencieusement à Ernie si c’était bien à lui qu’il en voulait et la réponse était on ne peut plus clair

Il ne mit cependant pas longtemps à comprendre l’objet de sa colère : les frais d’hospitalisation
Zachary lâcha un petit soupir. D’accord, de toute évidence se balader dans le No Man’s Land était aux yeux de son oncle beaucoup moins terrible que régler ses frais d’hospitalisation. Il allait vraiment devoir revoir l’ordre de ses priorités. Bien campé sur ses jambes, les bras croisés devant lui, Zachary garda le silence. Son visage était resté avenant, il ne montrait aucun signe d’agressivité d’exaspération et encore moins d’amusement. Lorsque les deux jeunes femmes qu’il salua, quittèrent la chambre, Ernie ne perdit pas de temps et lui dit clairement qu’il refusait de le voir payer la moindre facture. Ça c’est ce qu’on allait voir. Il affrontait des dragons tous les jours, ce n’était pas un Ernie en colère qui allait le faire céder. S’approchant du lit, il reprit sa place sur son fauteuil et se pencha vers lui

- Hors de question. C’est la moindre des choses que je puisse faire pour toi, après tout si tu es allongé dans ce lit d’hôpital c’est uniquement de ma faute. Tu ne vas pas en plus payer tes frais de soins.

C’était absolument inconcevable dans son esprit, mais de toute évidence cela paraissait tout aussi inconcevable dans l’esprit de son oncle d’accepter. Zachary décida d’illustrer son point de vu afin de mieux l’aider à comprendre.

- Très bien alors écoutes. Lorsque tu te rends dans un magasin et que tu casses quelque chose, tu prends tes responsabilités et tu rembourses. Là c’est pareil. Tu as été blessé à cause de moi. Si je n’avais pas été assez stupide pour me rendre dans le No Man’s Land, tu n’y aurais jamais mis les pieds, tu n’aurais donc pas été blessé et tu ne serais pas là en ce moment. Mes parents m’ont toujours appris à assumer mes actes et à les réparer tant que ce peut. Refuser que je prenne mes responsabilités en réglant tes frais ce n’est absolument pas me rendre service. Quel genre d’homme veux-tu que je devienne ? Et puis c’est également leur manquer de respect, et nier toute l’éducation qu’ils se sont efforcés de me donner, donc, arrête tout de suite de râler, parce que tu perds ton temps, tu peux me faire les gros yeux autant que tu voudras, je ne te laisserais pas débourser un seul mornille.



.

Ernie ne put garder un visage neutre à ce que son neveu lui répliqua : il pensait que ses parents, et Joey - et peut-être, tous ceux qui un jour lui avait menti - avaient fait ça pour se protéger eux plutôt que lui-même.
Le gamin avait raison d'un côté : même si une personne mentait pour "le plus grand bien", il y avait toujours cette part, infime ou énorme c'est selon, d'égoïsme. Un instinct naturel de protection.
Cependant, chez plus de personnes qu'on pouvait le croire, la part de bonté était plus grande que celle de l'égoïsme. De plus, Zach était un gamin en or et Ernie était certain qu'il attirait autour de lui la véritable gentillesse.
Le fabricant avait pourtant du mal pour mettre des mots la dessus. Il se sentait maladroit mais il tenait à ce que le fils de Samy ait une vision un peu plus positive que ça sur le sujet.

-On veut toujours se protéger soi-même, c'est un réflexe naturel...

Ernie revit sa rencontre avec Martha, il y a des années, et le visage aimant de cette dame avait été suffisamment convaincant pour qu'il prenne un pas de recul dans la vie de Zach sans en ressentir trop de culpabilité. Et son mari avait ce quelque chose qui avait toujours plu au fabricant quand son neveu le mentionnait.
Il ne voulait pas que Zachary puisse penser ne serait-ce que pendant quelques instants amères, du mal d'eux. C'étaient des gens biens et l'éducation de leur enfant en avait été la preuve. (Ernie n'avait pas encore rencontré Ben à ce moment là)

-Je pense que les parents sont toutefois un cas à part...S'il y a bien des gens capables de mentir pour te protéger, ce sont bien les personnes qui t'ont un jour élevé.

Il ne s'étendit pas plus sur le sujet car en réalité, cela l'émouvait. Les Heel avaient été choisi par Sam pour élever son fils et Ernie savait qu'elle n'aurait pas pu faire meilleur choix qu'eux.
La conversation dévia brièvement sur son frère, Benjamin, mais son neveu resta évasif et le fabricant respecta cela.
Elle prit dès lors une tournure aventureuse avec le dôme et le monde extérieur qu'ils devraient un jour explorer.
L’Égypte, ce pays qui le fascinait depuis toujours, l'Europe et son histoire, l'Afrique et ses animaux sauvages...Il imagina le gardien de dragon qu'il était découvrir les hiéroglyphes dans les pyramides et cette image le fit sourire.

-Tu as raison, on a encore de la marge avant de s'ennuyer ! Concéda le patient avec un sourire.  

Les cinquante états des États-Unis étaient une première étape. Il rigola doucement à la plaisanterie de son neveu sur le fait que l'Australie était réputée pour posséder des créatures très dangereuses, tout en lui faisant les gros yeux.

-Je crains qu'il n'y ait toujours pire dans ton esprit d'inconscient ! Ajouta-t-il sur le ton de la plaisanterie.

Comme si le gamin avait un don pour se mettre dans les pires situations possibles. Malgré son amour pour les animaux, ces derniers ne lui avaient pas toujours bien rendu...
Une infirmière arriva et lui fit bien vite comprendre que Zachary Heel avait payé son hospitalisation pour lui.
Ernie tenta de garder son calme en regardant la jeune femme ressortir toute souriante et en demandant à Zach combien il lui devait.
Évidemment le sale morveux ne décampait pas de ses positions.
Le fabricant l'écouta, le fusillant d'un regard noir tout au long de son petit monologue censé le convaincre de laisser son neveu dont il avait la charge lui payer sa petite visite à Ste Pervenche.

-C'est très noble de ta part Zachary, et j'espère que tu agiras de la sorte avec n'importe quelle autre personne. Mais je suis ton oncle. Ce n'est pas dans l'ordre des choses que tu me payes des choses. Dit-il d'un ton très sec.

Après tout, son raisonnement se tenait, il fallait bien admettre cela.
La colère le faisait respirer plus fort et il ferma les yeux un instant pour tenter de chasser ce sentiment qui allait lui faire bientôt perdre tous ses mots et donc également, perdre toute sa crédibilité auprès du gamin.
Une solution miracle lui vint en tête. C'était un peu fourbe, surtout avec la conversation sur les mensonges qu'ils venaient d'avoir, mais passons.

-Écoute. Je vois bien que tu es campé sur tes positions comme je le suis sur les miennes. Alors je te propose ceci : on paye chacun moitié moitié.

Ainsi, il aurait le montant exacte de la somme. Il lui remboursera le reste en cadeaux surprises. Il ne voulait pas que Zachary puisse dépenser ses sous pour lui. Il n'en était pas question.
S'il refusait cette proposition, Ernie savait qu'il allait se montrer pour la première fois sous un jour très différent à son neveu.

Comme un père

 
Zachary n'avait rien rétorqué lorsqu'Ernie avait consentit que derrière chaque mensonge proféré se dissimulait, comme il l'avait lui-même souligné, une raison toujours égoïste et beaucoup moins noble qu'on voulait bien le laisser croire. Ernie avait raison, se protéger était un réflexe naturel, lui-même lorsqu'il mentait à ses parents quand il était plus jeune, n’avait toujours eut qu’un seul objectif : échapper à sa punition parce qu’une fois n’était pas coutume, il avait désobéit à un ordre parentale ou fait une bêtise, mais il avait très vite compris à ses dépens que la punition était pire encore lorsque le mensonge était découvert. Il n'avait cependant jamais pensé que les mensonges pouvaient faire souffrir celui qui en était la victime avant d'en être lui-même la cible. Pourtant Ernie défendait ses parents et leur trouvait des excuses auxquels il ne pouvait qu'adhérer. Il savait qu'il avait raison, il était bien placé pour savoir qu'il n'aurait pu rêver de meilleurs parents que Victor et Martha Heel, pourtant une infime part en lui ne pouvait s'empêcher d'être déçu par leur comportement et de leur en vouloir malgré tout. mais aussitôt après, il culpabilisait d’avoir pu avoir ce genre de pensées. Il était bien placé pour savoir que dans le fond, pour ses parents, prétendre être ses véritables parents n'était pas un mensonge. On ne devient pas parent uniquement par les liens du sang. Ils l'avaient élevé, éduqué, aimé, consolé, encouragé, nourrit,... ils avaient toujours répondu à chacun de ses besoins sans jamais faire de distinction entre leurs trois enfants. Ils avaient tous été choyés de la même manière, et punis lorsqu'il le fallait. C’était ça être parent.

- Tu as raison, avait-il fini par admettre dans un petit sourire

Ils lui manquaient terriblement. Il aurait aimé qu’ils les voient, Livie et lui ensemble. Il aurait aimé leur dire qu’ils s’étaient retrouvés. Il savait qu’ils auraient été ravis, ils aimaient tellement Livie. Et puis, il leur aurait présenté Ernie, il était persuadé que les deux hommes seraient devenus très proches, parce que mine de rien, ils partageaient beaucoup de valeurs… Mais tout cela n’arriverait jamais, ils n’étaient plus là…

Leur discussion prit heureusement une orientation plus légère lorsqu'il fut question de voyage. Zachary se demandait quels pays Ernie avait eu le temps de parcourir et de visiter avant l'apparition du Dôme. A en juger par les yeux pétillants de son oncle à la simple évocation de ces souvenirs, cela avait dû être des moments inoubliables. Il imaginait sans peine que contrairement à lui, le fabricant devait un peu regretter l’existence de ce Dôme. Il n’était pas difficile de deviner qu’à l’instar du dernier Norvégien à Crête sur le territoire américain, certains ingrédients utiles à la conception de ses précieuses baguettes devaient être perdus à jamais.
Zachary aurait aimé que son oncle lui parle plus longuement de ses voyages et de ses découvertes mais ils avaient enchainés sur d’autres sujets tout aussi intéressants, comme sa rencontre avec Aurélia et la famille de la jeune sorcière. Puis les infirmières avaient ensuite fait leur apparition dans la petite chambre pour continuer à dorloter leur patient préféré. Pendant qu’elles s’affairaient, Zach se disait que lorsqu’ils rentreraient, peut-être pas ce soir mais demain, Ernie et lui pourraient regarder les albums photos qui réunissaient les souvenirs de ses voyages. Ensemble, ils avaient déjà regardé les albums de famille d’Ernie et ils avaient passé un excellent moment, mais ils étaient loin d’avoir fait tout le tour. Ernie devait probablement conserver quelques photos de ses voyages, et il lui raconterait plein d’histoires et anecdotes intéressantes,… Si cette perspective était des plus réjouissantes, l’ambiance c’était soudainement bien vite refroidit. Dès que le personnel hospitalier se fut retiré Zach constat que l'atmosphère avait très lourdement changé et il pressentait qu’il allait passer un très mauvais quart d’heure. Son oncle était en colère après lui, réaction on ne peut plus normal. Il l’avait redouté depuis qu'ils étaient sortis du No Man's Land mais curieusement ce n’est qu’à présent qu'il ne s'y attendait plus, que le couperet allait tomber. Il aurait dû y penser, son oncle avait été bien trop affaiblit pour l’engueuler copieusement, mais à présent, il était pratiquement rétablit et les choses allaient être différentes car cela se voyait, Ernie était soudainement très furieux. Contre toute attente cela n’avait aucun rapport avec ce que Zach redoutait tant, cela n’avait strictement rien à voir avec le No Man's Land, son comportement inconscient ou sa stupidité, non, si Ernie était furieux en cet instant ce n'était pas à cause de ses agissements irresponsables qui avaient bien faillit leur couter leur vie à tous les trois mais bien... parce qu'il avait réglé sa note d'hôpital ?!!!

Zachary lui avait expliqué pourquoi il avait agi de la sorte mais de toute évidence, à en juger par le regard noir que son oncle continuait à lui lancer il ne l'avait guère convaincu, pire, il avait l'impression d'avoir commis un crime horrible, et il sentait bien qu'Ernie faisait des efforts monstrueux pour ne pas exploser, et garder son calme. Son ton était sec et il lui faisait comprendre qu'il ne pouvait accepter cela de sa part mais pourquoi ? Aux yeux de Zachary, cela n'avait aucun sens.
Prenant sur lui, Zachary le remarquait bien car ils avaient ça en commun, ils étaient aussi mauvais dissimulateur l’un que l’autre, Ernie tenta un compromis, lui rembourser la moitié de la somme qu'il avait dépensé pour ses régler ses soins. Les sourcils froncés par l'incompréhension, le jeune sorcier observa son oncle sans baisser le regard.

- Bon d’accord, laisse-moi réfléchir, fit-il en se reculant un peu sur le dos de son siège tout en faisant mine de cogiter. La moitié de rien, c’est quoi déjà ? Ah oui, je sais : rien !

Il lui avait souri, fier de sa petite boutade, qui de toute évidence n’était pas du gout de son oncle. Ne voulant surtout pas qu’Ernie puisse penser qu’il se moquait de lui, il se pencha à nouveau vers lui, les coudes reposant sur ses cuisses, les mains jointes et le visage sérieux

- Ernie, qu'est-ce que tu ne comprends pas dans la phrase : « je ne te laisserais pas débourser un seul mornille. » ? Je te l’ai dit et je te le répéterais autant de fois qu’il le faudra, tu ne payeras rien du tout. Je… je ne comprends pas ce qui te gênes, lui avoua-t-il en levant les mains devant lui dans un geste d’impuissance. D’un côté, tu sembles approuver mon geste en m’encourageant à agir de la sorte auprès de n’importe qui mais de l’autre, tu refuses que je le fasse pour toi. Pourquoi ? Tu ne vaux pas moins qu’un autre, bien au contraire tu es une des rares personnes auquel je tiens le plus en ce monde. Que tu sois mon oncle ou mon père ça ne changerait rien. Je veux faire ça pour toi parce que c’est la seule chose que je puisse faire

Il passa sa langue sur ses lèvres et poursuivit

- Commettre une faute et ne pas s’en corriger, c’est cela la vraie faute. Je ne peux pas effacer mes bêtises et ce qui a été fait mais je peux essayer de les corriger. Alors tu as deux choix, soit tu fais ta mauvaise tête et on perd un temps très précieux à se disputer, soit tu acceptes de me laisser prendre mes responsabilités et on passe à autre chose.

Zachary n’avait aucune envie de se disputer avec son oncle surtout pour une bêtise pareille. Il voulait bien reconnaitre qu’il méritait un savon pour avoir osé s’aventurer dans le No Man’s land, d’avoir risqué leurs vies inutilement, mais Ernie ne pouvait pas lui reprocher de tenter de réparer ses erreurs.

- Je n’ai aucune envie de me disputer avec toi, parce que chaque moment est bien trop précieux pour qu’on le perde aussi inutilement. Aujourd’hui j’ai bien cru que je t’avais perdu… Je ne suis pas prêt d’oublier cette scène ou tu gisais dans ton sang sous le poids d’une Manticore. Tu n’as pas idée de ce que ça m’a fait. Laisse-moi payer tes frais d’hôpitaux,…  s’il te plait. C’est important pour moi, insista-t-il sans quitter son regard, ne me refuses pas ça

Ernie Beller n'avait pas été élevé avec une relation saine vis-à-vis de l'argent, tout simplement parce que sa famille en avait toujours manqué. Les personnes qui affirmaient que les Mornilles ne faisaient pas le bonheur étaient ceux qui en avaient plein les poches. Le fabricant, qui avait une meilleure affaire que son père et sa grand-mère voulait pourtant toujours plus. Il maudissait ses caisses vides car elles étaient la preuve qu'il n'était pas libre de bouger là où il le voulait pour aller récupérer ses ingrédients. L'artisan avait en réalité l'impression que les pièces l'emprisonnaient et lui dictait une manière de vivre qu'il n'appréciait pas.

De ce fait, Ernie avait beaucoup de mal à parler de ce genre de problème autour de lui. Il était un homme fier et têtu qui refusait catégoriquement qu'on paye pour lui. Question d'honneur masculin. C'était débile et sans aucun sens mais c'était l'homme qu'il était. Régina avait su gérer cette partie de lui-même : en effet, son amie, bien plus aisée que lui, avait comprit cette fierté et avait la délicatesse de ne jamais refuser quand il lui offrait un diner quelque part dans un endroit qu'il pouvait se permettre.
Zachary ne le connaissait pas encore si bien et il avait été bien élevé. Même s'il s'efforçait de ne pas le voir comme ça, il ne pouvait s'empêcher d'interpréter son refus par un affront terrible voire une provocation de mauvais gout.

Il écouta son neveu les bras croisés, les sourcils froncés au dessus de son regard noir. Il ne décamperait pas de ses positions et le morveux essayait de l'avoir par les sentiments.

-Zachary, il est hors de question que tu me payes cette visite, point à la ligne.

La colère qu'il éprouvait était dirigé droit vers le jeune homme. Pourquoi devait-il être aussi têtu que lui même ? Sa bonté le perdra et pour l'instant, elle le rabaissait.

-Pourquoi ? Tu me demandes vraiment pourquoi ?! Je suis ton ainé !

Alors qu'il sentait que l'explosion arrivait, Ernie s'interrompit brusquement. Lui non plus n'avait aucune envie de se disputer avec le morveux, mais la colère qu'il éprouvait bouillait en lui férocement.

-Mon garçon, si tu me payes ce séjour, ca sera ça la vraie faute. Ne fais pas le plus malin avec moi en me donnant un semblant de choix. Tu penses que je ne vais pas pouvoir récupérer la note auprès des infirmières ? Pour qui me prends-tu ?

Il rapporta son regard dans celui du fils de Sam qui, les yeux écarquillés, devait s'étonner de voir tant de colère pour "une question d'argent".
Ernie se répétait que ce n'était pas de sa faute et qu'il voulait bien faire. Un calme apparent traversa enfin son corps et détendit ses muscles.

-Tu ne me connais pas encore et ceci est une face moins agréable de ma personne. J'ai...j'ai des opinions très fermés concernant l'argent et je ne les changerai jamais. Il faut apprendre à vivre avec si tu veux qu'on continue à bien s'entendre. Alors je vais payer ces frais d’hôpitaux parce que c'est à moi de le faire. Moi non plus je ne suis pas prêt d'oublier l'angoisse d'avoir compris où tu te trouvais. Mais crois le ou non, c'est un fait. Si tu débourses une seule mornille pour moi, tu me blesseras bien plus que ne l'a fait cette Manticore.

Il eu un petit silence avant qu'il n'ajoute.

-Les gens sont complexes et bien peu souvent logiques. Il faut apprendre à vivre avec sans pour autant toujours chercher à les comprendre.

Sa colère était véritablement retombée et à présent, il espérait juste que Zach comprenne que le sujet était clôt.

Comme un père

   
La tournure que prenait leur échange dans cette petite chambre d'hôpital venait de les engager sur une pente glissante qui lui déplaisait de plus en plus. Zachary avait été plus que surpris par la réaction de son oncle. Lui, d'ordinaire toujours aussi calme, joyeux et souriant venait de dévoiler une autre facette de sa personnalité que Zachary n'avait absolument pas soupçonné jusqu'à présent. A force de côtoyer Ernie, il avait parfaitement compris que son oncle ne roulait pas sur l'or, mais ça ne l'avait jamais dérangé, bien au contraire car contrairement à Ben ou Tamara, ce n'était pas le genre de choses sur lesquels il se formalisait étant donné que lui-même aimait les choses simples.
Les Heel ne roulaient pas sur l'or non plus, mais ils ne manquaient jamais de rien et sans être exagérément gâtés, leurs enfants avaient toujours eut tout ce qu'ils pouvaient désirer. Toutefois, leur rapport avec l'argent semblait beaucoup plus sain ou en tout cas beaucoup moins complexes que ceux que Ernie pouvait entretenir.

Le blessé lui jetait un regard irrité sans chercher le moins du monde à dissimuler son exaspération. Les bras croisés devant lui, sur la défensive, Ernie l'écouta soutenir son point de vue et ses arguments, mais il pouvait bien lire dans ses yeux et à l'attitude fermé que son oncle affichait, qu'il parlait pour les murs. Aucun de ses arguments n'avaient trouvé grâce à ses yeux. Tel un enfant buté, le sorcier était bien décidé à camper sur ses positions, et tenter de l'avoir par les sentiments n'y changeait strictement rien, car son oncle était loin d'être dupe. Après tout, ce n'était pas aux vieux singes que l'on apprenait à faire la grimace. Zachary laissa échapper un soupir contrarié lorsque son oncle lui fit comprendre qu'il n'avait aucune intention de discuter avec lui. Il était hors de question pour lui de voir son neveu débourser ne serait-ce qu'un seul mornilles pour sa petite personne et lorsque Zachary eut le malheur de lui en demander la raison, Ernie explosa. Il semblait parfaitement outré que Zach ait pu oser lui poser la question et la réponse que l'homme lui fournit eut le don de lui faire lever les yeux au ciel. Ernie refusait qu'il lui paye ses soins uniquement parce qu'il était plus jeune que lui ?!!! Non mais c'était quoi cette raison stupide ?

- Et alors ? Lui avait-il demandé en ouvrant ses mains dans un geste qui indiquait parfaitement son incompréhension. Tu as conscience que c'est juste de la fierté mal placé ? De toute façon tu peux dire ce que tu veux, c'est déjà fait, ne manqua-t-il pas de lui rappeler en prenant un air fripon dans une vaine tentative de dérider le fabricant de baguette

Bien sur qu'Ernie avait parfaitement conscience qu'il n'était question que de fierté mal placé, mais le sorcier était buté et bien décidé à ne pas démordre de ses principes que Zachary jugeait stupides. Le ton de sa voix était dur et intraitable et Zach fut surpris par sa véhémence et sa pugnacité lorsqu'il lui demanda de cesser de faire le malin. La surprise passé, toute chaleur disparut de son visage pour se mettre à son tour sur la défensive alors que au contraire, le corps d'Ernie, qui semblait enfin avoir dit tout ce qu'il avait sur le coeur, semblait se détendre un peu. De manière plus posé, son oncle reconnu qu'il avait un opinion très arrêté concernant l'argent ce que Zach approuva en bougonnant un « ça c'est indéniable ». Ignorant sa remarque à moins qu'il ne l'avait-il tout simplement pas entendu, Ernie poursuivi en lui faisant bien comprendre qu'il n'avait aucunement l'intention de changer sa manière d'être ou de penser. Zachary voulu le rassurer en lui affirmant qu'il n'était nullement dans ses intentions d'essayer de le changer ou de lui manquer de respect, tout ce qu'il désirait s'était payer la dette qu'il avait envers son oncle, mais Ernie ne lui laissa pas l'occasion de dire quoique ce soit car la suite le refroidit presque instantanément. Il devait apprendre à vivre avec ce trait de caractère s'il désiraient qu'ils continuent à bien s'entendre ?! Cette remarque le choqua car il ne s'attendait pas à ce qu'Ernie lui balance un truc pareil, pas lui. Son visage se ferma pendant que son regard trahissait soudain une certaine hostilité envers cet oncle que Zach adorait pourtant, car tout autant que le mensonge, Zachary détestait qu'on le menace ou qu'on lui donne des ultimatums, ça lui rappelait beaucoup trop la manière de faire de Ben et ça ne lui donnait envie que d'une chose : faire exactement l'inverse de ce qu'on voulait lui imposer. Il avait beau essayer de se dire que les mots avaient dépassé les pensées de son oncle, Zach prenait très mal cette remarque qui le peinait beaucoup.

- Tu es conscient que tu as autant à perdre que moi ? Lâcha-t-il tout en levant un regard grave sur lui

Ernie était sa seule véritable famille mais il savait que l'inverse était tout aussi vrai. Il ne tenait pas du tout à le prendre au mot mais il voulait lui faire réaliser à quel point sa menace était terrible mais également à double sens. Mais lorsqu'Ernie lui confia que lui non plus n'était pas prêt d'oublier l'angoisse qu'il avait pu éprouver en comprenant où il était parti cette fois se fut autour de Zachary de sentir à nouveau cette once de culpabilité l'envahir. Tout cela ne serait jamais arrivé s'il s'était tenu tranquille.

- Cette fois c'est toi qui joue avec les sentiments, lui fit remarquer Zachary d'une voix neutre après que son oncle lui eut confié que s'il s'obstinait à payer ses frais médicaux, son acte le blesserait bien plus que ne l'avait fait la manticore.

Le visage fermé, les deux hommes restèrent ainsi immobiles et silencieux chacun campant sur leurs positions. Ernie n'en démordrait pas, lui et sa foutu fierté ne pouvait concevoir que quelqu'un puisse lui payer la moindre chose. Soit il cédait tout en ayant conscience qu'il le prendrait très mal mais au moins Ernie serait content, soit il suivait ce que sa conscience lui dictait en faisant fie des exigences d'Ernie mais dans ce cas là, ce serait son oncle qui le vivrait très mal. Ils étaient aussi têtus l'un que l'autre et se retrouvaient inexorablement dans une impasse. Une situation qui déplaisait grandement à Zachary qui se leva de sa chaise avec agacement tout en passant sa main dans ses cheveux dans un mouvement d'humeur, pendant que derrière lui, la voix de son oncle résonnait dans la pièce, plus douce, plus calme, qui essayait de justifier son comportement. Zachary ne put s'empêcher de glisser sur lui un regard contrarié.

- C'est tout ce que tu as trouvé pour justifier ton entêtement ridicule ? Lui demanda-t-il calmement alors que dans le timbre de sa voix la colère le trahissait. Fais ce que tu veux. Si tu tiens tant que ça à payer tes frais et à me rembourser, fais-le, je ne t'en empêcherais pas, mais ne compte pas sur moi pour te dire à combien ils s'élèvent, tu devras te débrouiller. Je vais sortir Salem, prétexta-t-il pour couper court à cette discussion qui le contrariait

Mais alors que sa main se referma sur la poignet de la porte, il lâcha un soupir et se retourna pour faire face à Ernie. Partir fâché ne résoudrait rien. De plus, à voir ainsi Ernie allongé dans ce lit d'hôpital par sa faute le faisait relativiser. Qu'est-ce qui était le plus important ? S'entêter, se disputer et se faire du mal pour le simple plaisir d'avoir le dernier mot ? Ne devraient-ils pas plutôt être entrain de se réjouir de constater que leur aventure n'ait pas connu une tournure tragique ? Il lâcha un nouveau soupir et se rapprocha du lit.

- Tout ça est ridicule, sourit-il nerveusement. Tu te rends compte qu'on est entrain de se disputer pour un truc complétement dérisoire ? Ernie, je ne te fais pas l'aumône, insista-t-il doucement. C'est tellement difficile pour toi d'accepter une main tendue ou est-ce simplement parce que c'est la mienne ? Est-ce que je dois m'attendre à ce que tu n'acceptes jamais mon aide quoiqu'il arrive ? Mais qu'est-ce que je suis au juste pour toi ?! Je croyais qu'on formait une famille et pour moi une famille ça s'entre aide dans les coups dur. J'aurais pu comprendre et accepter que tu m'en veuilles pour ce qui s'est passé dans le No Man's land, ce serait même tout à fait légitime, tu as tous les droits d'être en colère et d'être furieux après moi. Je pourrais même comprendre que tu ne veuilles plus me voir ou que tu me demandes de partir de chez toi, mais que tu m'en veuilles parce que j'ai payé tes frais d'hospitalisation, ça, j'avoue que j'ai beaucoup de mal à l'accepter.

Il ne comprenait pas sa réaction même si Ernie avait tenté de le lui expliquer. C'était tellement ridicule et ironique de constater que ni leurs préférences politiques, ni leurs opinions sur les Yaxley, son irresponsabilité ou leur manière de vivre ne les aient jamais opposés comme cette histoire d'argent était entrain de le faire. Et à vrai dire, se disputer avec Ernie lui minait le moral. Est-ce qu'il lui arrivait de se disputer aussi avec Sam ? Probablement. Ne lui avait-il pas dit qu'il lui ressemblait énormément ? Etait-elle aussi têtue que lui ?

- Est-ce que Sam arrivait à te faire entendre raison ? Lui demanda-t-il dans un petit sourire timide

Alors que Zachary affirmait enfin qu'il ne l'empêcherait pas de payer les frais d'hospitalisation, Ernie remarqua seulement à présent qu'il avait fait du mal à son neveu. Il n'avait rien vu dans son entêtement aveugle et il regretta la personne qu'il était quand l'argent était concerné.
Il se promit de lui payer la moitié des frais en lui laissant un petit mot d'excuse pour leur dispute.
Il n'aurait aucun problème à connaitre le montant vu qu'il connaissait très bien le personnel de St Pervenche.
Il se sentit très seul et très mal en regardant le gamin se lever dans un mouvement d'humeur pour aller sortir Salem.
Son plus fidèle compagnon était resté immobile tout le temps qu'ils avaient haussé la voix, le regard anxieux passant d'un à l'autre, ne sachant pas vers qui aller.
Il avait jeté un regard à son maitre avant de se mettre en mouvement mais balança joyeusement sa queue en voyant Zachary revenir sur ses pas en soupirant.
Le fabricant voyait bien que son neveu était comme lui et détestait partir fâcher, ne serait-ce même pour revenir dix minutes plus tard.
Tout en se rapprochant du lit, il remarqua à juste titre à quel point leur dispute était ridicule. Elle ne l'était pas pour Ernie, mais il comprenait que c'était le fait de se disputer et non le sujet de la dispute qui était ici visé. Du moins, c'est ce qu'il se disait pour ne pas encore s'énerver, tourner autour du pot et redire cent fois les mêmes choses.
Le gamin lui demanda si c'était vraiment si difficile pour lui d'accepter une main tendue et s'il n'accepterait jamais son aide. Ses paroles le choquèrent : il ne s'était jamais vu comme quelqu'un de buté au point de ne jamais accepter de l'aide. Plus il y réfléchissait, plus il se revoyait, jeune homme, devant faire taire la réputation "du fils de étant là car pistonné par sa famille" et pour cela, refusant effectivement tout coup de pouce durant ses études. L'arrogance de la jeunesse lui avait donné envie de s'élever seul dans le milieu et il y était parvenu.
Mais après...cela semblait tout de même improbable qu'il se soit toujours renfermé sur lui-même. Pour l'argent c'était certain, et il l'assumait sans lui-même bien comprendre ses relations ambigues avec les pièces de monnaie. Pour le reste...

-Je suis d'accord avec toi. Et j'accepte de l'aide quand j'en ai vraiment besoin.

Oui, sauf concernant les Mornilles ce qu'il garda de dire : son neveu avait déjà dû le voir, mais il serait stupide de montrer son entêtement en avouant qu'il préférerait coucher dehors plutôt que de demander qu'on lui prête de l'argent.
Le coeur d'Ernie battit un peu plus vite alors qu'une vague de chaleur l'envahissait quand Zach utilisa le mot famille.

-Oui, les familles s'entre-aident dans les coups durs. Mais pour moi, une famille n'en est pas une véritable si elle n'est pas...dysfonctionnelle. Dit-il en ne pouvant s'empêcher de lui faire un petit sourire.

C'était d'ailleurs souvent les dysfonctionnements qui rendaient les familles si intéressantes à analyser. Il était presque apaisant de découvrir qu'ils pouvaient se crêper le chignon entre eux. Au moins, ils n'avaient pas peur de rester sur les positions même si l'autre n'avaient pas du tous les mêmes.

-Je sais que tu as du mal à accepter ça tout comme moi j'ai du mal à accepter ce que tu as fait.

Il ne rajouta rien et se garda de lui dire qu'il allait payer que la moitié. C'était un petit geste mais très signifiant pour Ernie et il savait que maintenant que Zach avait vu ce côté moins plaisant de sa personne, il comprendrait que ce fut difficile pour son oncle et cela devra lui faire plaisir.
Du moins, c'est ce qu'il espérait.
Un grand sourire éclairai enfin entièrement son visage quand il mentionna Samantha.

-Tu plaisantes ? Tu devrais inverser ta question ! C'est moi qui n'arrivait jamais à lui faire entendre raison !

Ernie entreprit alors de raconter quelques anecdotes pour soutenir ses propos et prouver à son neveu que sa mère était très souvent impossible.
L'ambiance s'allégea d'elle-même tandis que le temps avançait, et le visage de Sam brillait dans la chambre. Il raconta comment elle enchainait les conquêtes au grand dam de ses parents, comment elle en avait d'ailleurs toujours fait qu'à sa tête, et comment elle écoutait les gens lui faire la moral en sachant qu'ils avaient raison et en continuant pourtant à clamer ce qu'elle savait comme étant faux.

-Je crois que pour ça, et toi et moi lui ressemblons ! Et toi, est ce que quelqu'un peut te faire entendre raison ?, demanda-il en souriant.

Il fut bientôt l'heure de quitter l'hôpital (que le temps passait plus vite sans les nuages noirs des disputes ! ) et Ernie ne fit pas l'affront à Zach de demander devant lui plus d'informations concernant les frais à l'infirmière.
Les médicaments qu'on lui avait administré permettait qu'il ne ressente aucune douleur à sa poitrine, ce qui le rendait extrêmement léger.