Suite aux derniers événements qui s'étaient déroulés à New Phoenix la ville était en ébullition et pas seulement la ville, cela s'étendait bien au-delà des frontières appartenant aux Territoires du Nouveau-Monde. Après les révélations fracassantes de Victor Yaxley lors du cinquième congrès pour la Paix le monde était devenue une soupape qui ne demandait qu'à exploser. Et ce fut les Inquisiteurs qui débutèrent les hostilités et quelle offensive ! Il fallait reconnaître que c'était un coup de maître. Intervenir en pleine retransmission télé de la première réapparition public de l'homme le plus détesté des Etats-Unis, pour l'enlever au nez et à la barbe de tous était un pari aussi osé que risqué ! Mais les Inquisiteurs avaient réussi leur coup mieux encore, ils étaient parvenus à s'imposer et si nuls n'ignoraient qu'ils n'étaient pas une menace à prendre à la légère, désormais tous pouvaient trembler devant eux.

Saevus Yaxley ! Ils détenaient à présent le leader du Nouveau-Monde, mais dans quel but ? Nul ne le savait avec précision mais tous se doutaient un peu de ce qui allait lui arriver. Les Inquisiteurs n'étaient pas connus pour être un parti très clément, et l'ancien Leader du Nouveau-Monde allait devoir répondre de ses crimes. La guerre venait de débuter...

C'est dans ce climat tendu que Sofia avait fait le vernissage de sa nouvelle exposition photos programmé depuis plusieurs mois. Suite aux événements qui venait de bouleversé toute la communauté magique ou moldu, elle avait contacté la responsable de la galerie pour savoir s'il ne était pas préférable d'annuler le vernissage mais après une longue conversation téléphonique les deux femmes avaient décidé de le maintenir, et contre toute attente elles avaient eut raison. Comme pour fuir la réalité, ou essayer de ne pas se projeter dans un avenir incertain qui paraissait de plus en plus sombre la plupart des personnes invités avaient répondus présents. Les femmes avaient sortis leur plus beaux atours, quand aux hommes, smoking et sourire étaient de rigueur.
Pour l'occasion Sofia avait rattaché sa magnifique chevelure doré en un chignon haut et avait revêtu une robe noir, moulante qui ne laissait que peu de place à l'imagination. Le champagne coulait à flot et même si beaucoup admiraient ses clichés qui mettaient essentiellement sa nouvelle muse Zoya Fawkes en scène, et venaient la féliciter pour son travail, le grand sujet de conversation du moment restait l'enlèvement de Saevus Yaxley. Tout le monde avait son avis sur la question mais tous s'accordaient à dire qu'on ne le reverrait plus dans le paysage politique, soit parce qu'il finirait ses jours dans une prison, soit parce qu'il n'était déjà plus qu'un esprit errant hantant pour l'éternité la tour qui fut le symbole de sa gloire mais également de sa chute.

Entourée de Jeremy Jacobi un critique d'art et Adrian Morris un journaliste visiblement plus intéressé par sa personne que par ses clichés Sofia était une hôte remarquable et remarquée. Elle brillait, faisait preuve d'esprit, se montrait charmante et avait un mot pour tous alors qu'en réalité, elle abhorrait certains de ses invités. Alors qu'elle guettait d'un oeil discret les nouveaux arrivants en se demandant si Cecil ferait une apparition un visage familier qu'elle ne s'attendait pas du tout à revoir de si tôt et surtout pas ici, se présenta devant elle.
On la surprenait très rarement, mais cette fois Ernie Beller avait frappé fort. Que faisait le Mage Fondateur dans cette ville où la technologie régnait en maître ? Dans ce territoire qui reléguait ses si précieuses baguettes magiques au rang d'objets obsolètes et inutiles ? Il lui avait bien parlé d'un neveu qui vivait dans le coin mais ça n'expliquait pas ce qu'il faisait à son vernissage, et ivre, à en juger par son odeur et sa tenue. S'était-il disputé avec son précieux neveu ? Ça n'arrangerait pas ses affaires mais cela n'aurait rien de très surprenant au vu de leur idéologie si diamétralement opposée... elle aurait juste préféré qu'ils attendent un peu pour régler leurs comptes décidément rien ne se passait comme elle le voulait

S'excusant auprès de ses deux cavaliers, Sofia entraina Ernie dans un coin un peu à part de la salle d'exposition. Alors qu'elle s'apprêtait à lui demander la raison de sa présence, le fabriquant de baguette la devança et lui reprocha, quelque chose qu'elle n'était pas certaine de comprendre. Qu'elle sache, il était encore un peu tot pour qu'il lui fasse le moindre reproche, alors de quoi parlait-il ? Des innocents victimes de cinglés ? La photographe haussa un sourcils sceptique. Il n'était quand même pas entrain de parler de Saevus Yaxley quand même ? Son regard se fit plus noir lorsqu'il s'empara de son bras avec violence. En tant normal elle lui aurait fait regretter son geste mais ils étaient dans un lieu pulique, lors d'une soirée mondaine organisée en son honneur où elle ne pouvait se permettre de faire le moindre esclandre. Et puis, elle aurait besoin du fabricant de baguette dans un avenir proche.

- Vous êtes ivre, lui fit-elle observer froidement tout en retirant son bras de sa poigne d'un mouvement sec.

Mais c'était à peine s'il l'avait entendu tant l'homme était perdu dans ses délires, et continuait de tenir des propos incompréhensibles. Que lui était-il donc arrivé depuis la dernière fois qu'elle l'avait croisé ? Elle avait fait la connaissance d'un homme jovial, gentil, et un brin naif alors qu'aujourd'hui il était totalement brisé et n'était plus que l'ombre de lui-même....
Ses propos incohérents furent très vite interrompus par un des vigiles du salon, qui, comprenant que l'homme l'importunait, intervint pour faire sortir l'indésirable en toute discrétion. Une chance pour elle, Ernie obtempéra non sans l'avoir raillé pour son succès...

La sorcière observa le dos de cet homme qui avançait, bien droit mais dont la démarche était assez mal assurée, jusqu'à ce qu'il ne quitte définitivement la galerie et disparaisse de son champs de vision. Qu'était-il donc venu faire ici ? Il paraissait si désespéré que cela pouvait presque s'assimiler à un appel au secours, malheureusement pour lui, il avait frappé à la mauvaise porte. Ernie Beller ne faisait pas parti de sa meute, il n'était rien pour elle si ce n'était un pion qu'elle désirait utiliser lorsque le moment serait venu, mais il n'était pas encore temps. Pour l'heure elle préféra chasser ce malheureux incident de son esprit et s'en retourna rejoindre ses convives.

La soirée continua de se dérouler sans plus le moindre incident. Nul ne semblait avoir fait attention à Ernie dont la présence ne semblait avoir perturbée personne, si ce n'était elle. Qu'était-il donc venu faire ici ? Et pourquoi ? Voilà bien des question dont seul le principal intéressé détenait les réponses...
Finalement, prétextant une journée très chargée, Sofia quitta la galerie alors que la soirée était encore loin d'être finie. Enveloppée dans son manteau, elle héla un taxi lorsqu'elle l'aperçut, adossé contre un mur face à la galerie. Que faisait-il encore là ? Il l'attendait ? L'espionnait ? La guettait ? Il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir.
Après avoir demandé au chauffeur de patienter quelques minutes, juchée sur ses talons aiguilles, elle traversa la route au pas de course et le rejoignit. Une fois à sa hauteur elle le toisa légèrement. Il semblait complétement perdu et mort de froid, comme s'il n'avait nul part où aller. Le prenait-elle en pitié ? Absolument pas mais elle n'avait pas oublié ce qu'il avait fait pour elle, aussi, l'attrappa-t-elle par le bras pour l'aider à se relever.

- Venez !

Ce n'était ni une proposition, ni une main chaleureuse, mais un ordre, après tout, il lui devait bien ça. Il paraissait avoir quelque peu dessaoulé mais son regard était toujours aussi vitreux et perdu. Ensemble ils montèrent dans son taxi qui les conduisit jusqu'à son hôtel dans un silence pesant. Sans laisser l'occasion à Ernie de riposter, elle l'entraina avec elle jusqu'à sa suite. La chambre qu'elle occupait était un haut standing, avec salon et bar. Elle fit glisser son manteau le long de ses bras et le balança sur son canapé, puis se fut autour de ses chaussures d'être retiré. Ses pieds nus s'enfonçant dans la luxueuse moquette bien épaisse, elle s'avança vers le bar et fit couler deux cafés bien corsés. Lorsque ce fut fait elle le rejoignit et lui tendit sa tasse avant de s'assoir à ses cotés

- Vous avez assez bu pour la soirée il me semble. Alors, dites-moi tout, qu'est-ce qui vous a mis dans cet état ?

Elle ne l'avait pas quitté du regard aussi lorsque Ernie se brûla la langue après qu'elle eut formulé sa question sa réaction ne lui échappa pas mais elle ne bougea pas pour autant, restant impassible, elle attendit qu'il lui fournisse les explications qu'elle demandait et qu'elle méritait. Il leva alors son regard sur elle et resta un moment silencieux à la dévisager. A quoi pensait-il ? Au mini scandale qu'il avait provoqué ? A son attitude ? A la raison de sa présence ici ? Peu importait de toute manière, cela n'avait aucune importance ce qu'il pouvait bien pensé ce qui comptait était de le voir répondre à sa question, ce qu'il se résolu à faire en lui confiant les raisons de son mal être.

Si Ernie était à New Phoenix c'était tout simplement parce qu'il était venu voir Hères Yaxley. Sofia n'avait pu s'empêcher de froncer les sourcils en entendant cela. Hères Yaxley ?! Mais pourquoi ? Quelle idée saugrenue de le déranger maintenant alors qu'il était en situation de crise ? Elle n'avait jamais été confrontée à un tel cas mais pour être le bras droit d'un homme politique important elle savait que ces derniers étaient déjà tous très occupé en temps normal, alors en pareille situation ils étaient absolument injoignables. Une autre question lui traversa aussitôt l'esprit, pourquoi avait-il cherché à contacter le nouveau Leader des Partisans du Nouveau-Monde, lui, un mage fondateur ? Il n'avait quand même pas espéré recevoir une audience de sa part pour débattre de la sauvegarde des baguettes magiques ?!!
Non, bien sur que non, c'était complétement ridicule, et la raison ne tarda pas à tomber. Une explication qui la surprit et qu'elle n'aurait jamais soupçonné. Son neveu avait été enlevé en même temps que Saevus Yaxley ?!
L'incompréhension se lisait sur son visage. Il était vrai que les Inquisiteurs avaient emmené avec eux deux hommes, et bien que nul n'était sans ignorer que leur otage principale était Saevus Yaxley, l'identité du second était un peu passé sous silence ce qui n'avait rien de surprenant compte tenu de la personnalité de Saevus Yaxley qui n'était pas moins que le Leader très contesté ces derniers jours du Nouveau-Monde. Tous les regards étaient braqués sur lui et uniquement sur lui.

- J'imagine que le jeune Yaxley n'a pas eut le temps de vous recevoir, en situation de crise s'est tout à fait normal, essaya-t-elle de lui expliquer. Mais je ne comprends pas, que faisait votre neveu avec Saevus Yaxley ? Ils sont proches ? Qui est-il exactement ?

Sofia n'avait pas pensé un seul instant que le neveu d'Ernie puisse être un homme politique influent. Peut-être était-ce à cause de la simplicité que dégageait le fabricant de baguette qu'elle s'était imaginée que son neveu lui ressemblait mais de toute évidence elle s'était trompée, le neveu d'Ernie était loin d'être monsieur n'importe qui comme elle le croyait. S'en prendre à son neveu, ne pas savoir comment il allait, rongeait Ernie d'inquiétude. Il lui paraissait comme éteint. L'étincelle de vie qu'il possédait lorsqu'elle avait fait sa connaissance semblait avoir complétement disparu. Il n'était plus que l'ombre de lui-même

- Je comprends que vous puissiez être bouleversé il n'y a rien de pire que l'attente, mais l'alcool ne vous soulagera aucunement.

Contrairement à ce qu'il s'imaginait, l'alcool ne l'aiderait pas à oublier et ne lui apporterait aucun réconfort. Elle l'avait pourtant mis en garde. Elle lui avait dit qu'il devrait s'y préparer, que la guerre était proche et qu'il allait perdre des êtres chers. Elle l'avait prévenu, elle l'avait avertit qu'il n'y avait pas de place dans ce monde pour les faibles et que seuls les plus forts s'en sortiraient. Elle se rappelait de ses paroles mot pour mot. Elle venait tout juste de bruler vive cette maudite araignée sous le regard stupéfait du sorcier...

"Cela vous a choqué n'est-ce pas ? Ce n'était pourtant qu'une misérable créature complétement inutile auquel vous n'étiez absolument pas attaché... Vous devriez vous y habituer, des êtres chers vous allez en perdre beaucoup et vous aurez beau faire, vous ne pourrez pas tous les protéger. Apprenez à vous endurcir tant qu'il en est encore temps"

Beaucoup de gens auraient tenté de lui apporter des paroles réconfortantes pour le consoler et le rassurer mais pas elle. Non pas qu'elle était insensible à la détresse du sorcier après tout, il lui faisait de la peine, mais telle était la réalité, leur réalité ! Prononcer des mots vide de sens dans le seul but de le réconforter était ridicule. Nulle ne savait ce qu'il était advenu de celui pour qui il se rongeait tant les sangs ni même s'il était toujours vivant. Plus vite Ernie s'y ferait mieux ce serait, elle regrettait juste pour lui qu'il y soit confronté aussi vite. Pour être parfaitement franche elle pensait être celle qui ferait descendre Ernie Beller de son petit nuage, mais force était de constater que ce ne serait pas le cas. Elle esquissa un sourire navrée tout en posant la main sur son épaule

- Vous ressemblez plus à un père inquiet pour son enfant qu'à un oncle inquiet. On dirait que vous le considérez bien plus comme votre fils que comme votre neveu. D'ailleurs que faites-vous tout seul ? Ne devriez-vous pas être auprès de ses parents, sa famille ? Même si vous appartenez à des courants politiques divergents, un même malheur vous accable non ? Vous devriez pouvoir vous soutenir et affronter cette situation ensemble. Voulez-vous que j'appelle quelqu'un ?

Ernie Beller, le charmant et maladroit fabricant de baguette qui était parti en chasse d'un Botruc il y a de cela quelques mois avait laissé place à un homme perdu, dont l'impuissance face à une situation donnée, semblait l’avoir plongé dans le gouffre d’un désespoir sans nom. Il n’avait trouvé que pour seul refuge une maitresse fort dangereuse auquel on prenait très vite goût et qui une fois tombé dans son giron vous laissait rarement repartir sans y avoir laissé des traces. Une maitresse qui s'appelait alcool. Une maitresse qui, s’il y prenait gout pourrait bien finir par le détruire lui et son inestimable talent, un talent qu’elle ne pouvait se permettre de voir se flétrir uniquement parce qu’il voulait y noyer sa peine et oublier...
Oublier, c'était visiblement tout ce qu'il désirait, mais pour Sofia, ce n'était qu'une preuve de faiblesse.

- Ce n'est qu'une fuite en avant, rétorqua-t-elle durement. Et la fuite, n’a jamais été une solution.

De son point de vu il avait suffisamment bu pour la soirée, et tant qu’il serait avec elle, il ne toucherait pas un verre de plus ! Alors qu’elle s’attendait à le voir protester Ernie se tourna vers elle dans un étrange sursaut d’espoir et lui posa une question qui la dérouta. Connaissait-elle des Inquisiteurs ?
Oui, elle en avait rencontré, elle leur avait même livré ce maudit sorcier, qui était la cause de sa transformation, et ce malgré l’interdiction formel de Cécil qui n’en savait rien, du moins, selon toute vraisemblance. Ce maudit chacal avait fini sa vie en tant que cobaye pour une femme du nom d’Elizabeth qui faisait des recherches sur l'origine des pouvoirs des sorciers, et qui s'avéra être la première ex-femme de celui qui deviendrait par la suite son employeur : Charles Jagger Jr. Savoir que cet homme finirait sa vie entre les mains des inquisiteurs, après qu'elle leur eut révélé tous ses crimes, était à son sens un châtiment pire que la mort. Il avait probablement succombé depuis, c’était un mage fondateur, comme Ernie… Mais le fabriquant de baguette n'avait absolument rien à voir avec ce maudit rat.
Elle avait effectivement bien un ou deux contacts chez les inquisiteurs, mais il ne s’agissait que de petites mains. Hors elle était persuadée qu’avec un prisonnier comme Saevus Yaxley, les Inquisiteurs autorisés à s’en approcher et par conséquent capable d’obtenir des nouvelles qui soient fiables étaient les têtes dirigeantes du parti
Les gens qu’elle connaissait et c’était un bien grand mot, ne seraient probablement d’aucun secours pour Ernie, et même si c’était le cas, croyait-il vraiment qu’elle jouerait de ses relations pour lui, surtout auprès des Inquisiteurs ? Les concernant, elle préférait garder ses options pour elle en cas de besoin.

- Non, désolée, répondit-elle en le regardant droit dans les yeux.

Les mains jointes devant elle, elle observa cet homme qui avait parcouru des kilomètres dans l’espoir de voir le leader d’un parti dont il n’aimait pas les idées, juste pour tenter d’obtenir des renseignements. Un homme prêt à remuer ciel et terre pour un membre de sa famille et qui finissait par se retrouver seul et esseulé dans un territoire qui lui était hostile.
Que faisait-il ici ? Elle ne pouvait pas le laisser repartir, elle était persuadée qu’il irait s’enivrer dans le premier bar venu et qu’il finirait la soirée dans le caniveau. Si son neveu vivait ici, c’était qu’ils y avaient forcément de la famille tous les deux, pourquoi n’était-il pas avec eux ? A cause de leur différence d’idéologie ? C’est ce qu’elle essaya de savoir, mais la réponse d’Ernie la surprit. Leur situation familiale lui parut soudainement bien compliquée, mais il y avait une évidence qui sautait à ses yeux : Il n’y avait rien qu’il ne ferait pour lui, et ça c’était tout à son avantage, si du moins, il s’en sortait vivant.

Sofia constata que le fabricant de baguette lorgnait dangereusement par-dessus de son épaule en direction du bar, mais elle ne fit aucune remarque préférant voir si Ernie en ferait de lui-même où s’il saurait faire taire cette envie qui le tiraillait et qui se lisait parfaitement dans la prunelle de son regard. L’homme qui lui faisait face prit une profonde inspiration avant de s’excuser pour le mini scandale qu’il avait provoqué pendant le vernissage de son exposition.
Il n’avait rien fait d’irréversible ni même de dommageable. Il avait été quelque peu remarqué, elle ne pouvait le nier, mais une fois parti il avait presque été aussitôt oublié.

- Excuses acceptées

Elle aurait pu le rassurer en lui disant que ce n’était pas grave, mais Sofia n’en fit rien. Elle préférait qu’il ait honte de lui, de son comportement et qu’il prenne conscience de ce que l’alcool pouvait l’inciter à faire. Etre en colère, en vouloir au monde entier, c’était des sentiments qu’elle connaissait parfaitement. Lorsqu’il reposa la tasse en la remerciant pour le café elle comprit qu'il était prêt à s’en aller.

- Et où comptez-vous aller si tôt sorti d’ici ? Lui demanda-t-elle. Vous ne connaissez personne ici c’est bien ce que vous m’avez dit,….Si tôt sorti d'ici vous comptez vous rendre dans le premier bar venu pour vous enivrer et essayer d'oublier n'est-ce pas ? Vous pensez vraiment que je n’ai pas remarqué que mon bar vous paraissait bien plus attrayant que moi, se moqua-t-elle avant de reprendre plus sérieusement en durcissant cette fois le ton. Je ne le connais pas mais vous pensez vraiment que cette attitude est celle que votre neveu aimerait vous voir adopter ? Que vous vous détruisiez pour lui ? C’est ça votre solution ?! Il va falloir vous montrer plus fort que ça Ernie. Ce soir vous n’irez nulle part, vous allez rester ici, avec moi.

Elle avait tendu son bras pour poser sa main sur la sienne, et lui esquissa un semblant de sourire compatissant

- Depuis quand n’avez-vous pas dormi ? Voici ce que nous allons faire, vous allez dormir ici, sur ce canapé qui, je n’en doute pas est surement très agréable, et demain matin je contacterais une de mes connaissances qui travaille à la Maison Blanche. Je ne vous garantis rien, le prévint-elle en levant vivement sa main en signe de mise en garde. J’ignore si elle détient en sa possession de nouvelles informations, ni même si elle sera en mesure de mes les communiquer, mais cela ne me coutera rien d'essayer

Sofia pensait à Jewel De Silva bien sûr, la Chef de cabinet adjoint de la Maison Blanche qu’elle connaissait très bien du fait des relations très amicales qu’elle entretenait avec Cécil. Elle ignorait si la Maison Blanche était en mesure de lui apprendre quoi que ce soit, et en toute franchise elle en doutait sérieusement, mais si ça pouvait donner un semblant d’espoir au sorcier, ou tout du moins l'empêcher d'aller s'enivrer pour la nuit, pourquoi pas, et quelque part, elle devait avouer qu'elle aussi était curieuse d’en savoir plus. Que comptait donc faire les Inquisiteurs de Saevus Yaxley ?

La proposition de Sofia ne souffrait d'aucune contestation, pour elle, il n'était pas question qu'Ernie Beller quitte cette chambre pour aller s'enivrer quelque part jusqu'à plus soif. L'alcool n'était pas une solution mais une addiction, une fuite en avant pour les plus faibles. Si Ernie commençait à boire, son talent allait s'étioler et s'il y avait bien quelque chose qu'elle ne désirait surtout pas perdre, c'était le talent du fabriquant de baguette. Elle avait bien constaté qu'Ernie s'apprêtait à protester mais finalement il se ravisa et se contenta de la remercier, le rouge aux joues, sincèrement touché par sa sollicitude. Ce fut à son tour d'être troublée lorsqu'il referma sa main sur la sienne, il semblait se raccrocher à elle comme à une bouée de sauvetage. Depuis quand ne lui avait-on pas donné l'impression d'avoir réellement besoin d'elle ? Elle ne s'en souvenait même plus. Fort heureusement, elle n'eut aucun mal à se ressaisir lorsqu'il lui demanda pourquoi elle faisait cela. Un petit sourire moqueur se dessina alors sur ses lèvres tandis qu'elle lui répondait sans le quitter des yeux avec cette petite étincelle mystérieuse dans le fond de son regard

- Par pur opportunisme, lui avoua-t-elle, je n'aimerai pas voir votre talent s'étioler à cause de l'alcool, ce serait un bien trop grand gâchis et un trop beau cadeau que vous feriez aux Inquisiteurs, croyez-moi, le monde à encore besoin de vous et vos services.

Elle n'avait pas menti, si elle avait sauvé Ernie des griffes de l'alcool pour ce soir en tout cas, c'était avant tout pour elle, parce qu'elle avait besoin de lui et de ses qualités pour venir à bout de son projet, pour que les loups-garous déclarent définitivement la guerre aux vampires et pour que sorciers et moldus cessent de les considérer comme une minorité insignifiante pour les premiers ou pour des monstres pour les seconds. Pour qu'il puisse y avoir du changement, il fallait un autre Marrok à leur tête, et pour cela, Cécil devait mourir

La voix d'Ernie la tira de ses réflexions et lui tira un sourire amusé lorsqu'il lui demanda si elle n'avait pas quelque chose à faire, comme trier ses photos par hasard, avant de ne réaliser un peu trop tardivement ce qu'il venait de dire. Le pauvre homme tenta de se rattraper en lui assurant qu'il ne voulait pas sous-entendre que ses photos étaient ennuyantes à regarder. La photographe amateurs ne prit pas mal sa réflexion et elle aurait peut-etre même pu rire de sa maladresse étant donné qu'elle était dans un bon jour si la situation n'était pas aussi critique pour Ernie.
A sa façon très nerveuse de se tordre les doigts dans tous les sens, à ses traits tirés, elle voyait bien que le pauvre homme était au bord du gouffre.

- Je n'ai rien à classer, mais je peux vous montrer ce que je fais si vous voulez, j'ai ma tablette avec quelques unes de mes photos et puis j'ai deux ou trois idées pour occuper la soirée, mais avant cela...

Elle se pencha vers lui et referma sa main sur celles d'Ernie, pour l'inciter à se calmer et à cesser de se tordre les doigts dans tous les sens. Le geste avait été silencieux, appuyé par un regard très éloquent. Estimant avoir toute son attention, elle passa son autre main dans son dos

- Et si vous vous laissiez enfin aller, lui proposa-t-elle avec douceur

Elle était persuadée qu'Ernie n'avait pas encore craqué, qu'il n'avait pas laissé libre cours à ce trop plein d'émotion qui le submergeait. Pleurer ne lui ramènerait surement pas son neveu et n'apporterait aucune solution à son problème c'était une certitude, et c'est pourquoi certains prétendraient que pleurer était inutile, que cela ne servirait à rien, mais c'était faux. Pleurer pouvait vous soulager, vous aider à accepter vos émotions. Pour Sofia, il n'y avait aucune honte à pleurer, ce n'était pas une faiblesse, au contraire c'était un pas vers la guérison. Un acte qui vous libère de vos tensions et qui vous permet d'éviter la spirale infernale que sont les angoisses et la dépression, et en ce moment même si Ernie avait bien besoin d'une chose, c'était de pleurer

Sofia avoua sur un ton léger qu'elle le surveillait par pur opportunisme : en effet, elle ne voulait pas que son "talent" soit gâché par l'alcool. D'après elle, le monde avait encore besoin de ses services et il fronça les sourcils. N'était pas celle qui lui avait dit que les baguettes ne seront bientôt plus que "des objets obsolètes tout bon à être exposés dans un musée?".
Certes, elle lui avait déjà montré son intérêt pour son travail, mais il avait cru comprendre lors de leur première rencontre qu'elle pensait que son art courait désormais à sa perte. Après tout, on pouvait apprécier quelque chose qu'on savait vouer à disparaitre. Et pourtant avec ce dernier commentaire, la jeune femme devenait de plus en plus mystérieuse à ses yeux. Il n'arrivait pas à la comprendre et cela l'intriguait : que pensait-elle vraiment ? Que le monde avait effectivement encore besoin d'artisans comme lui ou bien lui disait-elle cela simplement pour le consoler ?
A moins qu'il n'ait mal compris ce qu'elle avait laissé entendre la première fois qu'il avait vu son joli visage. C'était il y a quelques temps déjà et en ces temps troubles, Ernie ne faisait plus trop confiance à sa mémoire pour se souvenir exactement de paroles prononcées.
Sa réponse le faisait beaucoup trop réfléchir et il se retrouva avec un front fiévreux.
Au moins, il n'avait pas imaginé le corps recroquevillé de son neveu pendant presque une minute entière et c'était la première fois depuis qu'il avait appris son enlèvement.

-Alors ce n'est pas ma génération qui verra les baguettes remplir les musées ? Murmura-t-il.

Son ton n'était ni froid ni amère. En fait, la sourde angoisse qui lui entaillait le corps l'empêchait d'éprouver d'autres sentiments aussi puissants comme le ressentiment ou la colère. Le sujet lui avait simplement occupé l'esprit pendant une centaine de secondes et il voulait tenter de le continuer pour ne pas que le visage de Zach danse de nouveau devant ses yeux.
Mais ce n'était qu'une cause perdue.
Avoir réalisé qu'il n'avait pas pensé à son neveu pendant une minute l'empêcha de se concentrer sur autre chose que les conditions de détention de ce dernier.
Ernie commença donc à se tordre les mains, serrant l'une dans l'autre du plus fort qu'il pouvait, enfonçant ses ongles dans sa peau.
Elle lui proposa de voir ses photos sur "une tablette", cette chose qu'utilisait souvent Zachary.
Mais avant qu'il ne puisse lui répondre, elle posa délicatement sa main si douce sur les siennes. L'effet fut immédiat et ses mains devinrent immobiles, tandis que son coeur, troublé par ce brusque mais doux contact, battait à la chamade.
Elle avait dû être embêtée par ses gestes du coin de l'oeil. Ernie se souvint que son père était un rien maniaque sur ce qu'il voyait du coin de ses yeux : il n'aimait pas, une fois assis à côté de son fils, que celui ci tapote ses doigts sur ses genoux. Il disait que ça faisait partir son regard de ce qu'il voulait voir ce à quoi Ernie n'avait jamais vraiment prêté attention, jusqu'à ce que les remarques paternelles lui fassent voir les choses sous un autre angle. Peu de temps après, ce fut au tour d'Ernie d'être embêté par un mouvement qu'il voyait du coin de l'oeil et qui l'empêchait de concentrer son regard sur un point fixe.
Cependant, Sofia ne semblait pas être comme son père (ou comme Ernie lui-même). Ce n'est pas ce que son regard disait.
Il en fut certain quand elle se rapprocha de lui en plaçant sa main dans son dos.

Et si vous vous laissiez enfin aller ?

Une nouvelle fois, il fronça légèrement les sourcils, perplexe. Elle était très proche de lui et Ernie n'avait aucune idée de ce qu'elle avait voulu dire.
Ses yeux vagabondèrent sur ses lèvres, et il pencha la tête, indécis. Attendait-elle qu'il l'embrasse ? S'il se trompait, il aurait vraiment l'air d'un idiot, aussi préféra-t-il se replonger dans son regard pour avoir une aide sur ce qu'il était censé faire.
Sa douceur dans sa voix avait été réelle et il la revit dans ses yeux et enfin il comprit. Il ouvrit les bras et se réfugia dans son étreinte maladroitement.
C'était étrange.
Il y avait de la douceur, du mystère, de l'angoisse dans cette étreinte mais aucune tension. Ernie s'y sentit aussitôt à l'aise et il se laissa envahir par la douce chaleur que lui procurait la jeune femme.
Pour la première fois il réalisa qu'elle devait l'apprécier un rien car elle lui offrait ce minuscule moment de paix dans un monde qui n'avait plus aucun sens. Jusque là, le fabricant ne savait pas réellement ce qu'elle pensait de lui.
Il brisa ce moment au bout d'une dizaine de secondes et il ne put bizarrement pas croiser son regard. Il se sentait gêné de s'être "laissé aller" dans cette étreinte, lui montrant à quel point il avait besoin de s'accrocher à quelqu'un en l'ayant serré si étroitement.
Il avait une boule dans la gorge qu'il tenta de chasser en se raclant cette dernière.

-Je...je serai ravi de regarder vos photos.

Sofia alla docilement chercher son écran magique et passa en revue ses clichés.
Malgré ses compliments éteints, Ernie ne parvenait pas à réellement apprécier son talent. Tout ce qu'il voyait tandis qu'elle comblait le silence d'explication et d'anecdotes était un Zachary effrayé. Un Zachary hurlant de douleur. Un Zachary dont le corps ne bougeait plus.
Il tenta de ne pas lui montrer ce que ses yeux voyait à la place des photographies. Il cacha son horreur en souriant doucement quand il pensait que la situation le demandait.
Ernie était loin, bien trop loin et il semblait désormais impossible qu'il ne revienne parmi les êtres rationalisant.
Dehors, l'aube commençait à se lever. Ernie ferma les yeux deux minutes et bientôt un soldat à l'uniforme de l'Inquisition lui souriait d'un air narquois. Il lui signala quelque chose du doigt et le regard du fabricant suivit docilement la direction qu'il lui indiquait. C'était un trou dans la terre autour duquel deux hommes se trouvaient avec des pelles sur l'épaule. En un clignement de paupières, Ernie se retrouva à leur côté, avec lui aussi un outil dans sa main. Il pelleta dans le tas de terre et jeta son chargement dans le trou. Il hurla d'horreur en apercevant le visage blanc de Zachary dont le corps avait déjà été enseveli si ce n'est un bras qui ressortait morbidement de terre. Le choc le réveilla d'un coup et il fut sur ses pieds plus vite qu'il ne l'aurait jamais pensé, le coeur battant. Zach. Zach avait été enlevé par les Inquisiteurs. Mais il n'était pas encore mort, non. C'était un cauchemar, un simple cauchemar se répétait-il tandis que la vision du cimetière disparaissait peu à peu avec le cadavre de son neveu.
Désorienté, il cligna des yeux quelques fois et reconnu la chambre d'hôtel où Sofia l'avait amené la veille. Il entendait la voix de cette dernière au loin. Ernie regarda sa montre : 8h. Elle devait être en train d'appeler son contact comme elle le lui avait promis.
Parfaitement réveillé à présent, il se dirigea vers la source sonore qui se trouvait être dans la salle de bain.
Il frappa trois petits coups et entra timidement dans la pièce. Il comprit à sa tête qu'il ne fallait pas qu'il se fasse de faux espoirs.
Lorsqu'elle raccrocha, il avait déjà compris que son amie n'avait pas pu lui donner plus amples informations. Du moins pour le moment.
Régina réapparu comme par magie dans son cerveau.
Une nouveau but. Ernie ne devait pas s'arrêter sinon il avait le sentiment que tout serait perdu.

Ils sortirent tous les deux de la salle de bain et il fit son impoli en remettant déjà sa veste. Elle puait l'alcool et le vomi sans qu'il ne puisse comprendre comment il avait fait pour se dégueuler dessus. Etait-il tombé dans la flaque ? Peu importe, il prit les mains de la jeune femme dans les siennes et plongea son regard dans le sien.

-Merci. Merci beaucoup Sofia.

Et sans qu'il ne puisse l'avoir réfléchi, il déposa un chaste baiser sur le coin de ses lèvres, avant de disparaitre dans le couloir.

charney

J'ai hésité à couper ce post en deux en attendant ta réponse mais j'avais un peu peur qu'on ait plus grand chose à écrire tous les deux. J'espère que tu ne m'en veux pas d'avoir pris cette liberté de faire accélérer le temps !
En tout cas, je me suis régalée sur ce rp