Lorsque Tom s'était réveillé, en sursaut, son coeur avait accéléré si rapidement qu'une infirmière, inquiète, s'était précipité dans sa chambre en entendant le rythme irrégulier.
Terrifié, il n'avait pas tout de suite compris que la menace était écartée : ce n'était pas des vampires autour de lui, mais les murs blancs d'une chambre d'hôpital, ainsi que le visage inquiet de son ami penché vers lui.

Se calmant peu à peu alors que Charles lui expliquait en quelques mots ce qui c'était passé (il s'était évanouis quelques moments seulement avant qu'on les laisse partir et il l'avait directement amené à l'hôpital le plus proche. Ils étaient donc toujours dans la même ville que ses bourreaux...Sa première réaction fut de tirer les draps sur lui, d'une manière ridicule pour se protéger, et de vouloir rentrer à Bismarck. )
Cependant, la voix grave de Charles continua calmement à la rassurer et, peu à peu, les yeux paniqués de Thomas purent se concentrer sur ce qui se trouvait autour de lui.
Il avait un un cathéter dans son bras - qui lui prodiguait certainement de la morphine ou autres car la douleur avait disparu - et il avait également l'épaule immobilisée dans une écharpe.

-Et toi ça va ? Ils t'ont fait quelque chose ? Demanda l'éditeur d'une voix blanche, tandis que l'infirmière les laissait seuls.

Ecoutant attentivement sa réponse, les visages pâles - et surtout celui de cet enfant terrifiant - lui revenaient en tête. C'était bien fait pour lui. Jamais il n'aurait dû se laisser tenter par la goutte du Diable. A présent... à présent, ils avaient la vendetta du Roi des vampires et de sa cour sur eux ! Lui qui aspirait à ne pas se faire remarquer et vivre sa vie... Pourquoi n'avait-il pas réfléchi à tout ça ? Parce que cette drogue l'avait véritablement aidé ? Parce qu'elle lui faisait vraiment du bien ? Sans elle, jamais il n'aurait répondu à la positive à l'invitation de Raphaël... Penser à lui le faisait stresser malgré les circonstances. Il se redressa sur le lit, conscient qu'il ne voulait plus revoir cet homme qui lui faisait tant d'effets. C'était trop compliqué. Et tellement effrayant aussi. Non, sans la drogue, il ne pourra plus jamais le revoir. Il en était incapable.

Sans la drogue...
Parce que oui, à présent, il ne pouvait pas se permettre d'aller tranquillement se racheter une dose près du revendeur du coin...qui lui n'avait pas été présent à cette petite...réunion. Non, sa vie en dépendait.
Mais comment pouvait-il vivre sa vie sans cette substance qui lui permettait de se sentir plus léger ? Plus vivant ? Moins coincé dans les ténèbres ?

-Je ne vais pas pouvoir tenir longtemps sans le sang de vampire... murmura doucement Thomas d'une voix désespérée en détournant les yeux de son ami.

Sa détresse était immense. Sa vie déjà bien triste, venait de prendre un virage incertain. Et tout ça, c'était uniquement de sa faute... Pourquoi Dieu ne lui avait pas donné autant de forces et de courage que les autres ? Pourquoi ne se sentait-il toujours pas bien dans sa peau ?
Il relaissa tomber sa tête sur l'oreiller et ferma un instant les yeux : la boule de sentiments était trop grosse dans sa gorge et il sentait les larmes arriver. Prenant une grande inspiration, il parvint à les éloigner puis se tourna vers son ami.

-Merci d'être resté près de moi. Et de m'avoir amener ici.

Tom toussota et détourna très vite les yeux, ému et désespéré.

-Mais réexplique moi...Qu'est-ce qu'ils veulent ? Qu'on vienne leur faire un rapport ? Qu'on leur livre nos dealers?

Pour ça il fallait les recroiser... Le corps entier de Tom fut secoué d'un frisson d'horreur. Comment allaient-ils surmonter ça ?

-Est-ce que...Est-ce que les journaux en ont parlé ? De notre séquestration ?

L'éditeur espérait que non. La drogue c'était le privé. Pas question qu'au bureau ou même que Raphaël ou Ethan l'apprennent. Et sa petite soeur ? Qu'est-ce qu'elle en penserait? C'était bien trop honteux et personnel. Mais comment allait-il pouvoir garder ça privé s'il en était dépourvu ? Le manque allait cruellement se faire ressentir... Devait-il prendre autre chose ? Peut-être que son ami pourrait le conseiller ?
Devant eux, il n'y avait qu'un sombre tunnel dont Thomas était incapable de distinguer la sortie.

Son rythme cardiaque se calmait peu à peu - en restant néanmoins plus rapide que la normale - tandis que Charles lui affirmait qu'il allait bien. Soupirant de soulagement, un petit sourire sincère se dessina sur les lèvres de l'éditeur.

-Tant mieux, répliqua Thomas. Et s'il te plait, ne t'en veux surtout pas pour ça.

Tom ne pouvait supporter l'idée que l'ami avec qui il partageait quasi tout, s'en veuille. C'était ridicule de croire qu'il était coupable de ce que ce petit monstre lui avait fait subir. Le seul coupable c'était lui-même qui s'était mis tout seul dans ce pétrin.
D'ailleurs, sans Charles avec qui parler de tout ça, que serait-il devenu ?
Et à présent qu'allaient-il devenir tous les deux ? Ce n'était plus possible de se procurer de la goutte du Diable, Tom en serait incapable, mais comment allait-il pouvoir survire sans ? Il partagea son désespoir dans un murmure, la boule dans la gorge avant de se reprendre légèrement pour le remercier comme il se le devait.
La panique revint malgré le calme apparent de cette chambre d'hôpital et de la présence rassurante de son ami lorsqu'il lui demanda ce que les vampires voulaient d'eux, s'ils voulaient des rapports réguliers ou autre.

« C'est ce que je vais faire oui... Pour ce qui est de toi, je vais voir si je peux te sauver de tout ça. »

C'est une vague de reconnaissance éternelle que Charles put lire dans les yeux de l'éditeur. Tom aurait tant voulu le croire et se dire qu'il allait pouvoir vraiment "le tirer de là", le rendre invisible. S'il n'en prenait plus, pourquoi devaient-ils s'intéresser à lui ?
Cependant laisser son ami seul dans cette dangereuse tornade faisait de lui un mec peureux et surtout, surtout, un vrai lâche. Comment pourrait-il laisser Charles faire tout le sale boulot ?
Ne devait-il pas lui-même essayer de réparer les dégâts qu'il avait causé ? D'abord à lui-même en tentant de se sevrer. Existait-il un département de sevrage à Bismark d'ailleurs ? Pourrait-il supporter ça ? De toute façon, il n'avait plus le choix là...Ce n'était même pas une option mais une étape vitale pour se faire bien voir par les vampires.
Et ensuite...ensuite faire tout ce que les vampires leur demandait de faire.

-Merci mais... mais je ne peux pas te laisser tout seul. Je leur fournirai tout ce qu'ils veulent. Ne viens pas te mettre en danger pour moi en leur demandant des faveurs.

Et puis quoi encore. Thomas n'était pas l'homme le plus courageux au monde. Il ne savait même pas si son corps possédait ne serait-ce qu'une parcelle de courage. Mais il n'était pas question que Charles puisse se mettre en danger en tentant de le protéger.
Beaucoup de choses l'empêchaient de profiter de la vie, il ne devait pas en rajouter à la liste. Savoir Charles mal au point à cause de lui serait la goutte faisant déborder le vase, il le savait.

Observant les mains de son ami trembler, Tom ne dit rien à ce sujet et préféra le contourner en lui demandant si la presse avait été mise au courant.
Apparemment, les vampires avaient bien organisés ça. Rien n'avait fuité. Charles, très pâle, se passa la main sur son visage, inquiet. Il ne pouvait pas se permettre que son addiction devienne publique.

-Je sais.

Mal à l'aise face à sa détresse, Tom détourna son regard pour réfléchir à sa question.

-Oui, oui je crois. Une de ses sous-mains. Je n'ai jamais su son nom mais il était là quand ce...

La voix de Tom s'étrangla dans sa gorge, horrifié de revoir le meurtre de l'homme qui leur fournissait.

-...quand Séville n'était pas là.

Le corps de Tom s'était remis à trembler mais il n'avait pas mal. Est-ce que c'était déjà le manque ? Regardant à nouveau les mains de Charles trembler à l'unisson, il murmura.

-Charles. On a plus le choix. Il faut entrer en cure. C'est ce qu'ils veulent non ? Il faut leur obéir. On peut le faire discrètement, j'en suis sûr.