Le sang attire le sang

   Le désespoir vous pousse très souvent à faire des choses qu'en temps normal vous ne feriez jamais et que vous n'hésiteriez pas à qualifier de stupide ou d'inconscient. La détresse vous rendait plus téméraire, vous incitant sans la moindre hésitation à goûter avec ivresses à des expériences interdites auxquelles vous n'auriez même pas songé. Cela vous insufflait une sorte de seconde vie et apportait un semblant d'exaltation à l'existence morne et terne qu'offrait cette vie terrestre.
Cela faisait deux mois à présent qu'il avait aménagé à Washington DC, la capitale des Etats-unis, siège de la plupart des institutions fédérales et centre névralgique des activités gouvernementales. Une ville toujours en mouvement aux nombreux attraits, mais qui était loin de posséder la richesse culturelle de New-York ni la place que cette ville si particulière tenait dans son coeur. Son nouveau travail au Département de la Sécurité intérieur du pays, le passionnait et occupait le plus clair de son temps, ce qui lui permettait d'avoir l'esprit occupé et de cesser de penser à ce qui le tourmentait sans interruption dès lors qu'il cessait toute activité. Travailler à la Maison-Blanche était un défi de tous les instants aussi excitent que passionnant dans lequel il devait se faire une place et prouver sa valeur. Bien que ce travail correspondait en tous points à ses attentes tant professionnellement parlant que personnellement, cette réussite n'avait à ses yeux absolument aucune saveur, plus rien n'avait d'intérêt depuis qu'il avait rompu avec elle. Ce fut la chose la plus difficile qu'il ait eut à faire de toute sa vie, et bien qu'il savait que c'était absolument nécessaire s'il désirait la protéger, ce n'en n'était pas plus facile pour autant.

Renoncer à Thémis avait été une folie, il en avait parfaitement conscience, la magnifique brune était la meilleure chose qui lui soit jamais arrivée. Sans qu'elle ne s'en rende compte, elle était parvenue à calmer ses démons, à ses côtés, pour la première fois de sa vie, il envisageait un futur à deux mais aussi paradoxale que cela puisse paraître, il avait parfaitement conscience que, tant qu'il ne serait pas parvenu à exorciser son passé, il ne pourrait jamais penser à l'avenir sereinement, ni même fonder une famille. Et puis il en allait de sa sécurité. Il ne pouvait pas laisser le Cercle s'approcher d'elle, il n'était pas question pour lui de mettre en danger une vie aussi précieuse que la sienne et c'était ce qui arriverait inexorablement si elle venait à découvrir leur existence, leurs idées dangereuses et surtout leurs projets complétement fou qu'elle ne pourrait cautionner. De plus, si cela venait à mal tourner pour lui, il ne désirait pas la voir être éclaboussé par le moindre scandale, sa carrière serait terminé alors qu'elle était promise à un brillant avenir, malgré son statut de cracmol n'en déplaise à certains sorcier trop obtus pour prendre conscience de la personne exceptionnelle qu'elle était. Quitter le Cercle n'était pas la solution non plus. D'une part parce qu'il n'y tenait pas et que les Inquisiteurs avaient prouvé à maintes reprises que les moldus étaient une véritable menace. Une menace qu'il était plus que temps de brider définitivement. De plus, ce groupuscule avait les moyens de lui ouvrir les portes du pouvoir et par là-même de parvenir à découvrir enfin qui se cachait derrière l'assassinat de ses parents. Cela pouvait paraitre stupide après toutes ces années mais Ethan ne comptait pas renoncer à les retrouver un jour.

Il n'y avait donc pas d'autres alternatives à leur histoire que celle-ci, sa raison le savait et n'en doutait pas un seul instant, c'était la seule décision à prendre mais cette pensée était loin de le consoler et il en souffrait. Il aurait souhaité être totalement anesthésié, ne plus rien ressentir mais il en était incapable. D'une part parce que sans sa sensibilité, il serait incapable de peindre et de créer à son tour des tableaux ou des oeuvres capables d'insuffler une émotion à celui qui la contemple ou de reproduire avec la même passion que l'artiste originale les tableaux de maîtres qu'il reproduisait. D'autre part, sa soeur était la seule personne à lui inspirer un amour total et sans condition et il n'était pas prêt à y renoncer pour ne plus souffrir. Avec toutes les autres personnes qui faisaient parti de sa vie d'une manière ou d'une autre il n'était pas totalement sincère. Il leur donnait la sensation d'être exceptionnelle à ses yeux alors qu'ils ne représentaient rien pour lui. Tel un parfait escroc, il lui suffisait de se montrer aimable, de leur offrir des sourires de façade, de s'intéresser à leurs petites vies minables, dans le seul but de pouvoir s'en servir plus tard contre eux si cela s'avérait nécessaire. Toutes ces personnes qui lui mangeaient dans la main, n'avaient pas la moindre idée à quel point il les méprisait eux et leurs crédulités. Tous ces collègues qui espéraient s'attirer ses faveurs et qui tombaient si facilement sous son charme parce qu'il leur adressait un simple sourire ou encore ceux qui s'imaginaient endormir sa méfiance pour mieux le surveiller et le poignarder dans le dos le moment venu... C'était fou tout ce que l'on pouvait obtenir sans en avoir l'air, d'un simple sourire, les gens étaient si stupides, il n'avaient aucune compassion pour les imbéciles qui se faisaient avoir et qui tombaient sous son charme. S'ils étaient faibles, stupides et crédules c'étaient leur problème pas le sien, lui ne faisait qu'en profiter.

Heureusement il pouvait compter sur sa soeur pour apporter un peu de piment et d'intérêt à sa vie qui manquait indéniablement de saveur depuis que Thémis était partie. Sans elle tout lui paraissait fade et sans saveur. Allison n'avait pas hésité une seule seconde à venir s'installer avec lui à Washington, DC dans un loft qui n'était pas très éloigné du sien. Sa soeur n'avait posé aucune question concernant sa séparation avec Thémis, comprenant d'instinct qu'il s'agissait d'un sujet tabou sur lequel il ne souhaitait pas s'étendre. Au lieu de le prendre en pitié, elle était parvenue à exalter un peu son existence en lui proposant une chasse au trésor des plus excitantes. Revenir au pays avec ce trésor serait très facile puisque les puissants de ce monde avaient inventé une protection offerte par l'Etat pour tous les diplomates, qui lui était désormais très utile et dont il pouvait enfin bénéficier grace à son nouveau statut : l'immunité diplomatique. Le dérober par contre serait peut-être moins aisé mais ce serait indéniablement la partie la plus passionnante de ce petit jeu....

Toutefois, aussi exaltante soit cette perspective ce n'était pas suffisant, et c'était la raison pour laquelle ses pas le menaient directement ici jusqu'à ce lieu de perdition, de veloute et de plaisir qu'était le Fang, car il savait qu'il y trouverait ce qu'il était venu chercher, ce frisson d'excitation et de danger qui lui donnerait la sensation d'être toujours vivant. Il l'aperçut de loin, venir l'accueillir, majestueuse dans cette sublime robe pourpre qui rappelait le sang dont elle se gorgeait pour vivre. Sa superbe crinière blonde était parfaitement domptée dans un magnifique chignon, tout était absolument irréprochable chez cette femme. Milady était la quintessence même de la luxure avec cette bouche pulpeuse si bien dessiné, ce regard de biche et ce corps affriolant. Un léger sourire s'étira sur ses lèvres alors que la distance qui les séparait s'amenuisait jusqu'à ce qu'ils se retrouvent l'un en face de l'autre. Plongeant son regard dans le sien, il prit délicatement la main qu'elle lui offrait et la lui baisa

- Le plaisir est plus que partagé, lui assura-t-il tout en lui offrant l'un de ses bras pour se diriger vers ses appartements privés. Tu es toujours aussi resplendissante

Ensemble, tel un couple parfaitement assortis, mariant l'élégance et la classe, ils traversèrent le hall du Fang' si somptueusement décorés, en ignorant superbement tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin, lui l'humain et elle la vampire. Ce n'était pas la première fois qu'il se rendait dans ce repère de vampires et aussi surprenant que cela puisse paraître, il ne s'était jamais senti menacé ou en quelconque danger et il avait parfaitement conscience que c'était au bon vouloir de Milady qu'il le devait.
Milady, c'était sous cette appellation qu'il la connaissait. Ce n'était pas son véritable nom d'ailleurs il ne s'agissait même pas d'un nom, il ne lui en connaissait cependant pas d'autres, mais quelle importance, après tout pourquoi chercher à en savoir davantage ? Ne se présentait-il pas également sous un nom qui n'était pas le sien, et puis, nulle autre nom n'aurait été aussi bien porté par la belle qui dégageait autant de force, de charisme et de présence qu'une véritable Lady sans oublier ce parfum de danger qui émanait d'elle et qui rappelait ce personnage emblématique de Dumas. Les vampires présents les observèrent passer en silence et à vrai dire Ethan ne leur accorda pas le moindre regard, seule Milady bénéficiait de toute attention et son intérêt.
Très rapidement, ils regagnèrent les appartements privés et ô combien luxueux de la reine du Fang', et Ethan délaissa son bras pour aller confortablement s'assoir sur le sofa qui n'attendait que lui, suite à son invitation. Lorsqu'elle revint à ses cotés, les mains chargés d'une coupe pour chacun, il prit le verre de Whisky qui lui était destiné en la remerciant tout en levant son verre pour trinquer à leur retrouvailles. Ethan savoura cet excellent cru, dont la bouteille ne devait pas couter moins de 500$ alors que de son côté, Milady dégustait cette liqueur dont le rouge carmin ne laissait aucun doute quand à son contenu.

- C'est vrai, reconnut-il, beaucoup trop longtemps à mon goût si tu veux savoir, même si nous n'avons pas la même perception du temps.

Les vampires avaient l'éternité devant eux, une année devait  à peine passé inaperçu pour eux, du moins l'imaginait-il. Les vampires détenaient beaucoup de capacités très attrayantes : une beauté figé dans le temps qui jamais plus ne se fanerait, l'éternité, ainsi qu'une force et une rapidité peu commune. Tous ces avantages et notamment l'éternité avait de quoi séduire de nombreuses personnes mais pas lui. Il trouvait déjà sa propre vie bien longue alors l'éternité... il ignorait comment il pourrait la supporter sans finir par mourir d'ennui, un peu comme s'il se retrouvait à son tour coincé sur une agréable petite île paradisiaque. L'idée était séduisante mais une fois qu'il en aurait fait le tour, il s'en lasserait indéniablement, mais s'il pouvait quitter son île à tout moment, le retour en arrière, une fois que l'on choisissait l'éternité, étaient quand à eux, impossible

- Il m'est agréable de te revoir Milady, tu m'avais manqué. Pour te répondre, il ne s'est rien passé de notable cette dernière année si ce n'est que je me rapproche de toi désormais. J'ai quitté l'Arizona, pour m'installer à Washington, ce qui signifie qu'il me sera plus aisé de venir te voir désormais, et de ton coté qu'elles sont les nouvelles dis-moi ?

Milady était une femme influente dans le monde des vampires, elle appartenait à la cours du roi Jaroslav et était l'une de ses plus proches collaboratrices, de plus beaucoup de confidences se faisaient au sein du Fang' dans lequel les langues se déliaient très aisément avec un peu d'alcool et d'intimité... Bien qu'elle semblait mener une vie oisive c'était très mal la connaître que de s'imaginer cela. Milady était une femme subtile qui agissait toujours au moment opportun et qui savait occuper son éternité de manières aussi diverses que variés

- Je ne suis pas venu te voir par hasard, mais, fit-il en se tournant légèrement dans sa direction tout en étendant son bras sur le dossier du canapé, pour savoir si tu savais qu'elle date nous étions.

Constatant qu'il était parvenu à l'intriguer, Ethan ne pu s'empêcher de rire légèrement avant de poser son verre sur la table basse qui se trouvait à leur côté afin de pouvoir extraire de la poche intérieur de sa veste, une fine enveloppe blanche sur laquelle son nom apparaissait en écriture dorée qu'il lui tendit. A l'intérieur se trouvait une invitation personnelle pour assister au défilé organisé par la très renommée styliste moldu Margaery Harrison. Une moldu certes, mais dont la sœur était inquisitrice et qu’il était toujours bon d’avoir dans ses contacts

- A compté de demain, New-York sera en effervescence avec l'ouverture de la fashion week. Si tu n'as pas de projets à cette occasion et si tu es disponible, j'aimerai beaucoup t'inviter à y passer quelques jours en ma compagnie. L'idée d'y aller seul ne m'amuse pas vraiment et je pense qu'il est de notre devoir de montrer à certains parvenus ce qu'est la véritable classe. Qu'en dis-tu ? Je ne doute pas que l'on pourra y trouver beaucoup de divertissement… de toutes sortes